Renaud Charles, rédacteur en chef et co-fondateur d’Enlarge your Paris
Quel est le point commun entre l’Île-de-France et l’Union européenne ? Depuis toujours, l’une et l’autre souffrent d’un manque d’identité, freinant leur appropriation par les citoyens. Ce que viennent illustrer les chiffres de la participation aux dernières élections : 50% des inscrits se sont déplacés aux urnes pour les européennes en 2019, 33% pour les régionales en Île-de-France cette année.
Pourtant, même sans un destin commun qui s’impose, l’Europe n’est pas entièrement orpheline de récits fédérateurs. Si l’UE ne suscite guère l’adhésion, c’est tout le contraire de l’UEFA, dont la compétition phare, la Ligue des champions de football, est suivie par des millions d’Européens qui se familiarisent avec la géographie du vieux continent au gré des matchs de leur club de coeur. A la veille des demi-finales en 2020 – PSG-Leipzig et Lyon-Bayern Munich chez les hommes, Lyon-Bayern Munich et PSG-Arsenal chez les femmes – le secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes Clément Beaune déclarait même à L’Equipe qu’il fallait « saisir cette occasion pour montrer le lien européen » et qu’il existait « une diplomatie du foot ».
« Plus qu’un idéal, c’est donc la mobilité et la culture au sens large qui créent le sentiment d’appartenance à l’Europe »
Parmi les autres ferments du sentiment européen, il faut bien sûr citer les échanges universitaires du programme Erasmus – dont le film de Cédric Klapisch L’Auberge espagnole est la parfaite illustration – mais aussi les vols low cost, modèle aujourd’hui lourdement impacté par la crise sanitaire autant que par la crise écologique et qui aura vu se multiplier les séjours dans les capitales européennes. La relance des trains de nuit trans-européens, actée en 2020 par plusieurs compagnies ferroviaires, s’inscrit elle-aussi dans cette autre forme de citoyenneté, où l’expérience du territoire compte plus que l’adhésion à des valeurs communes.
Plus qu’un idéal donc, c’est la mobilité et la culture au sens large (sport inclus) qui créent le sentiment d’appartenance à l’Europe. De quoi donner des idées à l’Île-de-France, surtout depuis la création du passe Navigo dézoné, qui permet de voyager d’un bout à l’autre de la région pour 75€/mois. Soit, pour l’équivalent du prix du billet journée à Disneyland Paris les dimanches de septembre, la possibilité d’accéder à une offre culturelle et de loisirs pléthorique, qui va des sites du patrimoine mondial (la Cité médiévale de Provins, le château de Fontainebleau et le château de Versailles) aux friches artistiques en passant par les forêts qui représentent à elles seules la surface de 91.000 terrains de foot. Une façon concrète de développer un sentiment d’appartenance au territoire.
« L’Île-de-France dispose avec le passe Navigo dézoné d’un outil qui permet d’exercer sa citoyenneté au quotidien »
A défaut d’attirer les Franciliens dans les urnes, l’Île-de-France dispose avec le passe Navigo dézoné d’un outil qui permet d’exercer sa citoyenneté au quotidien en donnant la préférence au local tout en limitant son empreinte carbone. Aujourd’hui, le tiers de la population active parisienne travaille en banlieue, alors que dans les années 1970, l’essentiel des Parisiens travaillaient dans Paris. En parallèle, sur les 1,8 million d’actifs qui travaillent à Paris, près de 60% n’y résident pas et habitent pour plus de la moitié en petite couronne et pour un tiers en grande couronne. Alors si la région et la métropole sont une réalité pour les actifs, elles doivent encore trouver leur place dans l’imaginaire des Franciliens pour qu’ils en fassent un territoire vécu et non plus subi. Les 380 gares de banlieue, auxquelles s’ajouteront à terme les 68 gares du Grand Paris Express, constituent autant de points d’acuponcture à stimuler pour donner corps à un récit commun qui donnent envie de se laisser transporter.
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6 septembre 2021