
Tout le monde passe devant sans toujours lui prêter attention. Le plan du métro est pourtant une mine d’information. En le regardant attentivement, on comprend beaucoup de choses sur Paris, son histoire, son rapport au reste du pays et à sa banlieue comme l'analyse le journaliste spécialiste de la mobilité et des transports Olivier Razemon.
Il n’y a plus de place ! Les lignes de métro se prolongent désormais si loin en banlieue que les plans du réseau, affichés aux murs des stations, représentent les extensions par des traits fléchés, sans rapport avec la géographie réelle. Toutes les stations n’y apparaissent même pas. Certaines lignes, comme la 8 au sud-est ou les deux branches de la 13 au nord-ouest, prennent la forme de droites de couleur qui filent le long de la bordure du plan. Les deux terminus de Boulogne-Billancourt, Pont de Saint-Cloud et Pont de Sèvres, semblent flotter au milieu de la ville, et non en bordure de la Seine, leur véritable emplacement. En 2024, le métro parisien a connu deux prolongements majeurs : la ligne 11 jusqu’à Rosny-sous-Bois et la ligne 14 jusqu’à l’aéroport d’Orly. Mais les designers des plans n’arrivent plus à suivre. La géographie s’efface devant l’étirement du réseau.
Postons-nous sur un quai de métro et regardons le plan de plus près. Deux axes se détachent : un gros flux vert et bleu qui file du centre de Paris vers le nord, et un autre trait, plutôt rouge et jaune, qui suit la Seine, rive droite, du nord-ouest vers le sud-est. Ce dernier flux correspond à la « voie royale », l’axe historique Louvre-Tuileries, qui se déploie en banlieue. Sur le plan du métro, le développement de la capitale, qui se poursuit sans discontinuer depuis des siècles, saute aux yeux.
« La densité du métro explique pourquoi la plupart des Parisiens, au contraire des habitants de l’Hexagone, peuvent vivre sans voiture »
En 2010, un article d’une revue d’urbanisme se penchait sur « un siècle de plans du métro de Paris ». Chacun se souviendra des plans de son enfance et s’amusera à repérer la manière dont, décennie après décennie, le réseau s’est étoffé, tandis que le design se simplifiait, se débarrassant des détails. En 1994, la RATP dévoilait un plan représentant l’ensemble des lignes ferrées de la région Île-de-France, métro, RER, train de banlieue, ainsi que le tout jeune tramway. Sur la version actuelle de ce plan francilien, où les cours d’eau, en bleu, et les parcs, en vert, forment des repères stylisés, une réalité s’impose : Paris occupe une place immense alors que la ville représente moins de 1 % de la superficie totale de la région et un sixième de sa population.
Ce gonflement disproportionné de la ville-capitale par rapport à sa taille réelle s’explique bien sûr par la densité du réseau de métro par rapport au RER ou au train de banlieue. Conçu au début du XXe siècle, le métropolitain se distingue par un entrelacs de lignes, parfois redondantes, et des distances très courtes entre deux stations, 570 mètres en moyenne. Les habitants et usagers de Paris y trouvent leur compte. La densité du métro explique pourquoi la plupart des Parisiens, au contraire des habitants de l’Hexagone, peuvent vivre sans voiture. Au fond, il suffit de regarder le plan pour comprendre le décalage majeur entre la capitale et le reste du pays en matière de mobilité.
Mais si le métro est dense à Paris, il l’est beaucoup moins en banlieue. Les interstations s’allongent dès que le métro passe le périphérique. Là où un Parisien dispose de trois ou quatre stations dans un périmètre parcourable à pied, un banlieusard n’en a qu’une. Pour le dire autrement, intra-muros, le métro se suffit à lui-même. Extra-muros, il doit s’appuyer sur les modes de transport complémentaires : le tramway, le bus, le vélo, qui rabattent les voyageurs vers le réseau. Décidément, le plan du métro est un outil très pertinent pour qui veut s’interroger sur les disparités spatiales.
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11 mars 2025