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United colors of ballon rond

Joueurs de foot et supportrices rassemblés par Singa / © Thomas MASSON
Joueurs de foot et supportrices rassemblés par Singa / © Thomas MASSON

Le samedi 8 août dernier, une vingtaine de réfugiés politiques et de citoyens ont participé à un après-midi footballistique, organisé par l’association Singa. La compétition s’est déroulée à Nanterre, sur des terrains de foot à 5. De quoi rompre l’isolement et faciliter les rencontres.

 

Ils sont une vingtaine à jouer au foot en cet après-midi du samedi 8 août 2015. Le brassage ethnique est assuré : ils sont des citoyens français, portugais, brésiliens ou des réfugiés congolais, iraniens, soudanais, sénégalais, sierra léonais, guinéens et afghans. Qu’importe leurs destins, leurs origines, ils sont là pour une seule chose : faire équipe autour du ballon rond !

Droit à l’asile et droit aux buts

L’événement footballistique est baptisé  « La coupe du monde de la communauté Singa ». Celui-ci, par son nombre de participants, est modeste. Les organisateurs attendaient près du double de footballeurs et au moins deux équipes supplémentaires. Mais qu’importent les absences. L’ambition de l’association Singa est d’initier un moment de rencontre grâce au football « arme de communion massive ! » selon Guillaume Capelle, 27 ans, directeur et cofondateur de Singa.

Vêtu d’un maillot de la Juventus de Turin, floqué du nom de Trézéguet, il présente la coupe du monde de la communauté Singa comme «  un droit aux buts » et poursuit : « Le droit d’asile, c’est aussi un droit à vivre, à s’amuser, à marquer des buts ! »

Nathanael Molle, également cofondateur de Singa, complète les propos de son acolyte : « Cet événement créé un esprit d’équipe, crée un moment convivial où l’on sent qu’on est entouré et qu’on forme une communauté. Tous les moyens sont bons pour permettre de rompre l’isolement de réfugiés, de leur donner accès à un réseau social ou professionnel et de faciliter la rencontre entre eux et les membre de la société française. »

Les têtes et les jambes

Les joueurs affichent des sourires, se chambrent. L’ambiance est décontractée et conviviale. Toutes les nationalités et tous les joueurs ont été mélangés au hasard. Les noms des équipes ont été donnés sur le tas, en fonction du niveau de jeu ou de la couleur des maillots. Ainsi, le championnat est composé de quatre équipes : l’Allemagne, l’Italie, le Brésil et la Suisse (ou le Ghana, sur ce point personne ne sait vraiment).

De 14h à 17h, ces équipes s’affrontent sous 28°C. Les filets tremblent, les gants des gardiens claquent, les joueurs transpirent et s’essoufflent. Chaque équipe déploie ses talents individuels et collectifs pour être sacrée championne. Six filles, invitées elles aussi à participer à ce championnat qui se voulait mixte, préfèrent rester assises sur des transats ou debout derrière les buts, et assistent en privilégiées à ce spectacle.

Le championnat, finalement remporté par l’Italie, s’enchaine avec d’autres défis. Les équipes doivent répondre à des questions de culture générale sur le football, effectuer vingt jongles et immobiliser le ballon sur la tête durant 10 secondes. Ce n’est qu’à 18 heures que les joueurs quittent les lieux, après avoir fait travailler la tête et les jambes.

 

© Thomas MASSON

 

Causeries

Amadi, âgé de 29 ans, fait partie de l’équipe mystérieuse (de la Suisse ou du Ghana). Il a marqué quelques buts, cependant lui et ses coéquipiers ont perdu deux matchs : l’un 11 à 4 et l’autre 12 à 8. Mais pour lui, l’essentiel est ailleurs : « Je suis venu à ce tournoi de foot pour voir mes amis », affirme-t-il. En quelques minutes et sans rentrer dans les détails, il raconte les raisons de sa venue en France. Ce journaliste originaire de la Guinée-Conakry, a fuit son pays suite au vandalisme de sa radio : « suite à cela, j’ai acheté un passeport biométrique. C’était le visa français qui était à l’intérieur. Je suis venu en France tout seul. J’ai une femme et un enfant qui sont restés au pays. J’aimerai qu’ils viennent me rejoindre ».

Mohamed, surnommé Momo, est un Iranien de 33 ans. Il vit avec sa petite amie française. Il est soudeur. Il a notamment participé à la construction de l’escalier de la Philharmonie de Paris. Pour le lui, le football est très important : « c’est grâce à ce sport que j’apprends le français et que je rencontre des français ».

 

© Thomas MASSON

 

Mohamed et Nathan Malonga  / ©Thomas MASSON
Mohamed et Nathan Malonga / ©Thomas MASSON

 

Nathan Malonga, une médaille autour du cou, est tout sourire. Son équipe d’Italie a été sacrée championne et ce premier titre symbolique le fait rêver à d’autres sacres : « Remporter une coupe du monde et une coupe d’ Europe avec l’authentique équipe de France ! ». Il avance que son jeune âge (16 ans), sa taille (1,90 mètres) et ses qualités défensives sont de vrais arguments. En attendant, ce natif de la République démocratique du Congo, prend ses marques. Il est arrivé en France en février 2015, où il a rejoint sa petite sœur et sa mère. Il est enthousiaste sur sa présence en France et reconnaissant d’être accueilli dans ce pays : « J’ai vraiment de la chance de vivre dans ce pays que je découvre. Ici, c’est différent de mon ancien pays : c’est calme, l’environnement est très favorable et il y a de bonnes écoles ! En France, on peut percer et c’est plus facile d’aller de l’avant ! »

Ambassadeurs

Foday Mamoud Janneh, 29 ans, a quitté la Sierra Leone pour rejoindre la France en 2011. Lors de cet après-midi footballistique, il a réussi à marquer un but. Mais cela n’a pas été suffisant : son équipe a perdu la plupart de ses matchs, dont un 15 à 4. Mais il en rit : « le véritable but, c’est d’être ensemble, échanger et faire des connaissances. »  Foday Mamoud Janneh ne parlait pas un mot de français à son arrivée. Il s’est intégré grâce à l’association Singa et en devenant comptable pour elle. Il estime que Singa est une « communauté où l’on peut rencontrer des Français, exprimer ses expériences et compétences. »

Aidé à son arrivée, Foday joue à son tour un rôle de grand frère auprès des exilés nouvellement arrivés en France, « pour leur redonner confiance, les accompagner à développer du réseau et leur donner du courage. » En véritable ambassadeur de Singa, Foday en est devenu le président début 2015.

 

Foday Mamoud Janneh - président de Singa depuis 2015 / ©Thomas MASSON
Foday Mamoud Janneh – président de Singa depuis 2015 / ©Thomas MASSON

 

Inna Marava, réfugiée politique russe, à l’origine de la branche sport de Singa, constate que « cet après-midi de foot permet de se mélanger, de se vider la tête, d’évacuer son adrénaline, de jouer en équipe. Ce match permet aux réfugiés et aux membres de la société française de se rencontrer. C’est une vraie aide psychologique, ça défoule et cela crée des amitiés ! »

Dans son pays natal, Inna faisait de la danse classique, du patinage artistique, de la natation et de l’athlétisme au niveau professionnel. Elle arrêta toutes ces activités une fois arrivée en France, alors qu’elle était demandeur d’asile.

La période fut difficile pour elle : « Quand tu es demandeur d’asile, c’est compliqué d’être motivé, de s’intégrer. Parce que tu ne sais pas si tu vas avoir le statut de réfugié et donc pouvoir rester dans ton pays d’accueil. Tu ne sais pas non plus si ce statut te sera refusé et si tu devras retourner d’où tu viens ». Elle mit du temps aussi à faire le deuil de son pays. « Ma tête était en Russie » accorde-t-elle.

La langue fut pour Inna une autre barrière à soulever. Nostalgique, elle voulait entendre sa langue natale dans la rue ou pouvoir demander du pain en russe. Ne parlant pas le français, elle devait  toujours être accompagnée de connaissances russes pour ses diverses démarches. Elle n’arrivait pas à être autonome, à bien s’intégrer dans la société et à rencontrer des personnes. Elle a finit par rester cloitrée chez elle.

Le sport l’a aidé à s’en sortir : elle s’est inscrite à l’université Paris XI, dans la filière STAPS et dans des activités sportives. Grâce à cela, elle a pu étudier le français, oublier ses soucis et rencontrer du monde. Peu à peu, elle a commencé à se sentir bien. De fil en aiguille, elle a rejoint Singa. C’est ainsi qu’avec sa venue, la partie multi-sports de Singa venait de voir je jour, en mars 2015.

Carnet Moleskine

Dans son livre Pour la paix perpétuelle, Emmanuel Kant tenait ces propos : «  Hospitalité signifie le droit qu’a un étranger arrivant sur le sol d’un autre de ne pas être traité en ennemi par ce dernier […], le droit qui revient à tout être humain de se proposer comme membre d’une société, en vertu du droit à la commune possession de la Terre, laquelle, étant une sphère, ne permet pas aux hommes de se disperser à l’infini, mais les contraint à supporter malgré tout leur propre coexistence. »

 

© Thomas MASSON

 

L’association Singa est engagée sur la voie de l’hospitalité depuis sa création en février 2012. Elle a fédéré une communauté de 2 800 personnes, au service de l’innovation sociale, l’enrichissement culturel et la création d’emplois avec plus de 350 réfugiés. « Nous sommes au service de la société française et nous montrons que la présence de réfugiés peut la renforcer, la souder et l’enrichir » explique Guillaume Capelle.

L’association Singa accompagne des projets d’ entrepreneuriat, dispense des cours des français, permet aux réfugiés d’enseigner leur langue natale aux membres, anime des sorties culturelles, sert de passerelle pour trouver des logements chez l’habitant (dispositif CALM – comme à la maison), incite les étudiants d’universités à renforcer l’accueil des réfugiés ou dispense à ses membres des cours de sport (course à pied, powerfit, football et autres activités).

Guillaume Capelle, songeur, affiche un sourire sur son visage et dans ses yeux : « Je me rappelle encore quand avec Nathanael Molle nous écrivions ce projet dans un carnet Moleskine, en étant dans un café Starbucks de Wagram…».

 

Cet article est tiré du blog La Gazette des Alter Egaux qui explore les initiatives socialement innovantes.