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« Depuis la création du Bondy Blog, peu de choses ont changé dans le traitement médiatique des quartiers »

Depuis 2005, le Bondy Blog couvre les quartiers populaires comme ici à Reims / © Bondy Blog
Depuis 2005, le Bondy Blog couvre les quartiers populaires comme ici à Reims / © Bondy Blog

Lancé en 2005, le Bondy Blog a fait du traitement des quartiers populaires sa marque de fabrique en donnant la parole à leurs habitants et en apportant de la visibilité aux initiatives qui y fleurissent. Ce dont nous parle Sarah Ichou, sa directrice.

Dans quelles circonstances le Bondy Blog a été créé ?

Sarah Ichou : Le Bondy Blog naît en 2005, à la suite de la mort de Zyed Benna et de Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Après ce drame, des révoltes ont eu lieu dans toute la France. La création du Bondy Blog se fait donc dans un contexte d’urgence et de colère. On parle aussi d’un moment où, médiatiquement, la représentation des quartiers populaires est problématique. Le discours de beaucoup de journalistes tend vers le cliché. Pour nombre d’habitants de ces quartiers, le traitement dont ils font l’objet ne leur paraît pas conforme à leur réalité. Dans ce contexte, le journaliste suisse Serge Michel est envoyé par son magazine L’Hebdo pour couvrir les événements. Or, à la différence de ses confrères français, il ne passe pas une heure ou un après-midi sur le terrain. Il décide de s’installer sur place, à Bondy (Seine-Saint-Denis) donc, pour raconter les quartiers comme ils sont. Le matin à 8 heures, quand les carcasses de voitures fument encore, à midi quand les enfants sortent de l’école, à 14 heures quand il ne se passe pas grand-chose… Parce que c’est aussi important d’entendre ce qui se dit quand le feu s’éteint. Il se connecte directement avec des acteurs de terrain, dont Mohamed Hamidi qui est le cofondateur de ce média. De là naît le Bondy Blog : raconter ce qui ne va pas bien mais aussi ce qui va bien dans les quartiers. Serge Michel reste plusieurs semaines et, au moment de rentrer en Suisse, il se dit que c’est trop dommage de débrancher la prise. Le média est confié aux habitants du quartier Blanqui. Depuis, le Bondy Blog, ce sont cinq salariés, une trentaine de blogueurs qui proposent des papiers chaque mardi et plusieurs dizaines d’anciens qui ont désormais trouvé leur place dans d’autres rédactions.

Selon vous, depuis la création du Bondy Blog, le traitement des quartiers populaires dans les médias a-t-il évolué ?

Malheureusement, j’ai le sentiment que peu de choses ont changé. Quand j’allume ma télévision ces derniers jours, cela me fait mal. On retrouve toujours une forme de journalisme sensationnaliste. Or, justement, la télévision demeure le média le plus regardé. Et des questions se posent quant aux choix des invités, aux mots employés, comme l’usage du terme « émeute » alors que « révolte » est plus adéquat. Ce qui me désole le plus, c’est cette propension à parler des quartiers seulement quand ils s’embrasent. Quand va-t-on les intégrer dans les sujets dits « normaux » ? Prenons l’exemple de l’inflation. Plutôt que de poser leurs micros au pied des bureaux de leurs rédactions, pourquoi les journalistes ne vont-ils pas voir à Bobigny ou à Argenteuil ? Il ne faut pas ensuite être surpris de la défiance des habitants à l’encontre des médias. Forcément, ils ne les voient quasiment jamais ! Si les seules représentations qui sont données sont celles d’images de violence qui ne correspondent pas forcément à la réalité, comment ensuite s’étonner que les habitants n’aient pas envie de parler aux journalistes ?

Quels sont pour vous les leviers de changement de cette représentation ?

C’est très lent mais je note que certains journalistes formés au Bondy Blog ont intégré des rédactions mainstream. Cela permet, je pense, d’autres discussions en conférence de rédaction, d’autres traitements aussi. Il faut également souligner la création d’autres médias qui traitent des quartiers populaires. Je pense à Plume Banlieue, Ghettup ou Banlieusard Nouveau. Sans oublier la création de l’Association des journalistes antiracistes et Racisé.e.s. (AJAR) qui met en avant les discriminations dont peuvent pâtir les journalistes racisés. La question principale qui se pose est en effet celle de l’embauche des journalistes issus des quartiers populaires. Autre sujet : le journalisme est un métier précaire. Or, quand on est issu d’un milieu social peu prospère, on n’a pas forcément envie de creuser ce sillon de la précarité. Et puis, il faut rendre visibles les offres d’emploi de ce secteur qui demeure très fermé sur lui-même, dans l’entre-soi. Souvent on me demande : « Mais où sont-ils, ces journalistes issus des quartiers ? » La réponse est simple : venez au Bondy Blog le mardi soir. On ne sait même plus où asseoir les blogueurs !

Infos pratiques : les reportages du Bondy Blog sont à retrouver sur bondyblog.fr

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