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Clinamen, les moutons bien élevés du 93

Le troupeau des bergers urbains de l'association Clinamen dans le 93 / © Clinamen
Le troupeau des bergers urbains de l’association Clinamen dans le 93 / © Clinamen

En plus d’être 70 ha plus grand que Central Park à New York, le parc Georges-Valbon à La Courneuve abrite la bergerie de l'association Clinamen qui élève un troupeau d’une soixantaine de bleus du Maine. Une manière de faire dévier la ville vers l'agriculture.

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Assoupie sur le carrelage de la cuisine, la chienne s’agite dans son sommeil. À la table, Julie-Lou Dubreuilh poursuit elle aussi un rêve mais en étant bien éveillée. Cofondatrice de l’association Clinamen, elle œuvre avec ses comparses à « la dynamisation des territoires urbains par la promotion des pratiques paysannes ». Ce qui se traduit par la présence depuis six ans d’une bergerie dans le parc Georges-Valbon à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) qui abrite 59 moutons, plus précisément de magnifiques bleus du Maine sur ce terrain autrefois appelé « plaine des Vertus » en raison de la qualité de ses sols.

Et cela tombe plutôt bien. « Le bleu du Maine une bonne race pour les prairies urbaines, explique la bergère. Car ici, l’herbe étant très riche, il faut de gros mangeurs. Or le paradoxe, c’est qu’en général les moutons permettent de valoriser les terrains pauvres. Ils « sucent les cailloux », comme on dit. Mais les bleus du Maine sont des brebis plutôt exigeantes. Elles aiment l’herbe jeune qui pousse bien. Sur un terrain comme le nôtre, des vaches auraient été idéales mais l’herbe n’est pas assez haute. Et puis les bouses sont socialement moins acceptables que les déjections de moutons… » Va pour les caprins donc, qui cohabitent sur place avec des poules mais aussi des pigeons blancs, lesquels traversent la cour à toute volée, tandis que salades et courgettes poussent indolemment dans le potager mitoyen.

« Nous faisons dévier la ville vers l’agriculture »

C’est assez fou de se dire que, dans ce parc de 410 hectares (70 de plus que Central Park à New York), non loin des tours et du brouhaha des voitures, un troupeau évolue tranquillement. « Clinamen est dérivé du latin clinare qui signifie déviation, explique Julie-Lou. Eh bien nous, nous faisons dévier la ville vers l’agriculture ! » Elle ne peut en revanche dire combien exactement de kilos de viande sont produits chaque année par Clinamen, vendus exclusivement à l’échelon local. L’abattage des bêtes vise à réguler le troupeau. « Sur un espace fini, on ne peut pas avoir une croissance infinie, explique Julie-Lou Dubreuilh. De plus, notre cheptel compte 50 % de mâles : nous ne pouvons pas tous les garder. Dans certains écopâturages, on voit quinze mâles non castrés ensemble. Cela provoque du harcèlement et ce n’est pas souhaitable. »

Son troupeau, elle le voit comme « unique au monde ». « Ce sont des brebis qui marchent posément sur les trottoirs, qui ne s’affolent pas quand trente gamins leur fondent dessus. Cela demande de l’apprentissage, mais elles ont un savoir-être urbain », poursuit-elle. Dans l’autre sens, voir circuler le troupeau a le pouvoir de faire naître chez les riverains une véritable « usine à sourires ». Les brebis passent et le blues trépasse : les tensions s’apaisent, les klaxons se taisent, les voitures s’arrêtent sans pester. La ville semble tourner selon un doux ralenti : « Cela pacifie incroyablement le territoire, estime Julie-Lou. Il faudrait que des éthologues et des anthropologues viennent travailler sur le sujet»

Les bergers urbains de l'association Clinamen dans le 93 font partie des initiatives d'agriculture urbaine de référence en Île-de-France / © Steve Stillman pour Enlarge your Paris
Le troupeau de Clinamen à Versailles lors de la Transhumance du Grand Paris organisée en 2019 / © Steve Stillman pour Enlarge your Paris

Rendre les espaces verts davantage visibles

La bergère voit un autre avantage à l’existence de cet élevage en ville : la prise en compte par les habitants de l’importance des espaces verts. « Les moutons permettent de les rendre davantage visibles, raconte-t-elle. D’un coup, comme elle nourrit l’animal, l’herbe devient un élément essentiel de l’économie alors qu’on ne la voyait plus. On focalise sur les arbres mais les prairies sont aussi essentielles : sans elles, pas de viande, de laine, de lait, mais pas non plus de fumier, de plantes médicinales ou de miel. Sans oublier sa capacité à emprisonner le carbone ! » Une revalorisation qui permet, selon elle, aux habitants de réinvestir ces espaces « pour un pique-nique ou jouer au foot ». Grâce aux moutons en ville, c’est un peu plus « bêle » la vie…

Infos pratiques : bergerie Clinamen dans le parc Georges-Valbon, 55 bis, avenue Waldeck-Rochet, La Courneuve (93). Accès : gare du Bourget (RER B) puis tram T11 jusqu’à la station Dugny–La Courneuve. Plus d’infos sur Facebook

En partenariat avec Interbev, association fondée en 1979 qui fédère les organisations nationales représentant la filière française de l’élevage et des viandes, ses entreprises et ses métiers : éleveurs, commerçants, bouchers… Interbev porte la voix des professionnels et valorise leur volonté de proposer aux consommateurs des produits sains, de qualité et issus d’un mode de production plus durable. Plus d’informations sur l’agriculture circulaire sur agriculture-circulaire.fr

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