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Quel sens donner à la « grand-parisation » ?

Le panorama depuis la terrasse de la Lanterne dans le parc de Saint-Cloud / © Jérômine Derigny pour Enlarge your Paris
Le panorama sur le Grand Paris depuis la terrasse de la Lanterne dans le parc de Saint-Cloud / © Jérômine Derigny pour Enlarge your Paris

Dans son livre « Les Parisiens : une obsession française » paru en 2021, Olivier Razemon questionnait le sens de la concentration des pouvoirs économique, politique et culturel en région parisienne. Une réflexion toujours d'actualité – puisqu'elle aborde notamment la qualité de vie des Grand-Parisiens – dont s'est emparé pour Enlarge your Paris le porte-parole du Collectif Vélo Île-de-France Stein van Oosteren.

Stein van Oosteren, porte-parole du Collectif Vélo Île-de-France

En ouvrant le livre Les Parisiens, une obsession française, j’espérais rire des Parisiens. Je n’ai pas été déçu. L’auteur et journaliste au Monde Olivier Razemon décrit l’image du Parisien avec autant d’humour que de précision : « un snob en costume trois-pièces qui croit tout savoir, une jeune femme vêtue de rouge de la tête aux pieds, qui n’aime ni cuisiner ni tricoter et rêve de devenir actrice, ou un enfant malingre incapable de distinguer une vache d’un cheval ». Mais le vrai sujet du livre est beaucoup plus vaste : il tente de décrire les 12 millions de Grand-Parisiens qui habitent l’Île-de-France. Qui sont-ils ? Quelle vie mènent-ils ?

Autant l’image du Parisien crispe ou fait rire, autant celle du banlieusard – le Grand-Parisien – vous endort. Il vit, dira-t-on, une vie tranquille et vaguement ennuyeuse dans « un ensemble anarchique de RER bondés, autoroutes bouchées, échangeurs inextricables, parkings complets, zones industrielles et commerciales à perte de vue, transformateurs électriques, pavillons étalés à l’infini, grands ensembles où vivent des familles démunies, des malfrats de petit calibre, voire des individus fichés S ». Pourquoi cette terrible image du Grand Paris ?

Dans son livre, Olivier Razemon décide de prendre le taureau par les cornes et d’en dénoncer la cause : la concentration incontrôlée de la population et des activités en Île-de-France. C’est elle qui augmente les prix des logements, les inégalités, la surchauffe urbaine, la congestion et la souffrance endurée dans ce qu’on appelle les transports. Le Francilien – ou Grand-Parisien – perd pas moins de 163 heures par an en moyenne dans les bouchons, soit plus de quatre semaines de vie.

« Mais pourquoi donc continuer à entasser autant de monde à Paris et en Île-de-France ? »

Cette concentration n’existait pas avant le XVIIe siècle. La cour du roi était alors itinérante. C’est Louis XIV, à qui l’on attribue la formule « L’État, c’est moi », qui a installé le pouvoir à Paris. La « grand-parisation », elle, a débuté en 2007 avec Nicolas Sarkozy, qui décide alors que la métropole doit construire les tours les plus hautes, attirer les meilleurs chercheurs du monde et se densifier.

Mais pourquoi donc continuer à entasser autant de monde à Paris et en Île-de-France ? Quel est l’intérêt de financer l’installation d’une entreprise en région parisienne si l’on n’a pas de logements disponibles alors qu’il en existe ailleurs ? Une répartition plus équilibrée des activités sur le territoire est possible. En Allemagne, les sièges des 100 plus grandes sociétés sont réparties dans tout le pays. En France, on a tout juste déménagé le siège de Météo France à Toulouse en 1992. Et ce fut une réussite : parmi les 500 employés, seulement 10 sont revenus.

En s’appuyant sur des exemples percutants, Olivier Razemon développe son plaidoyer en faveur d’un Grand Paris maîtrisé, équilibré, et réellement attractif pour les millions de personnes qui y habitent et y travaillent. Aujourd’hui, l’attractivité de la région-capitale ne peut plus, selon lui, se baser sur une croissance du transport aérien, de la construction et du tourisme. Pour lui, il est temps d’arrêter de gouverner le Grand Paris en fonction des classements internationaux et « selon les besoins d’un cadre supérieur chinois ou d’un touriste brésilien ».

« Le but du livre n’est pourtant pas d’assommer le lecteur avec le scénario d’une cocotte-minute qui va exploser, mais de lui donner envie de participer à faire retomber la pression »

Le but du livre n’est pourtant pas d’assommer le lecteur avec le scénario d’une cocotte-minute qui va exploser, mais de lui donner envie de participer à faire retomber la pression. À commencer par la rue. Pour être heureux dans une région surpeuplée, le Grand-Parisien a besoin d’un espace public suffisamment agréable pour remplacer l’espace privé qui lui manque. C’est-à-dire un espace aménagé, non pas pour davantage de fluidité motorisée, mais au contraire pour une meilleure qualité de vie des humains qui l’utilisent.

Une région équilibrée suppose de meilleures liaisons avec les grands parcs naturels dont elle dispose (quatre au total), et plus de plages de baignade. Ainsi qu’une répartition des emplois plus fine au lieu de quelques grands pôles d’activités où 70 % de la population doit converger péniblement.

Pour stimuler l’imagination, Olivier Razemon nous suggère quelques initiatives pour partir à la découverte du Grand Paris comme le sentier métropolitain – un itinéraire reliant 150 communes –, les balades de l’association À travers Paris, et Enlarge your Paris, média qui redessine l’image que l’on a de la région parisienne.

L’intention d’Olivier Razemon n’est pas de dénigrer le concept du Grand Paris, mais d’en décrypter toute sa portée pour amener les Grand-Parisiens à s’intéresser à leur région, à son histoire, à sa géographie et à son avenir. « Dans un territoire urbain abîmé, en mal d’identité commune, écrit Olivier Razemon, un tel engouement autour d’un objectif partagé est un bien précieux ».

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