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« Les clients de la SNCF ont le droit d’avoir le choix »

La Gare de Lyon à Paris / © Yann Audic
La Gare de Lyon à Paris / © Yann Audic

Alors que la grève se poursuit à la SNCF, le directeur général de Transilien, Alain Krakovitch, prend la parole pour donner sa vision de l'avenir de l'entreprise qui selon lui doit se transformer pour être capable de se battre sur tous les marchés de la mobilité en France, en Europe et dans le monde.

Alain Krakovitch, directeur général de SNCF Transilien

Nous avons une occasion unique de créer une nouvelle SNCF. L’arrivée de la concurrence justifie que la SNCF se transforme afin de rester une entreprise performante et adaptée aux évolutions de la mobilité de nos clients. Il faut réformer la SNCF, non pas parce que les cheminots sont « inefficaces ». Il faut réformer parce que l’arrivée de la concurrence nous oblige à nous transformer. Et je suis convaincu que nous pouvons construire une nouvelle entreprise sur de belles bases.

Il est difficile d’assurer que la concurrence permettra d’améliorer la régularité, la qualité de service et de réduire les prix. Pour autant l’ouverture à la concurrence est inévitable. Au-delà du fait qu’elle est voulue par l’Europe, nul ne peut contester que nos clients, qu’ils soient voyageurs ou conseils régionaux, ont le droit d’avoir le choix. Le choix de leur compagnie de trains. Le choix d’un TGV SNCF ou d’un TGV italien, allemand. Pour TER et Transilien, la situation actuelle de monopole qui oblige les régions à négocier avec la seule SNCF est frustrante pour les présidents de régions. Ils voudraient pouvoir choisir mais doivent passer des contrats avec la SNCF en ayant forcément l’impression qu’ils n’en ont pas pour leur argent.

Un réseau hors d’âge

La SNCF et les cheminots sont performants, compte tenu des moyens dont ils disposent. Certes, nous ne sommes pas satisfaits de la régularité de nos trains et des difficultés vécues par nos clients. Ces difficultés ont une raison principale : un réseau hors d’âge car pendant ces trente dernières années les investissements nécessaires au renouvellement des voies, des caténaires, des signaux n’ont pas été réalisés. La conséquence principale de ce sous-investissement est une diminution de la fiabilité qui se traduit pour les clients par une augmentation de l’irrégularité. Les clients des trains de la région parisienne ne le savent que trop bien. Etant le directeur de Transilien, je sais trop l’état de vétusté d’une partie du réseau en Île-de-France, les efforts quotidiens pour réparer ce réseau d’un autre temps.

 La dette de la SNCF est également la conséquence directe des décisions, durant des décennies, de développer le réseau TGV. Et l’Etat avait alors souhaité que ce soit la SNCF qui finance ce réseau. On ne se pose pas la question de la dette de la route et tout le monde trouve normal que les investissements routiers soient financés par l’Etat.

Et malgré cet état du réseau, d’après une étude indépendante du BCG (Boston Consulting Group), la SNCF est classée 7ème de tous les chemins de fer européens, sur des critères de qualité de service, de sécurité et de fréquentation. Et si on ne prend que les critères de qualité de service et de sécurité, nous sommes 4ème et même 1er des grands réseaux, devant l’Allemagne, la Grande Bretagne, l’Italie ou l’Espagne.

Quai bondé sur le réseau Transilien
Quai bondé sur le réseau Transilien / © Letizia Le Fur

Des contributions publiques faibles

Enfin, la SNCF n’est pas une pompe à subventions publiques. Tous les pays du monde ont un système ferroviaire financé à la fois par le contribuable et le client. La France est un des pays où les contributions publiques sont les plus faibles, selon cette même étude BCG. Le bashing de ces dernières semaines est donc particulièrement injuste. Les contrevérités, les caricatures et les raccourcis amènent à penser que la SNCF et les cheminots ne seraient pas du côté de leurs clients, alors que la réalité est tout autre. Nos résultats, tels qu’ils sont perçus par nos clients, ne reflètent pas les efforts considérables et quotidiens, l’engagement extraordinaire des cheminots, qui est la marque de notre culture.

 Le statut était lié au fait que peu de gens voulaient travailler dans les chemins de fer après la guerre ; qu’une fois cheminot, on ne pouvait exercer ses compétences qu’au sein de la SNCF et qu’il était donc normal d’avoir un statut particulier. La situation devient totalement différente avec l’ouverture à la concurrence, puisque les employeurs ferroviaires vont se multiplier. Le statut devient un facteur de rigidité pour capter des talents. Nous devons pouvoir recruter à armes égales avec nos concurrents. Nous avons une occasion unique d’améliorer notre cadre social pour le rendre plus attractif, gagnant-gagnant pour la SNCF et ses salariés. En faire une force.

Se battre sur tous les marchés de la mobilité

 Nous allons par définition perdre des parts de marché en France. Certes nous allons nous battre et montrer que nous pouvons gagner les futurs appels d’offres, car les compétences et les expertises sont réelles à la SNCF. Mais nous ne conserverons évidemment pas toutes les lignes. Or on ne construit pas une ambition avec comme seul objectif une limitation de l’attrition. Il faut changer notre périmètre d’intervention, notre terrain de jeu, pour compenser ces pertes de marchés et garder une ambition de développement conquérant. Nous sommes déjà tournés vers l’international et les autres mobilités que le ferroviaire. Il faut le faire encore plus. Il faut transformer la SNCF pour qu’elle soit capable de se battre sur tous les marchés de la mobilité en France, en Europe et dans le monde.

Il faut une entreprise organisée en business units, comme ses concurrentes, avec une holding très légère, qui permet de baisser le centre de gravité de l’entreprise. Il faut une entreprise agile qui puisse mettre en avant ses compétences, sans être plombée par des fonctionnements et des frais de structure d’une administration.

Nous allons de fait bâtir une nouvelle SNCF. Son environnement va radicalement changer, son organisation également. Nous avons l’occasion de changer notre image, d’améliorer nos résultats, et surtout de satisfaire nos clients. C’est un challenge enthousiasmant ! 

La gare Saint-Lazare à Paris / © Alfred Cromback
La gare Saint-Lazare à Paris / © Alfred Cromback

 

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