À l’occasion de ses 10 ans, Enlarge your Paris publie jusqu’à la fin de l’année une série « Portraits de Grand-Parisiens » qui sont une source d’inspiration et la raison d’être de notre média local.
Reportage publié le 26 octobre 2022 – modifié le 6 avril 2023
L’automne ne semble pas pressé d’arriver et un soleil doré enrobe Sauvages et cultivées, la ferme créée par Hanane Somi à Chelles (Seine-et-Marne). Sur les 3 hectares et demi qu’elle loue à la Région Île-de-France, la jeune femme a développé sur environ un hectare un magnifique verger maraîcher. Elle a planté 450 pommiers. « Ils ont donné pour la première fois cette saison, j’ai déjà vendu 500 kilos de pommes », se réjouit-elle. Les courges butternut attendent languissamment la récolte tandis que, sous les serres, les salades affichent de belles mines joufflues. À l’horizon, on aperçoit la prairie cultivée par Hassan et les vignes où Pierrick développe, entre autres, pinot noir et chardonnay.
Avec ses acolytes, Hanane Somi a été retenue en 2018 à la suite de l’appel à candidature lancé par la Région pour cette zone située juste à côté de l’un des chantiers du Grand Paris Express. Pour atteindre la ferme, il faut longer les palissades et poursuivre sur un petit chemin de campagne. En quelques mètres, les grosses machines cèdent la place aux buissons d’aubépine et aux prunelliers. « J’aime bien cette idée que, pour arriver ici, on ait un sentiment de dépouillement, raconte-t-elle. L’endroit n’était pas forcément mon premier choix mais, quand je l’ai visité, j’ai vu un renard. Je me suis dit : « Il y a de la vie sauvage, ici, c’est pas mal… » » Ce qui est surtout « pas mal », c’est le travail abattu par Hanane en quelques années.
De ce terrain exploité auparavant en agriculture conventionnelle, elle a fait naître une production bio. Les débuts ont d’ailleurs été difficiles. « Le sol avait été épuisé par le travail en conventionnel. J’ai mis du temps à comprendre ce qui s’était passé. Les légumes d’été donnaient bien, en revanche, c’était un échec côté choux et poireaux par exemple ! » Depuis, l’harmonie a été rétablie : les poireaux se dressent fièrement et Hanane écarte de vastes feuilles pour dévoiler ses jolis choux-fleurs violets.
Philosophe et agricultrice
Tout en parcourant les allées bordées de pommiers, elle raconte sa reconversion amorcée en 2014 avec l’obtention d’un brevet professionnel responsable d’exploitation agricole (BPREA). Un choix « qui n’a rien de raisonnable. Mais je crois qu’on a tous un lien plus ou moins éloigné avec l’agriculture. Ne serait-ce que parce que nous nous nourrissons de produits issus de la terre ». Native de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), cette ancienne étudiante en philo choisit de sauter le pas. « Depuis l’enfance, je me questionne sur le monde, j’ai une vision critique de ce qui nous est proposé. Je n’avais pas envie de participer à un système sans queue ni tête qui vise à l’exploitation des ressources. Quand j’ai eu ma fille, j’ai eu envie de construire, de nidifier. » Mais pas question de s’éloigner de l’Île-de-France ! Cela n’aurait pas été pour lui déplaire, mais voilà : « Mon mari est un Parisien pur sucre », sourit-elle.
Dans l’entrepôt où elle stocke une partie de ses récoltes, on croise de magnifiques courges bleues de Hongrie à la légère saveur de noisette, ou encore des potirons d’Hokkaido à la magnifique teinte vert sombre. Hop, on fait nos emplettes de quelques jack be little, ces mini citrouilles de 10 cm de diamètre. « Je ne cultive que les produits que j’aime », affirme-t-elle. De fait, on croque avec plaisir dans sa pomme Topaz, ferme, croquante et insolemment acidulée. « Je fais fructifier des terres publiques ; en un sens, j’assure une mission de service public », résume-t-elle.
Animations et ventes directes
Pour faire le plein à la ferme Sauvages et cultivées, il faut venir le samedi matin. Car, en plus de fournir plusieurs AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), Hanane propose ses produits aux particuliers. Elle met aussi en place des activités pédagogiques. « Je suis pleine d’espoirs pour 2023 », confie-t-elle. La jeune femme souhaiterait la venue d’associés pour cultiver une partie des terres, lancer un financement participatif et développer davantage l’offre pédagogique. Pas une agricultrice à avoir les deux pieds dans le même sabot, en somme.
Infos pratiques : Ferme Sauvages et cultivées, 1, chemin du Beauzet, Chelles (77). Vente aux particuliers tous les samedis de 10 h à 13 h. Tél. : 07 82 23 95 63 (envoyer un message par SMS). Accès : gare de Chelles-Gournay (RER E) puis 2 km de marche. Plus d’infos sur Facebook et Instagram
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2 avril 2023 - Chelles