Pouvez-vous nous présenter « J’accueille » ?
Vincent Berne : L’idée de « J’accueille » est d’accompagner les personnes qui souhaitent mettre à la disposition d’un réfugié une chambre chez eux pour une période allant de trois mois à un an. Depuis 2015, grâce à notre programme, plus de 1 200 personnes ont été accueillies chez des particuliers dont 600 rien qu’en Île-de-France. En effet, dans le Grand Paris, les dispositifs d’hébergement sont très vite saturés ; on a une forte demande non seulement de la part des personnes réfugiées mais aussi du personnel du secteur associatif qui œuvre sur cette question de l’hébergement.
En cette rentrée, vous avez choisi de mener une campagne autour des chambres que les jeunes libèrent chez leurs parents pour partir étudier et qui pourraient être prêtées à des personnes réfugiées. Pourquoi ce choix ?
On sait qu’il y a une France qui accueille, notamment quand l’actualité mobilise les bonnes volontés. On l’a vu dans le cas de l’Ukraine. Or il faut être aussi en mesure de sensibiliser le public au-delà de cette actualité. D’où cette campagne. En effet, les statistiques parlent de 3 millions d’étudiants en France. Parmi eux, 40 % ne vivraient plus chez leurs parents, ce qui dégage 1,2 million de chambres libres. Évidemment, dans ces 40 %, tous n’ont pas leur chambre à eux. Mais, rien qu’en tablant sur 10 % des effectifs, cela donnerait potentiellement 120 000 chambres vides en cette rentrée universitaire. Il y a donc un incroyable potentiel de solidarité citoyenne encore sous-exploité !
Comment les choses se passent-elles quand on veut devenir accueillant ?
Nous organisons régulièrement des réunions d’information, collectives ou individuelles. Cela permet d’exposer le projet et de faire un point sur les règles de vie commune. On prend le temps de connaître l’accueillant. Toute cette phase est non engageante. Puis, nous proposons une mise en relation entre un accueillant et un accueilli avec qui on pense que cela pourra fonctionner. On tient à ce que la première rencontre ait lieu dans un endroit neutre comme un café ou un parc. Parce que ce premier rendez-vous est également non engageant et parce que le feeling a le droit de ne pas passer entre les personnes. Si cette première étape se déroule bien, rendez-vous est alors pris au domicile de l’accueillant. C’est le moment de la prise de décision : est-ce qu’on se lance dans l’aventure ou pas ? Au moment de l’emménagement, les deux parties signent un contrat de cohabitation. C’est important que les espaces et l’intimité de chacun soient respectés. On définit aussi le temps passé ensemble : dîne-t-on tous les soirs ensemble ? Une fois par semaine ? Une fois tous les quinze jours ? Une date de début et de fin de cohabitation est également définie et inscrite dans le contrat.
Qu’est-ce que cette cohabitation apporte à l’accueillant comme à l’accueilli ?
Ce qui revient chez beaucoup de nos accueillants, c’est que cette démarche leur permet de sensibiliser leur entourage à la question des personnes réfugiées, et de transmettre des valeurs qui leur sont chères à leurs enfants. La phrase qu’on entend tout le temps est « je pensais donner, en fait j’ai reçu beaucoup ». On peut s’immerger dans une nouvelle langue, mais aussi être initié à une cuisine différente de la sienne… D’autant que, souvent, les liens perdurent après la cohabitation. Côté accueilli, cette stabilité permet aux personnes de développer leurs projets, qu’il s’agisse de reprise d’études, de recherche d’emploi, de logement… Deux chiffres témoignent de la réussite du système : à la fin de leur temps de cohabitation chez un particulier, 75 % des accueillis ont trouvé un logement, et 44 % un emploi (contre 13 % à leur arrivée).
Infos pratiques : plus d’infos sur jaccueille.fr
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4 octobre 2023