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« Les plus hauts niveaux de pollution ont été atteints à Paris durant les années 50 »

La place de l'Etoile à Paris dans les années 50 / © Patricia M. (Creative commons / Flickr)
La place de l’Étoile à Paris dans les années 50 / © Patricia M. (Creative commons / Flickr)

On entend souvent dire que la région parisienne est plus polluée qu'avant. Pour en avoir le cœur et les poumons nets, Enlarge your Paris s'est entretenu avec Antoine Trouche, ingénieur chargé de la médiation scientifique chez Airparif.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est Airparif ?

Antoine Trouche : Airparif est une association indépendante agréée par le ministère de la Transition écologique pour surveiller l’état de la pollution de l’air en Île-de-France. Elle surveille donc les niveaux de pollution et évalue les politiques publiques ; elle a également une mission d’amélioration de compréhension des pollutions de l’air, et une mission de perfectionnement des outils de surveillance. Commune par commune, nous évaluons donc l’origine des émissions, qu’il s’agisse du trafic routier, du chauffage, des chantiers ou de l’activité agricole. Nous avons aussi des outils de modélisation sur la qualité de l’air pour voir comment les polluants se dispersent. En fonction des vents et de la pluie, de la réaction chimique entre polluants dans l’air et de l’importation et l’exportation des polluants dans l’air depuis les régions frontalières. Cela permet d’alerter lors des épisodes de pollution du jour pour le lendemain. Nous avons aussi une soixantaine de stations de mesure de pollution, réparties en Île-de-France. Nous avons ainsi l’équivalent d’un petit laboratoire sous le jardin des Halles, un autre dans un faux kiosque à journaux, un à la tour Eiffel, un autre au milieu des Champs-Élysées… Ces stations nous fournissent des informations précises sur les concentrations de pollution et nous permettent de vérifier la justesse de nos modélisations.

On entend souvent dire que la région parisienne est très polluée, voire plus polluée qu’avant. Est-ce vrai ?

J’effectue beaucoup d’interventions et c’est effectivement une remarque que j’entends souvent. Mais elle est fausse. Sur les dix dernières années, les niveaux de dioxyde d’azote et de particules fines, deux des principaux polluants de l’air, ont baissé de 45 % à Paris et de 40 % en Île-de-France. Des études historiques semblent montrer que les plus hauts niveaux de pollution ont été atteints à Paris durant les années 50. À l’époque, les voitures n’avaient pas de système de dépollution, l’industrie au charbon existait encore et les deux tiers des Français se chauffaient au charbon. Il y a toutefois une exception, un polluant dont le taux reste stable depuis vingt ans : l’ozone de basse altitude. Rien à voir avec la couche d’ozone. Ce polluant a une durée de vie de plusieurs semaines et peut se mouvoir d’un continent à l’autre. Il se forme par réaction chimique entre polluants dans l’atmosphère en présence de fortes chaleurs et de fort ensoleillement, donc le changement climatique joue contre nous.

À quoi tient cette amélioration globale de la qualité de l’air ?

À plusieurs facteurs. D’abord à la baisse de l’usage de la voiture à Paris. Il a baissé d’un quart durant les vingt dernières années, et, hors périphérique, de moitié. Ensuite, les voitures anciennes ont été remplacées par des véhicules plus récents ; et le diesel est peu à peu remplacé par l’essence, moins polluante, et par l’électrique, encore moins polluant. Côté chauffage, on a désormais des appareils récents moins nocifs comme les pompes à chaleur. La rénovation thermique des bâtiments y contribue aussi, tout comme la disparition progressive du fuel et la montée en puissance de l’électrification ; ainsi que le remplacement de vieux moyens de chauffage par des systèmes plus récents et plus efficaces.

Malgré ces baisses, la pollution de l’air en Île-de-France demeure un enjeu de santé publique…

C’est certain. La pollution est responsable de 1 700 décès prématurés par an à Paris et de 7 900 en Île-de-France. Faire diminuer très fortement les niveaux de pollution de l’air permettrait donc un gain d’espérance de vie d’un an pour les Parisiens. Des normes pour la qualité de l’air existent dans toute l’Union européenne. À Paris, 2 000 personnes respirent encore un air situé au-delà de ces normes. La France a d’ailleurs été condamnée à plusieurs reprises à ce sujet. Or, en 2030, ces limites vont être abaissées. Si on se base sur ces futures valeurs limites, l’ensemble de la ville de Paris se situe au-dessus, de même qu’une partie de la petite couronne. Des efforts supplémentaires sont donc nécessaires pour respecter cette future réglementation, et éviter décès et maladies liés à la pollution de l’air.

Infos pratiques : le bilan de la qualité de l’air 2023 à Paris est à retrouver sur airparif.fr

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