La mairie de Colombes veut installer un parking à la place de l’Agrocité, un local associatif dédié à la transition écolo dans les quartiers Nord de la ville. Plusieurs pétitions ont été lancées qui ont déjà permis de recueillir plus de 12.000 soutiens.
Article publié le 06/02 / Réactualisé le 06/03
L’Agrocité, lieu expérimental d’agriculture urbaine à Colombes, est célébrée dans le monde entier. Des experts sont venus l’étudier d’Australie et de Hong Kong. Le projet a été présenté à la Biennale d’Architecture de Venise, au Pavillon des Nations Unies à Genève, au MIT, à Harvard ainsi qu’au Bourget dans le cadre de la COP21. Et il sera un des exemples choisis par la France pour la grande conférence ‘Habitat3’ des Nations Unies. Un vrai succès. Mais voilà. L’Agrocité de Colombes entre dans sa 7e année avec une injonction du tribunal administratif : les lieux doivent être démontés avant mars. A la demande de la municipalité, propriétaire du terrain et qui n’a pas souhaité prolonger le bail de l’association.
Le motif ? Engagée dans des travaux de rénovation urbaine, la mairie veut installer un parking provisoire à la place de l’Agrocité. L’association qui gère le projet a pourtant identifié et proposé au maire d’autres lieux possibles pour y parquer des voitures. Sans succès. C’est que rien ne va plus entre la mairie et l’association. Cette dernière a d’ailleurs déposé un recours et lancé une pétition de soutien signée par 7.500 personnes dont des figures de l’écologie, des architectes, des paysagistes et… d’anciens élus de la ville. Cette affaire est-elle liée au changement de majorité municipale en 2014 ? On dirait bien. Nous avons tenté à de nombreuses reprises de joindre des responsables municipaux, pour entendre et relayer leur son de cloche. Cela nous a permis de découvrir les téléphones sans répondeurs.
Tout avait pourtant bien commencé…
Tout avait pourtant bien commencé en 2009. Le maire de la ville (celui d’avant…) confie un terrain municipal en friche, dans un quartier très populaire du Nord de Colombes, à l’Atelier d’Architecture Autogéré (AAA), que coordonnent les architectes Constantin Petcou et Doina Petrescu. Ces derniers étaient auréolés du succès de leurs premières expériences de tiers-lieux associatifs à Paris, ce qui leur avait d’ailleurs permis de décrocher une (grosse) bourse européenne pour mener un projet de transition écolo urbaine.
« Notre objectif, ce n’est pas de produire des tomates mais du lien social et de l’éducation. Le métier d’agriculteur urbain, c’est un mixte entre production alimentaire et animation sociale. »
Fort de ce double soutien, les archis dessinent et font construire l’Agrocité, superbe bâtiment en bois qui est à la fois hangar, cuisine collective, séchoir à graines, lieu de distribution pour l’Amap du coin, salle d’expo et de débats. Evidemment, elle est également entourée d’un jardin partagé de quelques centaines de mètres carrés, qui apporte une touche de vert au pied des tours HLM. Parachevant le dispositif, un local dédié au recyclage des déchets locaux et à des ateliers d’économie sociale et solidaire est installé à quelques rues de là.
Surtout ne dites pas à Constantin Petcou qu’ils ont construit une ferme urbaine modèle. « Notre objectif, ce n’est pas de produire des tomates mais du lien social et de l’éducation. Le métier d’agriculteur urbain, c’est un mixte entre production alimentaire et animation sociale. » Constantin pense que le projet R’Urban relève en réalité de la R&D pour produire une nouvelle génération de mobilier urbain, destinés à aider les habitants à affronter la crise – écologique et sociale – qui vient. Pour les amener à prendre au sérieux le sujet de la transition : « Le problème c’est que l’écologie fait peur aux gens parce qu’ils pensent qu’ils doivent abandonner leur vie pour moins bien. Du coup ils disent que c’est un truc de bobos, que ce n’est pas pour eux. Notre recette, c’est un lieu de transition écolo en bas de chez soi, où l’on est bien.»
De fait, encore aujourd’hui, malgré l’ambiance plombante liée au procès, quarante familles y viennent encore régulièrement biner. Des universitaires et des experts de haut niveau y partagent régulièrement leur savoir. Une association y donne des cours de compostage. Des grands-mères du quartier, mais pas seulement, préparent chaque jeudi un repas partagé. L’Agrocité est en sursis mais vit toujours, et se bat.
Plus d’infos à propos de #SAVERURBAN sur r-urban.net. Et pour signer la pétition, c’est ici.
6 février 2016 - Colombes