« Creusoise d’origine, longtemps parisienne, je suis aujourd’hui Séquano-dyonisienne (habitante du 9-3, Ndlr). Je ne me lasse pas d’interroger les paysages, en particulier le canal de l’Ourcq qui raconte à sa manière la métamorphose de la banlieue. J’aime aussi photographier les visages des habitants du 93 avec qui la parole se libère vite. Je n’hésite pas à les accoster au hasard des mes déambulations. Les histoires que je récolte sont souvent riches. Je suis loin d’être la seule à mener ce type de démarche. Les territoires de la banlieue représentent une passionnante et intarissable source d’inspiration. Les artistes, en particulier les photographes et vidéastes, sont nombreux à porter un regard curieux sur les contrastes du 93. Un travail de fond est fait. Peut-être est-il encore trop souterrain, mais il se fait. Et par des artistes qui ont la particularité d’être tous, d’une manière ou d’une autre, des artistes engagés ou plutôt des artistes-citoyens. »
« Les artistes que je côtoie et ceux que j’interviewe parfois pour le blog que je tiens dans Liberation.fr disent tous combien c’est stimulant de créer en Seine-Saint-Denis. Au niveau local, les portes s’ouvrent plus facilement qu’à Paris, les initiatives sont soutenues. Des partenariats se nouent grâce à l’intense vie associative. J’entame pour ma part cette année un travail avec la Halle Papin (lieu alternatif de la vie culturelle pantinoise) sur les femmes dans le quartier des Quatre-Chemins. J’ai également un autre projet en cours avec une école de Noisy-Le-Grand sur la vision des enfants sur leur environnement architectural. Ces initiatives ne nourrissent pas son homme, et c’est regrettable. Mais l’imaginaire artistique est repu ! Il est bien sûr dommage que ce type de projets ne soient pas plus visibles au niveau national, plus connus du grand public, et surtout plus soutenus par les institutions nationales. Mais foin de pessimisme. L’organisation en 2017 du Mois de la photo du Grand Paris, événement phare de la photographie, est un signe encourageant. Il a permis de lever le voile sur le travail souvent passionnant des photographes de la banlieue. Et le grand public s’est déplacé. »
« Pour avoir interviewé de nombreux habitants de la Seine-Saint-Denis, je sais que l’attachement au 93 est particulièrement fort. Au cours de mes échappées le long du canal de l’Ourcq, je discute avec des promeneurs qui disent leur attachement aux villes traversées, Bobigny, Bondy, Aulnay-sous-Bois… Je suis toujours surprise de constater la force de ce lien qui se nourrit d’amour et aussi de haine, mais comme pour toutes les histoires d’amour. Si la disparition annoncée du département devait se confirmer, cela ne se ferait en tout cas certainement pas sans vague. Et les artistes, j’en suis sûre, s’exprimeront. »
Les reportages de Flore d’Arfeuille sont à suivre sur son blog Neuf+Trois dans Liberation.fr
A lire : Un oeil sur la banlieue avec la photographe Jérômine Derigny
24 mai 2018