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Avec « 1 immeuble, 1 oeuvre », l’art est partout

Le Lion des Genêts d'Anton et Teurk à Saint-Michel-sur-Orges / DR
Le Lion des Genêts d’Anton et Teurk à Saint-Michel-sur-Orges / DR

Depuis presque dix ans, le programme "1 immeuble, 1 oeuvre" favorise l'implantation d'oeuvres d'art au sein d'immeubles d'habitation ou de bureaux. Une façon de donner à voir l'art contemporain via les réalisations d'artistes émergents ou confirmés. Directeur général adjoint du groupe Emerige, Arthur Toscan du Plantier est également président du club 1 immeuble, 1 oeuvre. Pour Enlarge Your Paris, il dresse le bilan d'une décennie d'activité.

Quelle différence existe-t-il entre « 1 immeuble, 1 œuvre » et le 1 % artistique qui veut que 1 % du montant des travaux d’un bâtiment public soit dévolu à la création d’une œuvre d’art ?

Arthur Toscan du Plantier : Le programme « 1 immeuble, 1 œuvre » est né en 2015 à l’initiative d’entreprises privées qui ont décidé de s’engager pour commander une œuvre à un artiste et l’installer au sein d’immeubles d’habitation ou de bureaux, dans le cadre d’une construction neuve ou d’une réhabilitation. Le 1 % artistique est, lui, un dispositif public. Le point commun entre ces deux dispositifs : donner accès à la création au plus grand nombre. Petite subtilité : ces entreprises privées signent une charte d’engagement placée sous l’égide du ministère de la Culture. Ce programme est donc tout à fait inédit en ce qu’il unit le public et le privé.

Au sein du club « 1 immeuble, 1 œuvre », on trouve des promoteurs mais aussi des bailleurs sociaux. En incluant les bailleurs, l’idée était-elle que ces œuvres bénéficient à tous les publics, pas seulement à celui qui a accès à des logements plus coûteux ?

Chez Emerige [où Arthur Toscan du Plantier est directeur général adjoint, ndlr], nous avons des programmes aussi bien à 4 000 € du mètre carré qu’à 15 000 €! Et les promoteurs vendent des programmes aux bailleurs. Donc non, ce n’était pas l’idée, d’autant qu’on peut évoluer dans un milieu favorisé socialement sans jamais être confronté à l’art. En fait, promoteurs, bailleurs mais aussi foncières qui sont membres du club voient l’art comme un facteur de lien entre les habitants ou les usagers d’un immeuble, comme un levier de discussion. C’est ce qui nous réunit collectivement.

Comment se passe la sélection des œuvres ?

Les entreprises sont libres de sélectionner l’œuvre et l’artiste. Une seule obligation : que la commande soit passée auprès d’un artiste et nous recommandons très fortement que celui-ci soit inscrit à la Maison des artistes. Pour le choix, soit l’entreprise a des compétences en interne, ce qui est assez rare, soit nous mettons à sa disposition tout un réseau de contacts : les conseillers en art plastique du ministère de la Culture, les personnels des Fonds régionaux pour l’art contemporain (FRAC). Nous avons également noué un partenariat avec le Comité des galeries d’art qui peut proposer des artistes pour des projets. Elles peuvent aussi faire appel à des art advisors.

Le club veille-t-il à un équilibre entre les différentes formes d’œuvres : arts numériques, sculptures, etc. ? Ou entre artistes émergents et confirmés ? Par exemple, on trouve des œuvres d’Eva Jospin ou de Fabrice Hybert qui sont loin d’être des débutants…

La première responsabilité du club est de s’assurer que le programme n’est pas seulement parisien et irrigue tout le territoire. Nous veillons aussi à une mise en avant des femmes artistes. À ce sujet, nous sommes au-dessus du pourcentage moyen en termes de commandes passées à des femmes au niveau national. Quant à la typologie de l’œuvre, elle dépend aussi de là où elle est installée : les sculptures sont plus adaptées à l’extérieur tandis qu’une œuvre numérique ou une peinture auront plus leur place en intérieur. Concernant la notoriété des artistes : en près de dix ans, 850 œuvres ont vu le jour. Et, franchement, je mets au défi quiconque n’est pas spécialiste de l’art contemporain de connaître la moitié des artistes ! Vous parlez d’Eva Jospin, mais quand nous lui avons commandé La Traversée, elle n’avait pas la notoriété qu’elle a aujourd’hui. Je pense même qu’on peut dire que cette œuvre a contribué à faire rayonner son travail. Nous faisons appel aussi bien à des artistes renommés qu’issus de la scène émergente.

Les œuvres profitent aux usagers des immeubles. Mais veillez-vous aussi à ce qu’elles soient visibles par les passants ?

C’est au cœur de notre préoccupation. Lorsque les œuvres sont situées sur l’emprise foncière du programme, nous souhaitons qu’elles bénéficient à l’ensemble des riverains et des passants. Concernant Emerige, par exemple, dans le cadre d’un programme à Pantin, sur un ancien site industriel, l’artiste Pascale Marthine Tayou a créé une œuvre intitulée Cristal Cheminée. Aujourd’hui, elle fait office de place publique où les gens se donnent rendez-vous. Plein d’œuvres servent aussi de support à des actions d’éducation artistique. Les écoles voisines viennent rencontrer l’artiste pour mener avec lui des ateliers in situ, face à l’œuvre. Nous défendons une vision partagée et généreuse de l’art.

Plus d’infos sur le programme « 1 immeuble, 1 œuvre » sur culture.gouv.fr

La sélection d’Enlarge your Paris

Parmi les œuvres du programme présentes dans le Grand Paris, on vous a sélectionné nos préférées.

Objet 10 de Hugo Servanin

Hugo Servanin convoque l’IA pour générer trois images s’inspirant du Déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet. Sur un vaste mur, il en résulte trois mosaïques à l’effet cinétique qui confèrent une dimension poétique à cet endroit inscrit dans le quartier ultra-urbain de La Défense.

Infos pratiques : Objet 10 à voir 16, place de l’Iris, Courbevoie (92). Accès : métro Esplanade de La Défense (ligne 1).

Elle de Françoise Pétrovitch

Sur toute la longueur du porche de l’immeuble, la fresque de Françoise Pétrovitch accompagne le visiteur. La silhouette d’une femme peinte en rouge y est représentée, sans que l’on sache s’il s’agit de la même personne dont le mouvement est décomposé ou d’une kyrielle de jeunes filles… Énigmatique autant qu’hypnotique…

Infos pratiques : Elle, à voir au 62-64, rue de Lagny, Montreuil (93). Accès : métro Saint-Mandé (ligne 1) ou gare de Vincennes (RER A).

Les Lettres d’Alice Guittard

Le programme immobilier étant implanté en lieu et place des anciennes imprimeries du journal Le Monde, Alice Guittard a décidé de rendre hommage à cette histoire. Elle a donc imaginé 26 marqueteries de marbre (correspondant aux 26 années d’exercice de l’imprimerie) représentant chacune un événement emblématique de l’année. De la chute du Mur de Berlin (1989) à « Je suis Charlie » (2015), c’est l’histoire de la fin du XXe siècle qui se déroule sous nos yeux.

Infos pratiques : Les Lettres, à voir allée Jacques-Laloë, Ivry-sur-Seine (94). Accès : gare d’Ivry-sur-Seine (RER C)

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