Samedi 1er décembre, le Grand Paris Express organise une fête de chantier à Bagneux pour le lancement d'un nouveau tunnelier. L'occasion de comparer le chantier du métro parisien, au siècle dernier, avec celui du futur super métro autour de Paris en compagnie de Thierry Huyghues-Beaufond, responsable de l’Unité infrastructures et des méthodes constructives au sein de la Société du Grand Paris, chargée de ce chantier titanesque.
Si l’on compare la construction du métro parisien avec l’actuel chantier du Grand Paris Express, quelles sont les différences majeures ?
Thierry Huyghues-Beaufond : La construction du métro parisien commence en 1898 avec la ligne 1 et s’achève à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Ce chantier aboutit à la création de 160 km de voies, 14 lignes et plus de 300 stations, soit une station tous les 450 mètres. Le chantier actuel du Grand Paris Express, entamé en 2010, s’étend quant à lui sur 200 km pour 68 gares et sera terminé en 2030, soit presque deux fois moins de temps que le métro parisien. Le Grand Paris Express fonctionnera automatiquement et sans conducteur avec une vitesse commerciale de 55 km/h et des pointes jusqu’à 110 km/h sur certains tronçons. Les Franciliens se déplaçant du Nord au Sud et d’Est en Ouest pourront en moyenne diviser leur temps de trajet par deux. L’une des grandes différences entre ces deux chantiers réside dans le fait que le métro intra-muros fut construit majoritairement en suivant la voirie parisienne. On ouvrait les rues pour y construire les stations, les tunnels étant creusés en partie à l’abri de boucliers, sorte de tunneliers. Puis on insérait les rails dans le sous-sol. J’imagine que cet éventrement de Paris devait être impressionnant. Certains tracés de ligne imposaient de passer sous des habitations mais le plus grand exploit technique réside dans les tronçons creusés sous la Seine. On sent l’influence de Gustave Eiffel dont les caissons métalliques ont facilité les passages sous l’eau.
Qu’en est-il du contexte ?
Que ce soit en 1900 ou aujourd’hui, Paris est une capitale où l’on vit les uns sur les autres. D’où le besoin d’expansion des habitants en quête d’une meilleure qualité de vie. De 1960 à 1980, on a assisté à l’épopée du RER construit pour desservir les villes nouvelles. C’est aussi à cette période que l’on prolonge les lignes 7, 8 et 13 du métro afin de connecter le centre avec la première périphérie. Puis, à la fin des années 90, on inaugure la ligne 14 entièrement automatisée. Ce qui n’empêche pas le réseau de saturer du fait de sa structuration en toile d’araignée qui fait converger toutes les lignes vers le centre. L’aventure du Grand Paris Express débute en 2007 sous Nicolas Sarkozy avec pour objectif d’en finir avec cette absurdité qui consiste à devoir repasser par Paris pour aller d’une ville de banlieue à une autre.
Les sols parisiens sont-ils différents des sols banlieusards ?
Creusé à environ 10m de profondeur, le métro parisien s’insérait dans des terrains peu résistants. A contrario, le projet du Grand paris Express se situe en moyenne à une profondeur de 30m dans des horizons de sols n’ayant pour certains jamais connu de travaux. On tâtonne, on questionne, l’étude des sols n’est pas une science exacte ce qui laisse une part d’incertitude dans cette aventure. Il faut rester humble et prudent face aux comportement mouvants de la nature. On ne peut pas tout appliquer partout à l’identique. Il a fallu étudier minutieusement les ADN de chaque sol, en connaître les multiples couches. Creuser en périphérie de la capitale demande de jongler entre des environnements très variés et un sous-sol parfois bien encombré de réseaux. L’ouvrage annexe Robespierre, situé dans la commune de Bagneux (Hauts-de-Seine), d’où partira le troisième tunnelier en janvier 2019, se trouve sur un site très urbanisé. Il est donc bien moins facile de s’y implanter que sur le plateau de Champigny (Val-de-Marne) et son cadre champêtre.
Comment les méthodes de construction ont-elles évolué ?
L’évolution a commencé par le respect de l’environnement. Sachant que 45 millions de tonnes de terre vont être excavées sur le chantier du Grand Paris Express, la Société du Grand Paris s’est engagée à revaloriser une partie de ces déblais. Les nombreux forages nécessaires aux reconnaissances de sols ont permis d’identifier les couches exploitables. Pour le secteur Arcueil-Cachan-Bagneux, on a récupéré le calcaire grossier (utilisé à l’époque pour construire les immeubles haussmanniens) situé au niveau des futures gares pour en faire du ciment qui sera utilisé par endroits pour combler les carrières du Grand Paris Express. Quant aux méthodes de construction, celles de l’époque du métro parisien étaient similaires à celles employées pour construire les galeries dans les mines. En l’absence de technologies aussi pointues qu’aujourd’hui, il a fallu recourir à de nombreux travailleurs et faire face à de multiples accidents, parfois mortels. Le premier tunnelier est utilisé en 1825 pour le tunnel sous la Tamise. De nos jours, le leader mondial de la fabrication de tunneliers est la société allemande Herrenknecht. Les deux tunneliers du Grand Paris Express déjà en action sont issus de cette usine. Les tunneliers du Grand Paris Express mesurent 9,80 mètres de diamètre mais leur taille peut atteindre jusqu’à 18 mètres pour d’autres projets. En tout, 3.800 personnes travaillent sur les chantiers du Grand Paris Express, dont 616 personnes en insertion. D’ici à fin 2019, nous aurons probablement plus de 10 tunneliers simultanément en activité. On parle tout de même du plus grand chantier d’Europe !
Infos pratiques : « KM5, l’allumage du tunnelier », fête de chantier à Bagneux pour le lancement d’un nouveau tunnelier du Grand Paris Express, samedi 1er décembre de 18h à 22h parc Robespierre, 105 rue de Verdun, Bagneux (92). Performances artistiques et repas de chantier offert. Entrée libre. Accès : Gare d’Arcueil-Cachan RER B. Plus d’infos sur societedugrandparis.fr
A voir : Les paysages du Grand Paris vus des fenêtres du Grand Paris Express piéton
28 novembre 2018