Paris n'a pas le monopole du cul. De l'autre côté du périph', on dispose d'un vaste parc de courts de penis pour s'adonner, l'espace d'une heure ou deux, à des montées à la volée classées X. Oubliez 50 nuances de Grey et suivez notre journaliste dans ses pérégrinations.
Aux antipodes des adresses de charme cachées derrière une énorme glycine au fond d’une rue peu passante, les chaînes d’hôtels « premier prix » ne sont pas réputés pour être « le » cocon des amoureux en goguette. Bruyants, impersonnels et froids, ces endroits préfèrent abriter les amoureux d’une nuit ou d’une heure et les amants dont le confort du foyer est réservé aux étreintes conjugales. Voire les journalistes bizutés par leur rédaction en chef pour un test grandeur nature (même si la taille ne fait pas tout).
Love Hotel à la française
Nous y voici. Montreuil. Une heure du matin. L’atmosphère estivale et l’air chargé d’une moiteur digne d’un SAS rendent l’ambiance propice à quelques égarements. La rue est déserte à l’exception de quelques voitures garées ça et là, leurs propriétaires étant probablement à l’endroit même où nous nous rendons.
Un peu plus loin, le périphérique fait entendre son vrombissement perpétuel. Nous passons une discrète double porte automatique. Planqué derrière son comptoir, un agent de sécurité/réceptionniste (on ne sait pas très bien…) nous toise d’un regard digne du Grand Inquisiteur. Quoique nous aussi pêcheurs en quête de « quick sex », nous ne correspondons apparemment pas au genre habituel de la clientèle.
Les bons comptes font les bons amants. Ce qui explique sans doute que notre gorille de l’amour me tende un terminal de paiement par carte bancaire. Lequel, une fois la transaction dument effectuée, nous donne droit à un pass électronique, véritable Sésame pour le septième ciel.
Deux étages plus haut, j’insère la carte (à quoi vous attendiez-vous, bande de lecteurs vicieux ?) dans la serrure électronique de notre nouveau nid pour découvrir une sobre installation : un lit deux places aux draps propres mais défraîchis, une minuscule table faisant office de bureau et un lavabo dans un coin.
Le mobilier a un tel aspect qu’il ferait passer le plus moche des meubles Ikéa pour la dernière œuvre d’un designer en vogue. La douche sera partagée avec les voisins : soit une cabine automatique donnant l’impression d’un micro-ondes géant (la porte vitrée en moins).
Baise-en-ville
Justement, nous ne sommes pas seuls. En guise d’accueil dans la modeste chambre, les gémissements de notre voisine, venue visiblement dans le même but que nous. L’isolation phonique semble avoir été pensée par Beethoven.
Cela nous laisse tout le loisir d’apprécier le souffle de bœuf de son compagnon, apparemment pas un sportif confirmé. Je regarde Pierre, nos regards ont à peine le temps de se croiser que nous sommes pris d’un fou-rire incontrôlable, qui aura pour effet de les faire taire instantanément, apparemment plus gênés que nous par la situation quelque peu loufoque.
Nous nous allongeons sur le lit dont le moelleux équivaut à celui d’un tapis de gym, version XL. La literie, indéniablement à bout de souffle, prouve à elle seule que ceux qui fréquentent cet endroit ne viennent pas faire un somme. Nous déciderons d’ailleurs plus tard de ne pas rester pour la nuit, tant l’inconfort est prégnant. De plus, notre voisine s’est remise à chanter un air d’opéra assez… singulier.
Vite fait, bien fait ( ?)
Le moment arrive donc où nous entrons au cœur du sujet. Pourtant intimes et habitués à ce genre d’activité, nous agissons comme deux ados qui se rouleraient des pelles derrière l’église du village : maladroits, hésitants, ayant peur de se faire « cramer » (si nous pouvons entendre la Castafiore et son bovidé d’amant, alors la réciproque est valable).
Je connais son corps, ses points sensibles, ses fantasmes (et vice versa), mais nous redevenons subitement deux étrangers qui se retrouvent nus l’un en face de l’autre pour la première fois. Notre voltige d’habitude folle et fusionnelle devient alors froide et (presque) sans grand intérêt. Pas de doute, ce lieu a le chic pour casser la routine, certes, mais surtout les envies !
Une fois l’affaire rondement menée, nous ressortons et croisons un autre couple dans le couloir trop éclairé à la moquette affreusement trop rouge. L’homme baisse les yeux en arrivant à notre niveau, laissant deviner un acte peu assumé. Retour à l’accueil, je remets le pass au réceptionniste.
Comme la faim se fait sentir, je remarque un distributeur automatique proposant diverses boissons et snacks, probablement la seule offre de collation de l’hôtel. Un Mars et ça repart ? Possible, mais par pitié, ailleurs que dans ce tue-l’amour !
12 février 2015 - Montreuil