Rappelez-vous ce voisin qui partait en week-end à vélo, sa sacoche sur le porte-bagage. Ou ce cousin éloigné qui faisait du camping à moins d’une heure de chez lui. Ringards ? Plutôt précurseurs. Deux ans de crise sanitaire ont fait émerger une certitude : voyager près de chez soi, c’est hype. La preuve : à l’été 2020 comme à l’été 2021, la fréquentation touristique française a été plébiscitée partout par les Français eux-mêmes, qui ont fait de leur région leur terrain de jeu.
À la question « Qu’est-ce que le tourisme de proximité ? », les définitions varient selon les interlocuteurs : un voyage dans un rayon de 500 km autour de chez soi, une destination à une ou deux heures de train ou de voiture, voire un art de vivre… Mais un élément leur est commun : le voyage local commence dès qu’on met un pied hors de chez soi. Et pas besoin d’un bagage en soute de 23 kilos pour expérimenter le frisson de l’aventure.
Envie de pratiquer l’escalade ou d’expérimenter le chien de traîneau ? Quelques arrêts de Transilien et voici la forêt de Fontainebleau (Seine-et-Marne). Plutôt kayak ou rando ? Le plus dur sera de choisir entre le Vexin français (Yvelines / Val-d’Oise) et la Haute Vallée de Chevreuse (Yvelines / Essonne). Car telles sont les attentes des (Grand) Parisiens qui sillonnent l’Île-de-France durant leurs week-ends et leurs vacances : des expériences hors des sentiers battus, en pleine nature, pour s’extraire de l’agitation quotidienne.
L’engouement pour les sorties nature
Depuis deux ans, l’offre s’est largement structurée. Chez les précurseurs, déjà sur le marché avant le Covid, on retrouve Staycation, qui promet 24 heures d’évasion et de détente à prix réduits dans des hôtels de luxe à côté de chez soi.
Mais ce sont les mises au vert qui ont le vent en poupe ces derniers mois. En témoigne le succès grandissant de la newsletter Les Escampettes, créée par la journaliste Anaïs Lerma entre deux confinements. Chaque semaine, cette Parisienne amoureuse des escapades ici et ailleurs partage ses bons plans pour prendre l’air à moins de deux heures de la capitale. « Les Parisiens n’avaient pas du tout cette habitude du voyage local, contrairement aux Bordelais qui parcourent souvent leur région. Aujourd’hui, je reçois de plus en plus de demandes pour des gîtes où se retrouver en fin d’année, des hébergements accessibles en transports en commun le temps d’un week-end ensoleillé. »
Les hôteliers l’ont d’ailleurs bien compris : près du château de Fontainebleau (Seine-et-Marne), l’hôtel Mercure n’est plus un simple hôtel mais une « demeure de campagne ». « C’est l’équivalent du club all inclusive version locale. Une conciergerie s’occupe de planifier le voyage en fonction de vos envies : calèche dans les jardins de Fontainebleau, location de vélos, cours de cuisine… Et tout est compris dans le prix », détaille la fondatrice des Escampettes.
Une escapade chic et rustique en pleine forêt de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) ou un break champêtre à Villiers-le-Mahieu (Yvelines), c’est aussi le credo des Maisons de Campagne. « Les Parisiens cherchent des expériences à vivre en famille, mais aussi à deux. On trouve dans ces hébergements des services de gardes d’enfants, des activités adaptées pour eux. Tout est fait pour inciter à la détente », assurent les propriétaires.
L’éloge de la lenteur
Derrière cette tendance, il y a l’urgence de ralentir. C’est la principale motivation de Samuela Burzio, cofondatrice de l’association Once Upon A Train (OUAT). Tout un art de voyager, pour cette amoureuse du train passée par la SNCF dans une ancienne vie professionnelle. « Originellement, on voulait promouvoir le voyage longue distance en train. On a transformé le projet en raison de la pandémie », explique cette Italienne installée à Paris. « Un ami qui était à Tokyo en 2019 m’a proposé de venir pour les Jeux olympiques. Mais ma conscience écologique m’empêchait de prendre l’avion. Je me suis mise à réfléchir à un itinéraire en train jusqu’à Tokyo via le Transsibérien. Once Upon A Train est né à ce moment-là. » Le projet avorte en raison de la crise sanitaire mondiale. « C’est là qu’on s’est demandé ce qu’on pouvait trouver près de chez nous. »
L’association va se transformer en porte-parole et facilitatrice du voyage en train. « On propose des « OUAT-box » : des séjours qui combinent les billets de train et une expérience artistique ou culturelle, la découverte d’un terroir ou d’une ville. »
Les aventuriers du dimanche (et plus si affinités)
L’offre touristique locale se structure aussi autour de la notion d’aventure. Après avoir lancé sa newsletter 2 jours pour vivre, Amélie Deloffre ouvre une école de la microaventure en 2021. « Je voulais montrer ce qu’on pouvait faire en deux jours, à vélo ou à pied, au départ de Paris. » Pour l’ancienne communicante devenue experte en ingénierie touristique, « l’aventure est un art de vivre ». C’est aussi « un levier pour engager la transition touristique en s’appuyant sur un concept attractif et non sur l’injonction d’arrêter de prendre l’avion ».
Dans son école de la micro-aventure, on apprend donc à « réenchanter ses week-ends et ses vacances » grâce à des rencontres et des ateliers. Avec l’objectif de repartir en ayant créé sa propre microaventure autour de Paris. Amélie Deloffre recommande d’ailleurs d’emprunter le GR2 entre Mantes-la-Jolie (Yvelines) et Vernon (Eure) pour s’en mettre plein les yeux.
La surprise est déterminante pour un voyage local réussi. C’est ce qui a motivé Mathilde Léger à lancer SlowBreak, agence spécialiste des week-ends mystère en France et en train. Pour les Franciliens en quête d’évasion et de frissons, elle conçoit des escapades de deux jours et une nuit qui tiennent compte de la gare de départ. La destination n’est dévoilée qu’à 8 heures le samedi matin : passe Navigo à la main, vous voilà partis sur les traces de Van Gogh à Auvers-sur-Oise (Val-d’Oise), à bord d’un kayak à Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne) ou en visite dans les rues de Marly-le-Roi (Yvelines).
Rendez-vous en terre insolite
Faire en sorte que ses clients se laissent guider les yeux fermés, c’est la mission de Marlène Arrignon, la fondatrice de l’agence de voyages du même nom. « Je voulais permettre à mes clients d’être surpris par la richesse de ce qu’il y a près de chez eux, y compris dans l’Oise, dans l’Eure, dans l’Indre… Mon objectif est de provoquer la fameuse phrase « Mais je ne savais pas que c’était là, cet endroit ! » », s’enthousiasme-t-elle.
Pour ses clients franciliens, elle propose de découvrir Provins (Seine-et-Marne) et les expériences insolites de sa région : une visite au musée de la Vie d’autrefois ou un dîner médiéval avec hydromel et troubadour. Ou bien de pousser jusqu’à Reims pour ses beautés naturelles (et pas juste pour le champagne). Le tout durant un séjour d’un à trois jours, hébergement et activités inclus. « Certains voyageurs auront toujours envie d’exotisme lointain et rêveront de découvrir la Terre de Feu en Argentine ou la Polynésie française. Mais beaucoup veulent avant tout être acteurs de leur voyage, expérimenter, se reconnecter à la terre. Et ça, on peut le faire dans le Vexin ou le Gâtinais ! » De quoi faire le plein d’anecdotes à raconter devant la machine à café le lundi.
Infos pratiques : conférence « Voyager local, une autre façon de faire du tourisme » le jeudi 9 juin à 19 h au MAIF Social Club, 37, rue de Turenne, Paris (3e). Inscription gratuite sur maifsocialclub.fr
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20 mai 2022