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« Pour une ville, le danger, c’est la monotonie et la standardisation »

Le Potager du Roi à Versailles / © Département des Yvelines (Creative commons - Flickr)
Le Potager du Roi à Versailles est l’un des sites qui accueillera la Biennale d’architecture et de paysage qui se déroulera du 7 mai au 13 juillet / © Département des Yvelines (Creative commons – Flickr)

À partir du 7 mai, Versailles accueillera la 3e édition de la Biennale d'architecture et de paysage de la Région Île-de-France. L'occasion de parler de la vision de la ville à l'heure du réchauffement climatique avec son maire, François de Mazières, qui publie début mai « Pour une ville belle : 10 propositions pour une ville où il fait bon vivre ».

Vous êtes commissaire général de la Bap, la Biennale d’architecture et de paysage de la Région Île-de-France, qui se déroulera à Versailles, la ville dont vous êtes maire, du 7 mai au 13 juillet prochain. Le titre de cette nouvelle édition est « La Ville vivante ». C’est un intitulé polysémique. « Vivante » par opposition à ville-dortoir, « vivante » car dynamique, « vivante » car intégrant la biodiversité…

François de Mazières : Effectivement, c’est un mot riche de sens. La ville vivante est celle qui allie la nature et le bâti. D’autant que nous nous trouvons à un moment charnière : il faut penser la ville environnementale tout en réussissant le pari d’une « ville pas chiante » comme l’écrivent Ariella Masboungi et Antoine Petitjean dans leur livre éponyme. Le danger, c’est la monotonie et la standardisation.

Quels vont être les temps forts de la biennale ?

Nous avons choisi des commissaires qui ont mené un travail coordonné tout en conservant chacun leur totale liberté. Ce sont tous des spécialistes qui ont quelque chose d’assez fort à dire. Nous avons donc deux expositions architecturales et deux expositions plutôt paysagères. Nous avons confié celle se déroulant à l’École d’architecture à un duo : Philippe Rahm est architecte et spécialiste du réchauffement environnemental ; Sana Frini est elle aussi architecte et travaille à Mexico. Avec « 4 degrés entre toi et moi », ils explorent la façon dont les pays subsahariens répondent au réchauffement climatique, ainsi que les solutions qui peuvent être trouvées. La deuxième manifestation se déroule à l’ancienne Poste. Intitulée « Tout garder / tout changer. Réparer et prendre soin des villes », Christine Leconte, directrice de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville, et Cécile Diguet, urbaniste et fondatrice du Studio Dégel, y explorent la notion de réemploi. « Nous… le climat » se tiendra dans le décor exceptionnel du Potager du Roi. Imaginée par l’agence TER, l’exposition s’articule autour d’une table monumentale de 300 mètres de long qui mettra en valeur les différentes facettes des métiers du paysage. Enfin, le musée Lambinet accueillera « Changer les climats », sous la houlette du paysagiste Bas Smets qui y présentera trois de ses projets qui mettent en avant la façon dont la végétalisation permet d’abaisser la température des villes. Parmi ceux-ci, la place devant Notre-Dame de Paris. À l’Espace Richaud, une exposition photo montre les transformations urbaines qu’a connues Versailles sur deux décennies. Et j’invite les visiteurs à se rendre à la Petite Agora : un pavillon éphémère en bois face au château qui sera un lieu de débats et de discussions très riches !

Vous sortez également un livre : « Pour une ville belle ». C’est un titre en forme de plaidoyer. Pourquoi l’écrire maintenant ?

J’ai été président de la Cité de l’architecture et du patrimoine à un moment où la pensée sur la ville changeait. C’était la fin du modernisme, la nécessité de penser autrement l’espace urbain se faisait jour. Je l’ai vécu de façon théorique. Quand je deviens maire de Versailles en 2008, j’ai envie de mettre en œuvre tout ce que j’ai pu observer pendant ces années à la Cité. La question est « pourquoi y a-t-il un enlaidissement des villes ? », « pourquoi des bâtiments tristounets ? Uniformes ? ». C’est très facile et vendeur de dire : « C’est la catastrophe ! » Sauf qu’il y a des initiatives qui se mettent en place. Des éléments qui permettent de rendre la ville attractive. D’autant que, si nous n’avons pas l’ambition de lutter contre la laideur, cela revient à laisser les clefs aux promoteurs et au business.

Vous dédiez ce livre « aux élus municipaux qui exercent leur mandat avec passion ». Mais justement, quand on écoute les élus, ils disent souvent qu’en matière d’urbanisme et d’architecture, ils n’ont plus les coudées franches comme avant. Il y a des décisions qui, désormais, relèvent de la communauté d’agglomération, par exemple.

Et c’est une vraie question. Quand j’étais parlementaire, entre 2012 et 2017, je n’étais pas très favorable au Plan local d’urbanisme (PLU) intercommunal. Il peut faire naître chez les élus un sentiment de dépossession. Dans mon intercommunalité par exemple, on est resté sur un PLU local. L’accumulation de règles et de normes ne facilite pas non plus les choses et d’une intercommunalité à l’autre les choses varient bien sûr. Mais le maire doit continuer à avoir un œil sur les projets de sa commune.

Il arrive que des édiles n’aient aucune culture architecturale ou urbanistique. Comment faire dans ces cas-là ?

Il faut s’appuyer sur un tiers de confiance. Cela peut être un élu ou bien un chef de service. Donc il faut non seulement être capable de déléguer mais aussi posséder une forme de lucidité, celle de se dire : « ce n’est pas mon truc ». Une chose est sûre : choisir son adjoint à l’urbanisme sur des critères purement politiques est une mauvaise idée. Il faut non seulement quelqu’un qui puisse discuter face à des promoteurs mais qui comprenne le récit singulier de la ville – chaque commune en a un – et souhaite l’enrichir, le développer. Sinon on aboutit soit à l’enlaidissement soit à quelque chose de normé, standardisé, bref, d’ennuyeux.

Que conseilleriez-vous à un collègue maire qui, justement, aurait envie d’embellir sa ville, mais ne saurait pas trop par où commencer ?

Je lui dirais d’aller voir ce qui se fait ailleurs. Il ne faut pas rester dans son coin. Même si on a confié ce dossier à un élu, il ne faut pas hésiter à l’accompagner pour écouter ce que les gens qualifiés ont à dire sur le sujet. Bref, je lui dirais d’être curieux, tout simplement !

Infos pratiques : Biennale d’architecture et de paysage d’Île-de-France, du 7 mai au 13 juillet à Versailles (78). Plus d’infos sur bap-idf.com / « Pour une ville belle : 10 propositions pour une ville où il fait bon vivre », de François de Mazières. Éd. Eyrolles. 17 €. Sortie le 8 mai. Plus d’infos sur editions-eyrolles.com

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