La désindustrialisation de la région parisienne est souvent commentée comme un cycle allant de soi, laissant la place aux activités de loisirs et de services. Tel un symbole, la création de Disneyland Paris en 1992 s’est produite quelques mois après la fermeture des usines Renault sur l’île Seguin à Boulogne-Billancourt. Certes, la proche banlieue ouest de Paris a tourné pour un bon moment la page de son histoire industrielle. A marche forcée, elle a remplacé sa population de cols bleus par celle des cols blancs et fait disparaître son architecture industrielle en même temps que la mémoire des géniaux entrepreneurs de la seconde moitié du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle qu’ont été Pathé, Gévélot, les frères Pereire et tant d’autres.
Les territoires restés dans le giron de la gauche ne sont pas non plus exempts de toute critique. Certains d’entre eux favorisent un entrisme social au sein des incubateurs. Hors, ce qui a caractérisé la première et la seconde révolution industrielle c’est bien la diversité des entrepreneurs qui ont permis l’emploi de masse (dans un cadre réglementaires certes infiniment plus souple qu’aujourd’hui, ce qui pousse à s’interroger sur les conditions de l’emploi de masse).
L’emploi, facteur déterminant de la résolution des problèmes des banlieues
A l’heure de la sortie du rapport Borloo sur les banlieues, les enjeux sont pourtant simples. Un surtout : pas de résolution des problèmes des banlieues sans emploi de masse pour ses habitants. La rénovation urbaine est une chose. L’emploi en est une autre. Les grands ensembles ont été en partie construits pour permettre aux dizaines de nationalités qui travaillaient dans les usines de la région parisienne d’avoir un logement : la petite Espagne à Aubervilliers, la petite kabylie de Billancourt, les Portugais du Val-de-Marne… Ce sont les enfants et surtout les petits-enfants de ces travailleurs immigrés qui se retrouvent aujourd’hui largement sur le carreau.
Les motifs d’optimisme sont néanmoins bien présents. Les territoires prennent conscience de la nécessité de faire revenir l’activité en zone dense. En parallèle, de nouveaux entrepreneurs sont en train d’émerger, échaudés par les bullshit jobs et par la souffrance au travail générée par des organisations plus soucieuses de scruter le cours de leurs actions que de se concentrer sur le faire. On les surnomme les makers. A eux tous, ils forment une nouvelle classe ouvrière, une aristocratie ouvrière plus exactement qui puiserait ses racines dans l’entrepreneuriat aussi bien que chez les ouvriers qualifiés et les artisans médiévaux. Ils partagent une vision commune du monde basée sur une approche soutenable de leurs activités par rapport aux ressources, la mutualisation des biens et des services ainsi que la quête de sens de l’action individuelle et collective. Et comme la classe ouvrière en son temps, ils savent qu’ils ne pourront pas faire l’économie d’un rapport de force avec les acteurs institutionnels.
Favoriser la culture du développement économique local
Avant le Grand Soir, des marges de progrès ultra opérationnelles peuvent néanmoins être réalisées à très court terme, notamment en imprégnant les entreprises chargées de la rénovation urbaine de la culture du développement économique local, dont pour l’heure elles sont totalement dépourvues. Actuellement, les projets se polarisent sur l’implantation de grands sièges tertiaires, avec comme effets pervers d’exacerber la concurrence entre les territoires et de ne créer aucun nouvel emploi, donc aucun localement ou bien à la marge avec des emplois non qualifiés. Il s’agit par ailleurs d’en finir avec l’entrisme social des incubateurs et des structures du développement local pour créer de l’innovation en phase avec les besoins de notre société. Il convient enfin de faciliter la création de nouvelles structures favorisant l’hybridation.
Certes, la ré-industrialisation prendra des formes très différentes de celle que l’on a connue et reposera sur des standards très différents de ceux des XIXe et XXe siècles. Mais il faut s’y préparer maintenant pour concilier les attentes légitimes des habitants soucieux d’avoir des quartiers agréables à vivre tout en veillant à ce que ceux-ci répondent aux impératifs environnementaux et à la nécessité d’y implanter de l’industrie.
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2 mai 2018