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« Le RER B est le plus grand chantier jamais entrepris à Paris »

La gare de Saint-Denis - Stade de France / © Gérard Rolando - Société du Grand Paris
La gare du RER B La Plaine – Stade de France / © Gérard Rolando – Société du Grand Paris (Creative commons – Flickr)

Alors que la modernisation du RER B se poursuit en attendant l'arrivée en 2025 de nouvelles rames, l'historien Clive Lamming, spécialiste ès chemin de fer, revient sur l'histoire de cette ligne dont la construction s'est révélée titanesque.

Quelle est la genèse du RER B ?

Clive Lamming : Le RER B a pour but de sceller la rencontre entre deux mondes qui s’ignoraient, le nord et le sud de Paris. Avant la création de la SNCF en 1938, la circulation des trains est assurée par une myriade de compagnies privées. Au sud, la ligne entre Sceaux et Paris est ouverte en 1891 par la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans. Elle est rapidement prolongée jusqu’à la gare du Luxembourg (6e) et devient très fréquentée par la bourgeoisie qui pouvait ainsi se mettre au vert dans les villages comme Robinson. En 1932, la ligne est cédée à la Ville de Paris qui va en faire une sorte de métro avec des rames plus larges que celles du métro souterrain et qui seront électrifiées à partir de 1937.  

Pourquoi la ligne s’arrête-t-elle à Luxembourg ?

Il faut savoir que la pente du boulevard Saint-Michel constitue un défi technique majeur. Le dénivelé est de 40 pour mille (5%, Ndlr), ce qui pour une ligne de chemin de fer est énorme vu la puissance nécessaire pour faire circuler un train. C’est encore plus vertigineux que certaines lignes de montagne en Suisse.

Finalement, le prolongement jusqu’à Châtelet-Les Halles s’effectue en 1977 et donne naissance au RER B…

L’astuce aura été de raccorder des bouts de ligne existantes. Le chantier qui a permis la création du RER B est tout simplement le plus grand chantier jamais entrepris dans Paris. Outre le prolongement de la ligne de Sceaux jusqu’aux Halles, on accomplit un travail titanesque pour relier Châtelet à la Gare du Nord.

Travaux de modernisation sur les voies du RER B à proximité de l'aéroport de Roissy - Charles de Gaulle / © Sylvain Cambon
Travaux de modernisation sur les voies du RER B à proximité de l’aéroport de Roissy – Charles de Gaulle / © Sylvain Cambon

Pourquoi ce chantier entre Châtelet et Gare du Nord fut à ce point compliqué ?

C’est un tracé long de 2500 mètres mais qui compte seulement 600 mètres d’alignement, c’est-à-dire de ligne droite. Tout le reste est fait de courbes et de contre-courbes en raison de la nature et de l’encombrement du sous-sol. Il faut se frayer un chemin entre le métro, le gaz et les anciennes carrières et composer avec une géologie désastreuse. 

En comparaison, est-ce un chantier plus difficile à mener que le tunnel sous la Manche ?

Le niveau de complexité du chantier du RER B est nettement supérieur au tunnel sous la Manche, qui forme une ligne droite sur 50km. Les tunnels du RER B sont creusés jusqu’à des profondeurs pouvant atteindre 20 mètres. Ce sont des travaux herculéens. Aujourd’hui, avec le prolongement du RER E de Saint-Lazare jusqu’à Mantes-la-Jolie, on est en train de renouer avec ce degré de complexité. Cela implique notamment de scier les piliers de certaines tours du quartier de La Défense pour y construire une nouvelle gare. Finalement, ce n’est pas tellement de faire des lignes dans l’Himalaya qui représente la plus grande difficulté. L’exploit est plutôt sous nos pieds, dans le sous-sol parisien.  

Cet article a été réalisé en partenariat avec SNCF Réseau

L’histoire du RER B Nord : Si l’ancêtre du RER B Sud est incarné par la ligne Paris-Sceaux inaugurée en 1846, les origines du RER B Nord remontent quant à elle à la création de la ligne Paris-Soissons, mise en service progressivement à partir de 1860. Avec la création de la gare souterraine de la Gare du Nord, la jonction entre les deux tronçons s’effectue en 1983. Une ligne qui inspira l’écrivain François Maspero à qui l’on doit Les passagers du Roissy Express (Ed. Seuil), carnet de voyage publié en 1990 avec la photographe Anaïk Frantz et qui relate leur excursion d’un mois de gare en gare de Roissy jusqu’à Saint-Rémy-lès-Chevreuse.

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