
Lancé en 2007 à Paris, le service Vélib' s'étend désormais sur près de 80 communes du Grand Paris et compte 470 000 abonnés. Après un été record lié aux Jeux olympiques, Sylvain Raifaud, président du Syndicat Autolib' et Vélib' Métropole, revient sur les enjeux des mobilités partagés.
Où en est Vélib’ ? Quel bilan dressez-vous après l’année olympique écoulée ?
Sylvain Raifaud : Les usagers aiment Vélib’ autant qu’ils aiment le détester, mais ils sont 867 000 à y recourir chaque année. Quand je suis arrivé au Syndicat Autolib’ Vélib Métropole (SAVM) fin 2020, on héritait d’une situation compliquée avec Velib’. On a su la corriger en exigeant de l’exploitant du service une amélioration du service, en prenant en compte les impératifs du privé mais en restant intransigeant sur le respect du contrat. On a augmenté le nombre de vélos et on continue d’étendre le réseau hors Paris grâce au soutien financier de la Métropole du Grand Paris qui investit plusieurs millions d’euros chaque année. S’agissant précisément des Jeux olympiques et paralympiques, le bilan est excellent. Grâce aux stations géantes positionnées au plus près des sites de compétition, nous avons déployé 3 600 places supplémentaires. Avec près de 2,5 millions de trajets sur la période, dont plus de 155 000 vers ou depuis des épreuves, le service a battu tous ses records de fréquentation en période estivale.
Vélib est aussi devenu un réseau de mobilités grand-parisien. Au début, ce n’était pas gagné…
En 2007, quand Velib’ a débarqué à Paris, je faisais partie de l’association « la Périféérique », qui militait pour organiser une course à pied, à vélo et en roller, une grande fête populaire sur cet anneau de bitume, symbole de la fracture entre Paris et le reste de la métropole. Nous avions alors publié une tribune pour regretter que l’initiative Vélib’ ne soit pas métropolitaine, laissant les communes de banlieue à l’écart de cette innovation majeure. Le service est devenu métropolitain en 2017. J’ai pour ma part toujours conservé cette conviction que les mobilités partagées font partie des nombreux sujets liés à la transition climatique qui ne peuvent être traités à l’échelle d’une seule commune, fût-elle la capitale de la France, mais doivent être organisés à l’échelle de la zone dense. Et aujourd’hui, le réseau Velib’, c’est près de 80 communes de la Métropole du Grand Paris !
Le vélo, qu’il soit en libre partage ou non, a explosé depuis le covid. Quelles sont les tendances ?
Ces dernières années, le secteur des mobilités a connu des mutations profondes et rapides. Les investissements massifs décidés par les collectivités pour développer des infrastructures cyclables sécurisées commencent à produire leurs effets. Je rappelle l’engagement de la Ville de Paris, près de 250 millions d’euros, et 100 millions pour la Métropole du Grand Paris, pour ne citer que ces deux collectivités. Ce sont des montants très élevés qui sont mis en jeu pour assurer la sécurité des cyclistes sur des infrastructures qui leur sont réservées. Et pourtant, on est encore loin du compte ! La piste du boulevard de Strasbourg, la plus empruntée d’Europe, est devenue trop petite en moins d’un an. Nous enregistrons chaque année au mois de septembre une poussée de 15 % du nombre d’abonnés à Vélib’, désormais près de 470 000 contre 360 000 il y a quatre ans.
Quelles sont les perspectives pour les années à venir ?
D’ici à 2030 et au-delà, on verra l’extension du métro avec le réseau du Grand Paris Express qui va intensifier au sein de la métropole un besoin croissant de vélos partagés ou non, pour aller de chez soi au RER ou au métro, et ensuite du métro au travail. Plus globalement, les besoins en termes de mobilité ont évolué, avec le développement du télétravail, l’engagement de la transition écologique. Et puis les engins de mobilité, et donc les usages, se sont diversifiés (vélos, scooters, voitures en free-floating…). Enfin, depuis le 1er janvier 2025, la Zone à faible émission (ZFE) se met en place progressivement. Son objectif est de lutter contre la pollution atmosphérique responsable de 7 000 morts prématurées par an en Île-de-France, et elle va obliger les ménages dans le périmètre de l’A86 à changer de motorisation ou de moyen de transport. C’est une mutation profonde, coûteuse, qui peut être injuste socialement si elle n’est pas bien menée, mais indispensable. L’autopartage en boucle peut jouer un rôle pour accompagner cette transition. Une étude menée en 2021 montre que chaque véhicule partagé peut remplacer entre 8 et 10 voitures individuelles.
Qu’est-ce que c’est, les mobilités partagées ?
Ce sont des services de mobilité présents dans l’espace public, disponibles pour toutes et tous, qui proposent des véhicules, quelle que soit leur nature, qui sont utilisés successivement par des usagers différents. Ce sont aussi des alternatives aux mobilités traditionnelles, entre les transports en commun et la propriété individuelle, qui offrent un sentiment de liberté sans nécessiter de maintenance ou de contrainte pour le garage des véhicules. La capitale française et sa banlieue sont des poids lourds européens, avec pas moins de 43 000 véhicules partagés pour 4,5 millions d’habitants. La plupart sont des vélos et 20 000 d’entre eux sont des Velib’. Et quand un Vélib est utilisé jusqu’à 15 fois dans la même journée, qu’il est réparable pratiquement à l’infini et qu’en plus il peut inciter à acquérir son propre vélo, on contribue concrètement et durablement à résorber l’empreinte collective sur le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre dans le pays.
Quels sont les enjeux pour les collectivités ?
Toutes les évolutions que je viens d’évoquer ont généré de nouveaux enjeux pour les décideurs publics. Le premier enjeu, c’est la maîtrise de cet espace public, un enjeu très largement partagé dans une métropole comme la nôtre. Il faut gérer un espace limité, faire cohabiter différents modes de mobilité, définir la place de chacun, éviter ce que l’on appelle les conflits d’usages entre cyclistes, piétons et automobilistes… Il faut aussi une vision d’ensemble à l’échelle du Grand Paris, ce qui est nécessaire par exemple pour créer des réseaux de pistes cyclables de qualité, à l’échelle de la métropole et de la région, et éviter les changements de pistes, de revêtement et de signalétique d’une commune à l’autre. Le deuxième enjeu, c’est l’organisation et la régulation de la mobilité. La puissance publique doit avoir une stratégie en matière de mobilités, et cela concerne aussi les mobilités partagées. Les usagers, le secteur privé lui-même ont des attentes, et il est de notre responsabilité d’y répondre. Beaucoup reste à faire et de nombreuses autres questions d’importance restent sur la table aujourd’hui, comme le sujet de l’accessibilité et l’inclusivité de ces moyens de transport à toutes et tous sont des clés de leur développement. La mobilité est avant tout un droit sans lequel on ne peut en exercer quasiment aucun. Nous avons un rôle à jouer et une responsabilité à assumer. C’est aussi pour ça qu’en décembre 2024, le SAVM est devenu l’Agence métropolitaine des mobilités partagées pour pouvoir embrasser toutes les solutions de mobilité partagée, accompagner les collectivités dans leur réflexion et mise en œuvre de cette politique publique indispensable pour nos villes d’aujourd’hui et de demain.
Infos pratiques : plus d’infos sur velib-metropole.fr
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21 février 2025