Ils sont de plus en plus nombreux les toits, dans le Grand-Paris et ailleurs en France, à se convertir à l’agriculture urbaine. Raison pour laquelle Fanny Provent, ingénieure agronome et coordinatrice de la Chaire Agricultures urbaines d’AgroParisTech, leur a consacré un guide, le premier du genre, afin d’informer au mieux les décideurs locaux, aménageurs, promoteurs et constructeurs souhaitant se lancer dans ce type de projets. Elle a réalisé pour ce faire 11 audits en s’intéressant à chaque fois à la gestion quotidienne, aux contraintes structurales, à l’accessibilité, à l’étanchéité et aux techniques de culture. Pour Enlarge your Paris, elle a accepté d’en commenter six en amont de la conférence de clôture des Rencontres agricoles du Grand Paris le 11 juin à Montrouge sur le thème «Des toits agricoles, une utopie pour le Grand Paris ?»
«Aménager une toiture-terrasse pour un projet d’agriculture urbaine – Aide à la décision», étude de Fanny Provent et Paola Mugnier publiée par la Chaire Ecoconception des Ensembles bâtis et des Infrastructures, partenariat entre VINCI, AgroParisTech, MINES ParisTech et l’Ecole des Ponts ParisTech.
Conférence «Des toits agricoles, une utopie pour le Grand Paris ?» le mardi 11 juin de 18h30 à 21h30 au Beffroi de Montrouge, 43 avenue de la République à Montrouge (Hauts-de-Seine). Inscription gratuite sur Eventbrite
La ferme Lachambaudie (Paris 12e)
« La start-up Aéromate est spécialisée dans la production d’herbes aromatiques, de fleurs comestibles et de micro-pousses, et cultive des variétés très originales gustativement. Fondée par trois ingénieurs en biotechnologies, elle cultive ses sites en hydroponie, une technique d’agriculture hors-sol très répandue aujourd’hui et pour laquelle la terre est remplacée par un substrat à base de billes d’argiles. Les racines trempent dans un liquide riche en sels minéraux et en oxygène. L’exemple de la ferme Lachambaudie (12e) gérée par Aéromate est caractéristique des toits potagers et montre qu’en cultivant en circuit fermé on parvient à économiser 90% d’eau par rapport à l’agriculture en pleine terre. Sur ce toit de la RATP, les aromates sont vendus aux salariés ainsi qu’aux commerces et restaurants alentours. »
CultiCime (Aubervilliers / Seine-Saint-Denis)
« Depuis 1994, l’association Espaces pilote de nombreux chantiers d’insertion en se fondant sur l’écologie urbaine. Pour le projet CultiCime, sur le toit d’un centre commercial d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), elle s’est associée à l’entreprise Topager, qui cultive aussi 2500 m² du toit de l’opéra Bastille. Le site possédait déjà 1,10 mètre de terre. Avoir une toiture prête à l’emploi est un sacré atout ! En général, plus le substrat est épais, plus il permet une diversité de cultures. En revanche, l’espace cultivé est fragmenté en trois parties ce qui rend le travail quotidien plus fastidieux pour les équipes. »
L’Espace Jean Dame (Paris 2e)
« Les projets portés par Toits Vivants repensent le toit comme un lieu de vie à destination de la population. Leur philosophie et leur modèle économique s’appuient sur la participation des habitants, qui deviennent adhérents pour entretenir collectivement l’espace, y organiser des ateliers, débattre… L’Espace Jean Dame est une microferme située sur le toit d’un gymnase dans le 2e arrondissement. Elle accueille aussi un petit rucher et laisse sauvage une partie de la parcelle afin de participer à la biodiversité du quartier. La production est partagée entre la trentaine d’adhérents. Elle est également vendue aux restaurants du coin et lors d’un petit marché organisé régulièrement dans la rue avec Veni Verdi, qui cultive aussi un toit à quelques pas de là.«
Le collège Delacroix (Paris 16e)
« Sur les 1200 m² de toiture du collège Delacroix (16e), l’équipe d’Agripolis expérimente l’aéroponie horizontale et verticale (l’eau est apportée sous forme de brumisation aux cultures). Leurs nombreuses colonnes de cultures permettent un gain de place au sol et donc un rendement conséquent. Les cultures sont variées ; on y retrouve aussi bien des fraises que des légumes ou des aromatiques. La production est vendue au personnel du collège ainsi qu’aux supermarchés situés dans un rayon de 500 mètres. »
Siège de BNP Paribas Real Estate (Issy-les-Moulineaux / Hauts-de-Seine)
« Nous sommes ici sur l’une des terrasses du siège social de BNP Paribas Real Estate à Issy (Hauts-de-Seine) qui s’est transformée en laboratoire-potager à destination des salariés. Les entreprises Peas & Love et Mugo y expérimentent différents systèmes à la recherche du modèle idéal. Peas & Love offre à chaque salarié de louer une parcelle de 3m² (entre 34€ et 38€ par mois) avec près de 70 plants. Un « community farmer » se charge ensuite de cultiver les bacs. Les salariés peuvent aussi participer à des ateliers de sensibilisation à la nature, un bon moyen de créer du lien social en entreprise. »
L’école AgroParisTech (Paris 5e)
« Le projet T4P, lancé avec l’aide de Topager en 2012 sur le toit d’AgroParisTech (5e), est pionnier en matière de cultures sur toitures à Paris. Niché à 25 mètres de hauteur, il s’est donné pour objectif de constituer un sol fertile, cultivé sans intrants, uniquement à partir de déchets urbains : déchets de cuisine ou d’espaces verts, marc de café, briques ou tuiles en morceaux… Le toit utilise le compost des Alchimistes et expérimente aussi l’urine comme fertilisant. Le rendement est aujourd’hui important, au moins autant qu’une agriculture en plein sol pour la même surface, et les taux de polluants dans les légumes sont bien inférieurs aux normes. La culture sur toiture offrant plus de chaleur, il a pu être testé des cultures exotiques comme le petsaïai (chou chinois), la brède mafane venant de Madagascar ou le gombo africain. Cela permet de cultiver local et sain tout en répondant à la mixité culturelle de Paris. Le toit d’AgroParisTech a également donné lieu à une thèse de Baptiste Grard.«
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4 juin 2019