Comment est née votre série « Once upon a time tomorrow » sur les mégalopoles recouvertes par la nature ?
Chris Morin-Eitner : En parcourant les temples d’Angkor au Cambodge, j’ai été fasciné par la façon dont la nature s’était réappropriée les lieux. À l’apogée de leur splendeur, en pleine jungle, ces temples devaient être, toute notion esthétique mise à part, aussi impressionnants que le sont aujourd’hui les gigantesques édifices des multinationales où l’Homme affirme sa domination sur la nature. Une nature qu’il contrôle et repousse toujours plus loin, imposant un univers minéral hyper codé, designé, architecturé et urbanisé, souvent beau et assez prétentieux. À une époque où l’on se pose beaucoup de questions sur l’écologie, le changement climatique et l’avenir de la planète, et conscient du caractère transitoire et périssable de toute entreprise humaine, je me suis demandé comment tous ces bâtiments « super vitrine » de notre époque rivalisant de démesure pourraient évoluer dans le futur, à l’image d’Angkor. Angkor, aujourd’hui envahi par les lianes est sublime de poésie avec cette lointaine présence humaine que l’on peut ressentir encore. Et demain, Dubaï, Shanghai, New York, le « Grand » Paris… Que deviendront ces espaces urbains, ces mégapoles « mégalopoles », ces civilisations aujourd’hui au sommet, mais sans doute vouées à disparaître, comme les Mayas ou les Khmers ?
Vous imaginez la fin du monde, ou en tous cas de notre monde… ?
Il ne s’agit en aucun cas d’une vision apocalyptique, mais bien au contraire d’un monde que j’imagine plein de vie, une sorte de jardin d’Eden retrouvé, gorgé de couleurs, de formes et de poésie où la hiérarchie des angles droits et des espaces bien dégagés est supplantée par l’exubérance de la nature qui pousse dans les directions les plus inattendues. Une histoire de la ville revisitée de façon verte, écologique, « angkorienne ».
Techniquement, comment avez vous procédé ?
Chaque image met en scène une ville dont j’ai photographié un bâtiment icône, ancien ou contemporain. Je recompose ensuite l’image tel un peintre numérique, jouant sur les couleurs, les ombres, les textures, la netteté, la perspective des éléments que j’y ajoute. Les arbres, les animaux, les végétaux, les épaves industrielles… Les photos prises au cours de mes voyages viennent alors nourrir l’univers que j’explore.
Infos pratiques : La série « Once upon a time tomorrow » de Chris Morin-Eitner est à retrouver sur morin-eitner.com
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21 avril 2020 - Paris