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J’ai mangé pour 33 € chez un étoilé Michelin à 40 minutes de la gare du Nord

A la Grange de Belle-Église, table une étoile dans l'Oise, le menu du midi est proposé à 33 € en semaine / © Grange de Belle-Église
A la Grange de Belle-Église, table une étoile dans l’Oise, le menu du midi est proposé à 33 € en semaine / © Grange de Belle-Église

À 40 minutes en train de la gare du nord, dans le village de Belle-Église dans l'Oise, le chef Thomas Filippa met sa table étoilée à la portée du plus grand nombre avec un menu du midi à 33 €. Ce qu'est allée savourer la journaliste d'Enlarge your Paris Joséphine Lebard.

Disons-le tout de go : il y a des reportages moins difficiles à faire que d’autres. Le test de restos entre dans cette catégorie. On relève d’autant plus aisément le gant quand il s’agit d’un étoilé. En l’occurrence La Grange de Belle-Église situé à… Belle-Église dans l’Oise. Alors oui, d’accord, on sort un tout petit peu de l’Île-de-France mais vraiment trois fois rien. De la gare du Nord, via le TER, on y est en à peine plus de 40 minutes. Et puis surtout, l’établissement repris il y a peu par Thomas Filippa, passé par le Meurice, le George V ou encore le Plaza Athénée, (on a vu pire comme CV…) possède certes une étoile mais ne se prend pas pour autant pour une star. La preuve : le midi en semaine on peut y déguster le menu du marché. Soit entrée, plat et dessert pour… 33 €.

De la gare de Bornel-Belle-Église, je ne marche même pas dix minutes pour parvenir au restaurant situé juste en face de l’Esches, joli cours d’eau sur lequel barbotent quelques colverts. La vaste salle donne sur un joli jardin où une tourelle et une tonnelle se parent des premières nuances de l’automne. Le service est prévenant sans pour autant être guindé. Tout en me conseillant un verre de blanc (entre 5 et 8 € le verre), le sommelier s’enquiert de la façon dont je suis venue. Il approuve le choix ferroviaire car, apparemment, par la route, ce n’est pas toujours une sinécure.

Gastronomique et démocratique

Démocratique, le menu du marché l’est jusque dans le service. Ce n’est pas parce qu’on opte pour la proposition « premier prix » qu’on est traité comme un client de seconde catégorie. À moi un joli assortiment d’amuse-bouche comprenant une pizza revisitée – finesse de la pâte filo et puissance du trait de tomate –, une tartelette mangue/anguille fumée et un mini-falafel légèrement grumeleux comme on l’aime. Mais ce n’est pas tout : arrive ensuite un velouté de potimarron légèrement mousseux, servi façon café ristretto. Puis l’entrée fait son entrée. En l’occurrence deux belles ravioles ricotta/épinards avec une farce aux champignons. Pour les accompagner, une écume au parmesan légère comme un nuage et une sauce Périgueux (une réduction de vin blanc avec un roux blond et des copeaux de truffes) qui souligne le côté terrien du plat, comme un délicat écho aux champignons.

Pour vous rafraîchir le palais, on vous sert un granité d’agrumes arrosé (si on le souhaite) d’un gin à l’hibiscus. Après cet intermède estival et pop, place à l’automne avec le plat de résistance : un morceau de bar marié à des trompettes-de-la-mort auquel s’adjoint un crémeux de pommes de terre, une des spécialités de la maison. Des haricots verts fricotant avec des salicornes viennent compléter l’ensemble. Je redemanderais bien du rab de crémeux – on sent une influence robuchonesque avec le beurre qui ne joue pas les touristes aux côtés des pommes de terre – mais bon, on n’est pas à la cantine non plus. D’autant que, parlons-en du beurre : à la Grange de Belle-Église, il est fumé maison, au bois de hêtre, dans le même fumoir que le saumon. D’où cette saveur assez folle, comme si le beurre avait copiné avec des braises. Je suis à deux doigts de demander s’il n’est pas possible d’en rapporter un échantillon, avant de me rappeler que le voyage risque de lui être fatal… et que demander un doggy bag dans un gastro, c’est un peu moyen.

Une dernière pâte de fruit pour la route

De toute façon, pas le temps d’atermoyer les grâces des matières grasses. Voici qu’arrivent trois mignardises, en prélude au dessert : une pavlova aux fruits rouges, une raviole en pâte d’amande fourrée au citron et un cookie. De quoi se préparer à la suite des agapes : un tartare de figues arrosé de vin chaud et servi avec une glace au chocolat blanc. Bonne surprise : cette dernière n’a pas la dimension plâtreuse que peuvent avoir certaines de ses consœurs et le sucre a le bon goût de se tenir à sa place (discrète).

À ce stade, l’expression « être refaite » prend tout son sens. Au point que j’en viens à me demander s’il n’y a pas un loup que je vais découvrir au moment de l’addition. Même pas. On est bien sur les 33 € indiqués. Pourtant, en plein service, Thomas Filippa glisse même une tête pour s’enquérir de mes impressions (elles ne sauraient être meilleures). Ultime attention : avant de franchir la porte, un plateau de pâtes de fruits s’offre obligeamment à mon regard. Faisant preuve d’une force de caractère hors du commun, je résiste. Et regagne la gare et le TER. Qui risquent, l’une comme l’autre, de me revoir souvent.

Infos pratiques : La Grange de Belle-Église, 28, boulevard René-Aimé Lagabrielle, Belle-Église (60). Ouvert du mercredi au samedi de 11 h 30 à 13 h 30 et de 19 h 30 à 21 h 30, le mardi de 19 h 30 à 21 h 30. Fermé les dimanches et lundis. Menu du marché à 33 € proposé le midi du mardi au vendredi. Accès : gare de Bornel Belle-Église (TER). Plus d’infos sur lagrangedebelleeglise.fr

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