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Pourquoi aussi peu de chefs étoilés en banlieue ?

Jacky Ribault, chef étoilé de L'Ours à Vincennes / © L'Ours
Jacky Ribault (au centre), chef étoilé de L’Ours à Vincennes / © L’Ours

Dans un mois, le 31 mars, le guide Michelin dévoilera sa nouvelle liste des tables étoilées. À l'heure actuelle, sur 137 restaurants étoilés Michelin dans le Grand Paris, 16 seulement sont situés outre-périphérique. Nous avons cherché à savoir pourquoi avec Aubervilove, journaliste et instagrameuse qui s'intéresse notamment aux bonnes adresses gastronomiques en banlieue.

Sur 137 restaurants étoilés par le guide Michelin en Île-de-France, 16 seulement sont situés en dehors de Paris. Ce chiffre vous étonne-t-il ?

Aubervilove : Effectivement, pendant longtemps, Paris a concentré les étoilés tandis qu’en banlieue, c’était peanuts. Cela s’est un peu arrangé mais la banlieue ne compte toujours pas d’établissements deux ou trois étoiles. Or, à l’origine, au tout début du XXe siècle, le guide Michelin avait justement vocation à inciter ses lecteurs, des épicuriens aisés, à fuir l’agitation parisienne et à sortir des sentiers battus pour découvrir des adresses inattendues. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, la situation pose question : comment se fait-il que des territoires si proches avec tant d’atouts n’attirent-ils pas plus de grands chefs ? Alors que le foncier y est bien moins cher, qu’on peut créer de grands espaces pour accueillir la clientèle, stocker du vin – un vrai problème dans la capitale – voire, pourquoi pas, créer son potager. Néanmoins il me semble que, depuis quelques années, les choses bougent.

À quoi cela est-il dû selon vous ?

Déjà, les consommateurs ont changé. On trouve en banlieue des gens avec un niveau de vie confortable qui n’ont pas forcément envie d’aller à Paris pour bien manger. Tout comme les touristes qui hésitent de moins en moins à franchir le périphérique pour découvrir autre chose que « Paris ville musée », belle certes, mais plus aussi festive qu’avant. Côté restaurateurs, s’installer en banlieue, c’est échapper à la concurrence féroce de l’intra-muros. S’implanter dans certains territoires de la petite couronne, franchement, cela représente une prise de risque minime. D’autant que la banlieue offre de nouvelles perspectives. On peut imaginer se fournir auprès de producteurs locaux à moins de dix kilomètres de son établissement, voire créer son potager comme je l’expliquais auparavant. Autant d’initiatives qui permettent de prétendre à l’étoile verte décernée par Michelin qui valorise l’écoresponsabilité des restaurants. Mais s’installer en banlieue, c’est aussi, éventuellement, pouvoir créer des chambres comme au Doyenné à Saint-Vrain (Essonne) et donc offrir à sa clientèle une expérience complète.

Les restaurateurs ont-ils changé ?

Je crois que c’est une question de génération. Prenez les grands chefs comme Marx à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ou Ducasse qui investit la Maison du Peuple à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine). Quand ils passent le périphérique, c’est pour y créer… un bouillon ! Ils n’ont pas la même ambition que pour une adresse parisienne. Or on peut imaginer un nivellement par le haut pour la banlieue aussi ! Quant aux chefs dans la quarantaine, qu’ils viennent de banlieue ou non, ils ont en tête l’injonction d’être dans Paris. Un déclic se passe avec la génération suivante, les chefs qui abordent la trentaine et qui eux-mêmes vivent en banlieue.

Avoir des étoilés en banlieue, cela induit aussi que les inspecteurs du Guide s’y aventurent davantage

Depuis cinq ou six ans, il me semble qu’un effort notable est fait en ce sens. Le Guide a compris que, pour survivre, il faut s’adapter. Le rachat du Fooding en 2020 a constitué un jalon important. On verra bien ce qui va se passer le 31 mars prochain, jour de parution du nouveau Guide Rouge !

Infos pratiques : les bonnes adresses d’Aubervilove sont à retrouver sur Instagram

Trois restos étoilés à tester outre-périphérique

L’Ours à Vincennes

On sait les ours parfois mal léchés. Ce que l’on sait moins, c’est le talent qu’ont certains pour vous donner envie de lécher votre assiette jusqu’au bout. Par chance, cette espèce rare ne se trouve pas dans une réserve mais à l’orée du bois de Vincennes. L’Ours est la tanière gastronomique étoilée ouverte par le chef Jacky Ribault à Vincennes (Val-de-Marne). Tapis élégamment élimés, grandes baies vitrées, touches végétales, l’ursidé a le sens de la déco. Il a surtout de la suite dans les idées lorsqu’il s’agit de garnir votre assiette avec des produits qu’il s’efforce de débusquer chez les producteurs franciliens. Chaque jour, le menu est une improvisation : risotto d’anguille, betterave, grué de cacao ; dashi, foie gras de canard, chou de Pontoise… Ce qui ne change pas, c’est la créativité déployée pour vous faire fondre de plaisir. 

Infos pratiques : L’Ours, 10-12, rue de l’Église, Vincennes (94). Ouvert du mardi au samedi. Tarif : à partir de 70 €. Tél. : 01 46 81 50 34. Accès : métro Château de Vincennes (ligne 1), gare de Vincennes (RER  A). Plus d’infos sur loursrestaurant.com

La Table du 11 à Versailles

N’attendez pas d’avoir lu jusqu’au bout pour réserver. Car il vous faudra patienter au moins deux mois avant de dîner à la Table du  11 à Versailles, l’une des adresses du Grand Paris gourmet à découvrir d’urgence. Aux manettes, on trouve un jeune chef trentenaire, Jean-Baptiste Lavergne-Morazzani, qui a fait ses classes chez Gordon Ramsay, le cuisinier star du Trianon, le palace local. Si l’élève n’a pas encore dépassé le maître au nombre d’étoiles Michelin, il en a toutefois décroché une en  2016. Dans les assiettes de la Table du  11, on trouve des produits de saison, de préférence locaux et dressés avec une infinie délicatesse pour un résultat en bouche véritablement bluffant. 

Infos pratiques : La Cour des Senteurs, 8, rue de la Chancellerie, Versailles (78). Ouvert du mardi au dimanche. Menu dégustation à 140 €. Tél. : 09 83 34 76 00 . Accès : gare de Versailles Château Rive Gauche (RER C) et gare de Versailles Chantiers (lignes N, U, V et RER C). Plus d’infos sur latabledu11.com

Le Village Tomohiro à Marly-le-Roi

Remonter à pied la Grande Rue de Marly-le-Roi (Yvelines) depuis le parc constitue déjà en soi un dépaysement. L’impression d’un ailleurs aux accents provençaux. Le voyage se poursuit vers des horizons encore plus lointains à la table du chef étoilé Tomohiro Uido. Dans son restaurant intimiste aux murs rouges, il fait se rencontrer les gastronomies française et nippone, ce qui donne naissance par exemple dans l’assiette à un goï cuôn de homard bleu et son foie gras en terrine. Une belle fabrique à souvenirs gustatifs où il est vivement recommandé de réserver son siège forcément en première.  

Infos pratiques : Le Village Tomohiro, 3, Grande Rue, Marly-le-Roi (Yvelines). Fermé lundi, samedi midi et dimanche soir. A partir de 80 €. Tél. : 01 39 16 28 14. Accès : gare de Marly-le-Roi (ligne L). Plus d’infos sur restaurant-levillage.fr

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