Le contexte
« Un mouvement global de multiplication de l’offre de transport »
Léa Marzloff, directrice adjointe de Chronos, cabinet d’études sociologiques et de conseil en innovation
« Les résultats du troisième Observatoire des mobilités émergentes publiés en novembre dernier montrent que 10% des Européens interrogés disent avoir pratiqué la glisse urbaine (trottinettes, skates, monoroues, etc.) au cours de ces 12 derniers mois. Ce taux de pénétration encore faible est en progression constante depuis 2014 et les sondés confient leur souhait d’y avoir recours davantage à l’avenir. Ceci s’inscrit dans un mouvement global de multiplication de l’offre de transport et de services. La SNCF expérimente avec Knot son premier service de trottinettes en libre-service à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). De son côté, La Défense (Hauts-de-Seine) a lancé un appel à projets sur les nouvelles glisses urbaines afin d’améliorer la circulation dans le quartier. Ces modes de déplacement sont susceptibles également d’intéresser le périurbain où les situations de mobilité peuvent être critiques. Ces territoires auraient tout intérêt à se regrouper pour identifier des défis et les proposer aux startups ».
« Utiliser son smartphone pour se déplacer est devenu un réflexe »
Stéphane Schultz, fondateur de 15 marches, cabinet de conseil en stratégie
« Le sujet de fond, c’est l’arrivée des startups dans la mobilité avec des modes opératoires calqués sur ceux d’Uber. Depuis 2011, pour chaque nouvelle ville, Uber déploie son service sans concertation préalable avec les autorités locales ou les acteurs du secteur comme les taxis. Pour ces derniers, ceci est extrêmement perturbant (…) Aujourd’hui, utiliser son smartphone pour se déplacer et accéder à des services de mobilité est devenu un réflexe pour beaucoup de citadins. Les vélos et les trottinettes en libre-service ont ainsi su tirer profit d’un marché déjà bien balisé pour se développer rapidement. Un autre facteur dont on ne parle est la météo. Il a fait extrêmement beau dans beaucoup de pays de l’hémisphère Nord ces derniers mois, ce qui a constitué un contexte extrêmement favorable. Enfin il y aussi l’arrivée de matériels abordables. Alors que depuis la création du Segway au début des années 2000 il ne s’en est vendu que 100.000 exemplaires, ce sont plus d’un million de trottinettes électriques qui ont été écoulées en un an par Ninebot Segway, née du rachat de Segway par la société chinoise Ninebot ».
« Le trop de voitures en ville n’est pas satisfaisant »
Dominique Riou, ingénieur transport à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France
« Le trop de voitures en ville n’est pas satisfaisant et nuit aux autres modes de déplacements. Il les empêche de prendre leur place. Il faut parvenir à un rééquilibrage. Le code de la route, adopté dans les années 1920, incarne une approche centrée sur la voiture. Il s’agissait de permettre à la performance moderne, l’automobile, de se déployer. Or on peut retrouver de la fluidité en ville par la baisse des vitesses. La circulation ce n’est pas qu’une histoire de tuyaux mais aussi de robinet. La plupart du temps, lorsqu’il y a un embouteillage, c’est le robinet qui ne fonctionne pas, ce n’est pas la taille du tuyau« .
Les pistes d’évolution
« Ralentir la vitesse est essentiel »
Stéphane Schultz, fondateur de 15 marches, cabinet de conseil en stratégie
« Ralentir la vitesse est essentiel car le problème n’est pas la cohabitation des modes de transport mais la cohabitation des vitesses. Il faut donc ralentir la route. Dès le moment où l’on roule à 20 km/h, les études montrent que l’on n’a pas besoin de séparer spatialement les modes de transport car on peut s’arrêter net (…) La Ville de Paris autorise déjà les deux-roues motorisés à se garer gratuitement sur les places de stationnement. La logique voudrait que les trottinettes puissent y être autorisées aussi. C’est le sens de l’histoire car il faut clairement les enlever des trottoirs déjà très encombrés ».
« Il faut passer du code de la route au code de la rue »
Anne Faure, urbaniste et présidente de l’association Rue de l’avenir
« Il faut passer du code de la route au code de la rue car les piétons sont les grands oubliés de la circulation. Il s’agit notamment d’obtenir une définition officielle du trottoir, qui n’existe pas dans le code de la route, et de baisser la vitesse maximale en ville à 30km/h, ce qui permettrait à tous les modes de transport de cohabiter sur la chaussée. Encore reste-t-il à faire entendre la parole des piétons qui malheureusement porte peu ».
Et demain ?
« Les problèmes qui attendent les utilisateurs de trottinettes électriques me paraissent plus importants que ceux qu’ils pourraient causer »
« Les trottinettes et les vélos en libre-service sont encore plus adaptés à la ville dense que le métro »
Stéphane Schultz, fondateur de 15 marches, cabinet de conseil en stratégie
« Il faut voir les trottinettes et les vélos en libre-service comme des véhicules précurseurs dans des villes qui doivent maintenant leur faire de la place. Je suis convaincu que ces modes sont encore plus adaptés à la ville dense que le métro car ils permettent d’aller là où l’on veut. Nous sommes ici dans la personnalisation du mass transit rendu possible par le numérique ».
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4 décembre 2018