Société
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La ville en commun, ça s’apprend

Les Grands Voisins à Paris / © Yes We Camp
Les Grands Voisins à Paris / © Yes We Camp

L’association Yes We Camp, en collaboration avec la coopérative Ancoats, le collectif CoDesign-It et l’université Paris-Est – Marne-la-Vallée, lance le 13 février un diplôme universitaire dédié aux « espaces communs » qui s’inventent dans les friches, à l’instar des Grands Voisins à Paris ou du 6b à Saint-Denis. Explication.

Tribune co-signéYes We Camp et Ancoats

Partout, l’entre-soi est un mode de vie qui prospère, mettant en danger la cohésion sociale. À contrepied de cette tendance ont surgi depuis quelques années des espaces de rencontres et d’échanges qui prennent place dans des sites en friche et favorisent l’implication de chacun, initient des dynamiques collectives et renforcent le pouvoir d’agir des habitants et des collectifs de toutes sortes. Les Grands Voisins à Paris, le 6b à Saint-Denis, l’Hôtel Pasteurà Rennes, Mains d’Oeuvres à Saint-Ouen, la Friche Miko à Bobigny sont autant d’exemples qui ont pu initier ce mouvement.

A l’heure où ces expérimentations essaiment çà et là dans les interstices des villes, dans les zones péri-urbaines et en milieu rural, nous souhaitons encourager le développement de ces lieux partagés, rassembler les explorateurs de ces possibles et contribuer à faire mûrir et réfléchir ce mouvement, sans faire taire la spontanéité qui en est à la base.

C’est dans cette dynamique que nous amorçons le projet de diplôme universitaire “Espaces du commun” à l’université Paris-Est – Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) dans le but de documenter les initiatives, décrire les aventures singulières et organiser la circulation des savoirs et savoir-faire sédimentés au fil des années.

Car il serait tentant de céder aux sirènes de la modélisation de ces lieux, qui ont pour particularité de s’appuyer sur l’existant ainsi que sur l’ensemble des ressources et des besoins d’un territoire. L’obsession de la réplication présente des travers dangereux, et en premier lieu l’oubli du contexte. A terme, la recherche forcenée du passage à l’échelle chez ces acteurs qui empruntent leurs modèles de développement au management et au fantasme de la start-up ne peut que tuer la créativité. Pas de recette magique et pas de franchises possibles pour ces espaces qui incarnent les usages vivants d’une ville et que nous souhaitons voir émerger partout, pour que demain ils ne soient plus exceptionnels mais durables. Pour ce faire, ils ne peuvent se réduire à des lieux de consommation enrobés dans des décors alternatifs et se doivent de proposer des alternatives urbaines, sociales et politiques créatrices de valeur pour tous.

Mains d’Oeuvres à Saint-Ouen / © Julien Caupeil
Mains d’Oeuvres à Saint-Ouen / © Julien Caupeil

Changer la ville petits bouts par petits bouts

Ces alternatives s’inventent à la marge mais pourront demain polariser différemment la ville et la manière de la faire. La sérendipité, l’expérimentation constante et le droit à l’erreur sont les valeurs cardinales de ces alternatives dont les différents acteurs de la fabrique de la ville prennent peu à peu la mesure. En effet, si notre constat initial sur les déboires de la ville standardisée est de plus en plus partagé – par les pouvoirs publics, par les propriétaires fonciers, par les aménageurs et par les usagers -, force est de constater que les pistes que nous esquissons, à savoir le recours à l’expérimentation via la mise en oeuvre d’espaces communs, reste encore marginal. Il est donc de notre responsabilité d’encourager ces potentiels de transformation, en favorisant l’éclosion d’une prise de conscience progressive de cette urbanité expérimentale que nous prônons, petits bouts de ville par petits bouts de ville, et de créer des surfaces de contact pour organiser la transmission de ces expériences.

Nous ne changerons pas demain la ville. Nous ne passerons pas en un week-end du régalien aux espaces spontanés. Il faudra pour cela des étapes, des tests, des ajustements, des hypothèses pour parvenir à une ville dont nous sommes tous les héros . A nos lieux et bien d’autres de positionner l’alternative en modèle désirable en suggérant d’autres possibles : ceux d’une ville plus vertueuse, post-pétrole, post-puissances, post-domination. Cette transition est celle qui nous sortira du rabougrissement d’une ville contrainte vers une capacité collective d’invention,. Pour cela, nous avons besoin d’outils mais aussi d’une mécanique sentimentale : avant d’outiller pour rendre concret, faire passer le message qu’il est possible de faire plus.

Infos pratiques : Présentation du diplôme universitaire «Espaces communs» mercredi 13 février de 19h à 22h aux Grands Voisins, 74 avenue Denfert Rochereau, Paris (14e). Plus d’infos sur Facebook

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