Société
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Pic de pollution : Quatre mauvaises nouvelles et quelques bonnes

Alors que l'épisode de pollution perdure à Paris, la voiture se trouve sur le banc des accusés. Pour endosser le rôle du procureur, nous avons fait appel au sociologue Bruno Marzloff, grand spécialiste des questions de mobilité.

La pollution à Paris / © Walid Berrissoul - Twitter

«Touche pas à ma voiture !». Eh bien si, repensons la voiture en ville. L’intensité de l’actuel pic de pollution est la première mauvaise nouvelle. Elle annonce d’autres épisodes plus fréquents, plus intenses à venir. Le délai de mise en œuvre de la circulation alternée est la seconde ; preuve que la sensibilité à ces sujets n’est pas partagée par tous. La dimension contingente et la faible efficacité de la réponse est la troisième. Ne nous leurrons pas. Il ne s’agit pas de négocier le passage d’un anticyclone persistant pour retrouver benoîtement son auto, mais d’ouvrir les yeux sur le fiasco d’une agglomération dépendante de la voiture.

Certes, Paris n’est ni Djakarta, ni Sao Paulo, ni Pékin ni Lagos, où ces questions sont encore plus dramatiques. Il reste qu’une ville cernée par la voiture est mortifère. Ses résidents permanents et temporaires sont étouffés. Donc la quatrième mauvaise nouvelle est à venir, c’est la réduction drastique du parc automobile particulier. Nous n’y échapperons pas. Mauvaise nouvelle pour certains, bonne pour d’autres. C’est selon.

Périphérique / DR

La Mairie de Paris a enclenché des mesures coercitives depuis le premier mandat de Bertrand Delanoë : voies de bus, réduction du stationnement, piétonnisation de la berge rive gauche. Anne Hidalgo persévère : réduction de l’âge des automobiles en circulation, piétonnisation de la berge rive droite, nouveau dispositif basé sur un système de vignettes à partir de janvier 2017.

Cela ne suffit pas ; la preuve ! Paris est la capitale où l’on respire le moins bien après Bucarest en Europe (Source Statista). La responsabilité automobile est moins du côté des Parisiens – ils sont moins de 1/10 à conduire leur voiture au quotidien – que des visiteurs qui ont sans doute d’excellentes raisons de venir en voiture. Mais ce n’est plus possible. Les transports motorisés représentent 1/4 des émissions carbone. C’est le seul grand secteur industriel qui accroît ses émissions nocives. Ce n’est définitivement plus soutenable. Donc, pour satisfaire les objectifs que nous nous sommes donnés de réduction d’émissions carbone dans le cadre de la COP21, nous n’avons que le choix de contraintes. C’est impopulaire, certes. C’est impérieux, évidemment. N’oublions pas que les bénéfices seront au bout du compte.

 

La pollution à Paris / DR

Sourions quand même. Il existe des alternatives à foison. La ville d’Helsinki envisage d’éliminer la pratique automobile particulière à l’horizon de 2025. Elle la remplacera par une plateforme globale des ressources de mobilité de la cité. La ville d’Oslo compte y parvenir dès 2019 en essaimant des hubs de transport dans la ville, combinant les offres multiples. Le maire de Brême disait récemment à Paris que le système de transport intégrant toutes les variantes possibles – du vélo à la marche, des transports publics à la voiture en partage et à la trottinette – permettrait de réduire de 97% le parc automobile de sa ville. Sans compter que certains peuvent parfois s’éviter des déplacements et travailler ailleurs ; 30% des actifs ont l’occasion de travailler à distance, un chiffre en augmentation de 50% en deux ans selon l’Observatoire des mobilités émergente Chronos/Obsoco. Sans oublier que le vélo fait des prodiges sur des distances non négligeables et que la marche est en progrès fulgurant. Chacun aura sans doute une bonne raison de râler, mais on peut et il faudra bien faire autrement si nous voulons sauver nos vies et nos villes. Alors qu’attendons-nous ?