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À Seine-Port, le smartphone est téléphone non grata dans les rues

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Le 3 février dernier, les habitants de Seine-Port en Seine-et-Marne ont voté à 54 % pour une charte communale restreignant l'usage des smartphones en ville. Enlarge your Paris fait le point avec le maire de la ville, Vincent Paul-Petit… par téléphone.

Comment l’idée de restreindre l’usage des téléphones sur le territoire de votre commune vous est-elle venue ?

Vincent Paul-Petit : Précisons d’entrée de jeu que la charte concerne les smartphones, pas les téléphones. Depuis six mois, nous avons travaillé à l’élaboration d’une charte communale dans le cadre de groupes de travail et de réunions publiques. Pour moi, il s’agit de marquer les esprits et d’apporter, face à une addiction, une réponse politique ferme et forte.

Que comporte cette charte ?

Elle contient trois volets. D’abord, un aspect d’aide aux familles, car il s’agit d’accompagner et non pas d’accuser. Elle rappelle donc les recommandations de la pédopsychiatre Sabine Duflo qui a travaillé sur le sujet : pas d’écran le matin avant l’école, durant les repas, avant le coucher et seul dans sa chambre. Le deuxième volet se rapporte aux restrictions sur la commune. Il indique l’interdiction d’utiliser son smartphone devant les écoles car c’est un obstacle à la rencontre avec les enfants. Il est également proscrit dans les moments de rassemblement comme une fête ou une exposition, mais aussi chez les commerçants ou en marchant dans la rue. Le troisième pilier consiste en des mesures de soutien aux familles. La municipalité va développer l’accès à la lecture grâce à des boîtes à livres ; la lecture de contes sera incluse dans le temps périscolaire, des activités sportives plus encadrées vont voir le jour. Enfin, contre l’engagement des parents à ne pas acheter de smartphone, nous offrirons aux élèves de 6e un téléphone qui servira uniquement à passer et recevoir des appels.

Est-ce qu’avec cette charte, vous estimez faire œuvre de santé publique envers la jeunesse ? Lutter contre la sédentarité, par exemple…

Je ne suis pas médecin, mais j’écoute les spécialistes. On sait que l’usage intensif des écrans met les enfants en danger d’apprentissage mais aussi sanitaire en termes de vue et de pratique corporelle. On peut même parler de danger mortel dans le cas de cyberharcèlement. Rappelons quand même qu’un ado entre 10 et 14 ans passe 8 h 30 par jour devant un écran. C’est considérable ! Le fait que notre initiative ait de telles retombées médiatiques – nous avons eu des papiers dans le Guardian, la Repubblica, sur Radio Canada… – montre bien qu’il y a un sujet. Alors bien sûr, nous ne sommes pas des Amish, il faut utiliser ces outils. Mais, chez les plus jeunes, cela n’a pas de sens.

Admettons que je sorte mon smartphone devant une école de Seine-Port. Que va-t-il m’arriver ? Je vais me faire verbaliser par la police municipale ?

Je n’ai pas encore signé l’arrêté, ce sera le cas dans quelques jours. Mais non, il n’y aura pas de sanction. L’injonction morale me semble plus efficace. Si vous sortez votre smartphone sous le regard désapprobateur des autres parents, vous ne vous sentirez pas bien et cela me suffit !

Infos pratiques : vous pouvez consulter les éléments de la charte sur seine-port.fr

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