« L’emballement pour les trottinettes va s’essouffler »

Des trottinettes en libre-service à Paris / © Patrick Janicek (Creative commons / Flickr)

Dimanche dernier, les Parisiens se sont exprimés au cours d’une « votation » pour ou contre les trottinettes électriques en libre-service dans la capitale. Ils ont voté contre à 89,03 %. 7,5 % d’électeurs se sont mobilisés. Ces chiffres vous étonnent-ils ?

Frédéric Héran : C’est effectivement la première fois que les Parisiens sont consultés de cette façon. On peut donc estimer qu’ils n’en n’ont pas trop l’habitude. Par ailleurs, il faut regarder qui s’est déplacé pour cette consultation. Je suis moi-même allé voter et, dans la file d’attente, j’ai plutôt observé des personnes âgées, effrayées par ces trottinettes qui les frôlent.

Pour autant, ce vote massif en faveur du non ne signifie pas la fin des trottinettes dans Paris puisque le vote ne concernait que les trottinettes en libre-service. Les particuliers propriétaires de ce type d’engin pourront donc continuer à rouler dans la capitale…

Effectivement. Néanmoins, on a déjà pu constater des différences d’usages entre les propriétaires et les locataires d’une trottinette. Quand c’est votre engin, vous vous sentez plus responsable, vous adoptez une conduite plus prudente. Par ailleurs, si vous regardez la dernière génération de véhicules développée par Lime (l’une des sociétés de location, NDLR), il s’agit de vrais tanks de 22,5 kg. Se faire percuter par eux n’est pas anodin…

Mercredi 29 mars, Clément Beaune, le ministre délégué aux Transports, a également annoncé vouloir relever l’âge d’usage de la trottinette de 12 à 14 ans…

En effet, c’est l’âge de 12 ans qui avait été retenu en France pour être autorisé à utiliser une trottinette électrique alors que chez nos voisins européens, c’est plutôt 14 ou 16 ans, voire 18. Sur ce sujet, la France a été laxiste, tout comme sur l’utilisation du vélomoteur qui est autorisée dans l’Hexagone à partir de 14 ans. Il est irresponsable de laisser des jeunes utiliser de tels engins à des âges si bas.

En même temps, le succès de la trottinette électrique ne montre-t-il pas qu’on manque d’un moyen de se déplacer à deux dans la ville ?

Il existe déjà des transports urbains intermédiaires entre le vélo et la voiture qui le permettent. Bien évidemment, il y a le tandem, mais pas seulement. L’Ademe a relevé les efforts d’innovation qui existaient en la matière. On voit d’ailleurs déjà certains de ces véhicules sur les chemins de randonnée. Pour autant, la France ne s’est pas encore vraiment saisie du sujet. À l’heure actuelle, nous sommes surtout matraqués par les publicités pour les SUV et on n’imagine pas la créativité du secteur des véhicules intermédiaires.

Quelle place envisagez-vous à l’avenir pour la trottinette à Paris ?

On ne s’en souvient pas forcément mais, au début des années 2000, il y avait déjà eu une vague d’engouement pour la trottinette. Le soufflé était retombé en raison de l’insécurité et de l’inconfort de ce mode de déplacement. Je pense que, une nouvelle fois, l’emballement va s’essouffler. En 2021, j’ai calculé qu’il y avait trois fois moins de blessés graves et de morts à trottinette qu’à vélo. Mais il y a aussi 10 fois moins d’utilisateurs de trottinette que de cyclistes. La trottinette est donc trois fois plus dangereuse que le vélo. Autre chiffre : en 2022, en France, 759 000 trottinettes ont été vendues contre 908 000 en 2021. Les ventes ont donc diminué. Et cette baisse pourrait bien se poursuivre. Pour l’instant, je suis un peu le seul à penser ainsi. Mais j’ai pour moi la mémoire de ce qui s’est passé au début des années 2000.

Infos pratiques : à lire la tribune de Frédéric Héran dans The Conversation « Trottinettes en libre-service, pourquoi elles posent de nombreux problèmes »