Cet après-midi de mars, j’ai rendez-vous dans la cour des hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne) à la découverte de l’association Ânes en Ville. Quand j’arrive, quatre ânes s’offrent un encas à base d’écorce. Avec eux Gospel, ancien élève chien guide d’aveugle, Kamaëlle, magnifique jument sauvée de l’abattoir par l’École nationale vétérinaire d’Alfort et Wilfried Rocher, membre fondateur de l’association.
Créée en 2015, la structure pratique la médiation animale, c’est-à-dire qu’elle fait intervenir l’animal comme médiateur entre le soignant et le patient afin d’apporter un mieux-être. « Certains citadins peuvent éprouver un manque de nature. C’est pourquoi les animaux ont toute leur place en ville. A Paris, la médiation animale se pratique plutôt avec des chats, des chiens, des lapins ou des cochons d’Inde. Nous sommes la seule association à avoir recours à des animaux de la ferme”, me confie Wilfried. Ailleurs en Île-de-France, la médiation asine (médiation avec des ânes, NDLR) compte aussi dans ses rangs L’Ânerie Bacotte à Bois-le roi (Seine-et-Marne) et Ânes en Vexin à Longuesse (Val-d’Oise).
« L’animal est capable de mettre en éveil nos cinq sens”
15h30. Il est temps pour nous de se mettre en route. Notre mission du jour ? Convoyer trois ânes jusqu’au fort de Charenton (Val-de-Marne), où la gendarmerie nationale de Maisons-Alfort a offert un beau terrain aux animaux de l’association. Ce qui doit me laisser le temps de faire plus ample connaissance avec la discipline. Nous prenons toute la largeur du trottoir, sous le regard amusé des passants. Tout en faisant en sorte que notre passage reste sans traces, c’est-à-dire sans crottins, Wilfried m’explique que les animaux peuvent être “utilisés” pour différentes pathologies, aussi bien en gériatrie qu’en psychiatrie ou en pédiatrie. Une médiation qui fait l’objet d’un dialogue avec le corps médical. “Une personne coupée de tout contact physique renaît lors d’une séance de brossage de l’âne, une personne âgée immobile depuis des jours se redresse à la vue des moutons pénétrant dans sa chambre, une autre travaillera sa mémoire vacillante en repensant à la ferme de son enfance. L’animal est capable de mettre en éveil nos cinq sens, la mobilité et l’activité cérébrale”.
Une pratique encore trop peu mise en oeuvre dans le cadre du soin et pourtant reconnue par le corps médical. A l’échelle nationale, le réseau Médi’âne rassemble plusieurs structures de médiation asine et propose des formations. “Pour le moment, un médicament restera le plus souvent privilégié à une séance avec nos ânes. Les services hospitaliers n’ont pas forcément les budgets pour prescrire nos soins. L’Etat français est en retard quant à la reconnaissance de notre impact, là où en Italie par exemple il existe un service dédié au sein du gouvernement.«
Nous arrivons au fort. J’y croise un adorable poney tacheté et des moutons à cornes faisant bronzette. A l’heure actuelle, Ânes en ville compte 8 ânes, 2 poneys, 18 moutons, 3 chiens, 4 poules et une jument de trait. Une sacrée arche de Noé pour une association encore entièrement bénévole. Je repars enchantée de cette virée avec 10 oeufs frais sous le bras. Et il me coûte à présent de remonter dans le métro bondé tant la proximité des animaux m’a offert, l’espace de quelques heures, un autre rapport à la ville.
Plus d’infos sur anesenville.fr
A venir : Conférence « Des animaux de ferme en ville, pourquoi faire ? », mercredi 10 avril de 18h30 à 20h30 à l’Ecole nationale vétérinaire, 7 avenue du Général de Gaulle, Maisons-Alfort (94). Programme et inscription sur Eventbrite. Gratuit. Cette conférence se tient dans le cadre des Rencontres agricoles du Grand Paris organisées jusqu’en juillet par Enlarge your Paris et la Métropole du Grand Paris.
A lire : « Marcher avec des moutons permet de redécouvrir la ville »
2 avril 2019 - Maisons-Alfort