Comment est née la « corbicyclette » ?
Isabelle Plumereau : Il y a quinze ans, lorsque j’ai commencé à travailler dans le milieu des pompes funèbres, le classicisme était de mise. Nous sommes désormais de plus en plus nombreux à essayer de faire évoluer les mentalités et les services funéraires. De mon côté, je tâche d’apporter un sens à ces évolutions, à ne surtout pas en faire des gadgets. Il y a trois ans, j’ai créé ma propre structure, Le Ciel & la Terre. Le vélo cargo venait alors d’arriver en France, et cette idée d’accompagner le défunt en le portant devant était important pour moi ; je trouvais la symbolique jolie. Par ailleurs, ce véhicule silencieux me plaît. Utiliser ce moyen de transport relève presque du bon sens.
Le vélo est un moyen de locomotion éminemment tourné vers la vie, et même vers l’enfance pour certains. N’est-ce pas dérangeant de proposer ce type de convoi funéraire ?
Je ne peux pas empêcher la tristesse. Mais la cérémonie de l’enterrement est faite avant tout pour les vivants. Et je crois que dans certains cas – je ne vais pas proposer ce service à tout le monde ! –, se tourner vers un moyen de locomotion léger, presque serein, peut aider certaines personnes. Tout ce qui peut adoucir le moment de la séparation est à prendre en compte. Évidemment, je n’entends pas remplacer les corbillards classiques. Mais on peut imaginer que marcher derrière une camionnette diesel est une attitude plus subie qu’entourer le défunt autour de la « corbicyclette », qui possède d’ailleurs des barres latérales pour tenir le convoi. C’est aussi une manière de se sentir actif dans le départ et retrouver un peu de lien dans ce moment. Ce n’est évidemment qu’un geste symbolique, mais les symboles me semblent important lors d’une cérémonie.
Que dit la législation, très stricte en matière de transports funéraires, et avez-vous déjà eu des clients pour ce type de véhicule ?
Les autorités ont entériné la « corbicyclette ». Il existe d’autres corbillards-vélos dans d’autres pays comme le Danemark ou la Suisse, mais ils ne répondent pas à la législation française en matière de visibilité du cercueil notamment. Par ailleurs, exactement comme un vélo, on peut rouler sur la chaussée comme sur les pistes cyclables, même si évidemment, le parcours doit être étudié en amont. J’ai eu plusieurs demandes de clients mais, malheureusement, je n’ai pas encore pu les honorer car je me heurte à des difficultés administratives avec les assurances. Mais cela va se débloquer.
À qui s’adresse ce genre de service funéraire ?
Je ne propose pas ce convoi à tout le monde ; mon but n’est pas de tout révolutionner. Mon métier consiste à comprendre les besoins des familles, à ressentir leur état d’esprit. C’est ce que je trouve passionnant. Les personnes qui viennent vers moi pour ce genre de prestations sont plutôt des gens qui aiment la sobriété et qui veulent donner à ce moment une forte portée symbolique. La mort fait partie de la vie, la société évolue, et je crois que, si la mort est immuable, notre rapport au deuil et aux obsèques, lui, peut évoluer.
Infos pratiques : Le Ciel & la Terre, 72, rue Saint-André-des-Arts, Paris (6e). Uniquement sur rendez-vous. Tél. : 06 13 06 35 70. Accès : métro Odéon (ligne 4) ou Mabillon (ligne 10). Plus d’infos sur lecieletlaterre.fr
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1 novembre 2022 - Paris