Société
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Soukmachines met son art de la réhabilitation au service des villes

La Halle Papin à Pantin
La Halle Papin à Pantin / © Jean-Fabien Leclanche pour Enlarge Your Paris

Réhabiliter les sites industriels plutôt que les détruire. C'est la philosophie du collectif Soukmachines qui s'apprête à tourner la page de la Halle Papin à Pantin pour trois nouveaux lieux en Seine-Saint-Denis.

Début novembre, le rideau tombait sur la Halle Papin à Pantin (Seine-Saint-Denis). Trois trois ans déjà que cette friche industrielle de plus de 2000 m2 était devenue, sous l’impulsion du collectif Soukmachines, un lieu de création en même temps qu’un temple de la fête. “Trois ans, c’est quand même un bout de vie. On a pu installer un vrai projet d’inclusion territoriale en tissant des liens forts avec les voisins”, raconte Yoann-Till Dimet, fondateur de Soukmachines. Seulement voilà, début 2019, les membres du collectif et la quelque centaine de résidents (artistes, artisans, entrepreneurs…) de la Halle Papin devront plier bagage. Heureusement, Soukmachines a d’autres projets dans les cartons, trois en tout. « Et ces futurs lieux sont fous », promet Yoann.

D’anciens sites industriels et une ex-usine de salaisons 

C’est tout d’abord du côté du canal que va renaître à la fin du printemps la Halle Papin pour une durée de deux ans. Soukmachines en profitera pour prolonger son idylle pantinoise et s’implanter encore un peu plus dans la vie culturelle locale. Le lieu, enfilade de grandes halles industrielles, compte parmi ses atouts un bel espace extérieur qui accueillera une guinguette à la programmation Made in Souk. Pour la partie résidence, il faudra attendre les travaux de mises aux normes pour accueillir la communauté des résidents de la Halle Papin, qui ne restera pas sans toit pour autant.

A moins de vingt minutes à pied de la nouvelle Halle Papin, Soukmachines a en effet trouvé une ancienne usine de salaisons dans la petite commune du Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) suite à un appel à projets de la communauté d’agglomération Est Ensemble. « Ça a été le flash de ma vie, raconte Yoann. Cela peut devenir le lieu de travail le plus fou du Grand Paris dans les années à venir ! » Grands plateaux nus, maisons de fonction, bureaux, vastes chambres froides et toits panoramiques, le site a quelque chose de fascinant, même s’il comporte certaines contraintes à l’image des nombreux espaces aveugles auxquels il faudra inventer des fonctions. L’association se démène actuellement pour rendre praticable les lieux le plus rapidement possible, c’est-à-dire début 2019.

Entre 150 et 200 résidents sont attendus, dont de nombreux Gervaisiens qui cherchaient depuis plusieurs années à ouvrir un espace de travail, de création ainsi qu’un restaurant associatif dans leur commune. « L’idée est d’avoir un équipement de proximité qui répondent aussi à leurs attentes », explique Yoann. Les usines Busso – Souk est en plein brainstorming sur le nouveau nom du lieu – feront la part belle au travail et à la convivialité, en donnant moins dans le festif qu’à la Halle Papin, voisinage oblige. « Une grande partie des résidents de la Halle Papin seront de l’aventure. Mais pas forcément tous. On considère que pour évoluer il faut aussi donner une chance à d’autres. On veut travailler avec des gens qui veulent s’inscrire dans un projet collectif au-delà de la simple location d’espace. » Déjà pas mal d’idées sur la table pour Yoann qui rêve d’explorer des pistes jusqu’alors peu battues par Soukmachines : la production alimentaire, le réemploi et l’insertion professionnelle « en permettant de découvrir les métiers des différents résidents pour créer des vocations ». 

Troisième joyau de la couronne Soukmachines, l’orfèvrerie des usines Christofle, monument industriel à Saint-Denis et qui recevra dès janvier jusqu’à 150 résidents. Une croissance qui n’est pas anodine pour l’association qui entend toutefois « préserver une éthique et une exigence artistique ». « Aujourd’hui on grossit et on est très sollicités. Il va falloir faire gaffe, être stratégiques, ne pas perdre notre âme », détaille Yoann. Une expansion qui traduit la reconnaissance d’un savoir-faire. « C’est la récompense d’un travail. On n’est pas beaucoup à faire ce qu’on fait, ce côté 360°. Des gens s’y retrouvent et même des institutions comme la Ferme du Buisson à Noisiel (Seine-et-Marne) avec qui nous inaugurons une collaboration en 2019 ».

L'usine de salaisons Busso au Pré-Saint-Gervais / © Pauline Demarest
L’usine de salaisons Busso au Pré-Saint-Gervais / © Ville du Pré-Saint-Gervais

Promouvoir les réhabilitations plutôt que les démolitions 

Il s’agit à présent pour Soukmachines de prouver qu’une autre forme de ville est possible en permettant l’émergence de cousins à la Halle Papin. « L’Île-de-France c’est beaucoup d’habitants, il en faudrait plus des Halle Papin ! Aller ailleurs, c’est montrer que l’on peut concevoir la ville autrement ». Le temporaire n’est ici pas une fin en soi. « Un lieu bien bâti, pourquoi le détruire ? On le prouve avec très peu de moyens. Avec plus de temps, on rentabiliserait beaucoup mieux les travaux que l’on entreprend ». Arrêter de détruire pour reconstruire, réhabiliter en collant aux besoin d’un quartier, tel est maître-mot de Soukmachines. « Il y a une valeur du bâti existant qui s’ancre beaucoup plus dans l’imaginaire d’un quartier que des immeubles neufs, aseptisés. On espère à terme que notre démarche va s’installer de manière plus pérenne. L’étape de demain c’est de dire : ne détruisez pas, regardez ce qu’on peut faire avec ce site magnifique, sa mémoire industrielle, sa valeur sentimentale. » Faire du neuf avec du vieux, voilà une belle résolution pour deux mille dix-neuf.

Pour plus d’infos sur les projets de Soukmachines, rendez-vous sur soukmachines.com

La Halle Papin à Pantin / DR
La Halle Papin / © Soukmachines

 

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