C’est une étude très riche menée de façon partenariale par l’Institut Paris Région, la Mass Transit Academy de la SNCF, Transilien, Sustainable Mobilities et Hove qui a été dévoilée il y a quelques semaines.
Elle s’intéresse aux pratiques actuelles en matière de mass transit concernant les loisirs et le tourisme. Le mass transit, kézaco ? « Il s’agit de l’ensemble des transports en commun ferrés, c’est-à-dire le métro, le tram, le RER et le tramway. L’Île-de-France possède l’un des premiers réseaux au monde en la matière », explique Nicolas Bauquet, directeur général de l’Institut Paris Region. L’étude s’est intéressée à deux types de populations, les Franciliens et les touristes, afin de définir leurs usages et de circonscrire les défis à venir en la matière.
Côté Franciliens, on note les effets du télétravail. « Nous avons retrouvé une moyenne globale de 95 % du trafic d’avant-covid, souligne Agnès Grisoglio, directrice de la Mass Transit Academy groupe SNCF. Avec, à noter, des répartitions intéressantes : les heures de pointe demeurent à 100 % les mardis et jeudis. Le vendredi en revanche, le trafic accuse une baisse de 18 %. » Un phénomène qui se vérifie à l’étranger puisque à Londres, par exemple, le mass transit est inférieur de 30 % le vendredi par rapport au mardi..
83 % des Parisiens restent à Paris durant le week-end
Une surprise : la fréquentation du mass transit le week-end est remontée plus vite qu’en semaine. Elle est même supérieure, le dimanche, au niveau d’avant-covid. En septembre 2023, on dénombre ainsi 283 000 validations de plus qu’en novembre 2019. En revanche, on note un décalage entre les Parisiens intra-muros et le reste des Franciliens. Le samedi, les habitants de la capitale se déplacent sur 11 km contre 22 pour les habitants de petite couronne et 28 pour ceux de grande couronne. « 83 % des Parisiens restent à Paris durant le week-end », analyse Agnès Grisoglio. Concernant les habitants de grande couronne, l’usage du mass transit durant la semaine favorise une acculturation de fin de semaine. En effet, ceux qui en ont l’usage pendant les jours ouvrés sont 25 % à l’utiliser en fin de semaine. A contrario, les habitants de grande couronne qui n’utilisent pas le mass transit en semaine ne sont que 7 % à y avoir recours les samedis et dimanches.
Et les Parisiens, alors ? À quoi cette résistance tient-elle ? Est-elle due à la fameuse « RERophobie » bien connue de tout habitant de banlieue qui a des amis résidant intra-muros et peine à les inviter à dîner le week-end ? « Ce n’est pas tant que le RER a une image négative dans l’esprit des Parisiens. C’est plutôt qu’il a une « non-image », estime Agnès Grisoglio. Pour passer de l’intention à l’action, il faut savoir que c’est possible et que des plans B ou C existent au cas où. En RER ou en train, le maillage est moindre. Mais il faut aussi prendre en compte la méconnaissance des Parisiens sur ce qui existe en dehors de Paris et leur difficulté à appréhender le réseau. »
De son côté, Nicolas Bauquet rappelle une offre de loisirs déjà très abondante dans Paris… tout en soulignant « une forte carence en espaces verts » que les escapades de l’autre côté du périphérique pourraient pallier. « Les Parisiens auraient tout intérêt à découvrir cette offre, d’autant plus si on peut l’articuler avec l’usage du vélo. » De fait, avec le réchauffement climatique, les échappées extra-muros devraient gagner en popularité. En termes de niveau de vulnérabilité à la chaleur en journée, Paris caracole en tête avec la Seine-Saint-Denis. « 1,5 million de Franciliens vivent dans des îlots de chaleur, rappelle Agnès Grisoglio. Or douze forêts sont accessibles en mass transit via des rames climatisées. »
La nécessité d’un travail pédagogique pour faire connaître l’offre hors Paris
Et qu’en est-il côté touristes ? L’étude se base sur une enquête menée en 2023 auprès de 2 000 touristes durant la Coupe du monde de rugby. Là aussi s’en dégagent des chiffres intéressants. Si le mass transit est plébiscité pour sa facilité (55 %) ou sa rapidité (30 %), le panel d’enquêtés renonce à l’utiliser en raison des dessertes (35 %) ou de sa complexité (29 %). Pour Nicolas Bauquet comme pour Agnès Grisoglio, un travail pédagogique reste donc à faire. Car les sites hors Paris souffrent d’un déficit de fréquentation. Si 53 % des touristes déclarent s’être rendus sur le parvis de Notre-Dame, ils ne sont que 18 % être allés à Versailles pour visiter le château. Et si le château de Fontainebleau est, comme Versailles, inscrit au patrimoine de l’Unesco, seuls 5 % des touristes interrogés y ont fait le déplacement.
« Il faut qu’il y ait une prise de conscience de ce qui se passe hors Paris, plaide Nicolas Bauquet. C’est d’ailleurs ce que fait Enlarge your Paris. Car ces opportunités offertes par le Grand Paris constituent de vrais plus pour l’ensemble de la Région ! » Agnès Grisoglio convoque les sciences comportementales : « Le levier numéro un pour passer de l’intention à l’action, c’est la norme sociale. En tant que touriste, je prendrai le RER si je sais que c’est la norme. » Il convient donc d’œuvrer à une meilleure communication mais aussi faciliter les questions de billettique. Pour eux deux, les J.O. peuvent constituer une bonne amorce pour progresser en ce sens. Même si, soulève Agnès Grisoglio, « après les Jeux, il faudra souffler sur les braises pour que le feu continue ! »
Infos pratiques : l’enquête « Mobilités loisirs et tourisme : pratiques actuelles en mass transit et nouveaux défis » est à lire sur institutparisregion.fr
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15 mars 2024