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Le confinement vu depuis un squat solidaire

La friche du Landy sauvage à Saint-Denis / © Mona Prudhomme pour Enlarge your Paris
La friche du Landy sauvage à Saint-Denis en octobre 2019 / © Mona Prudhomme pour Enlarge your Paris

Installé depuis deux ans dans les anciens entrepôts de réparation des Vélib' à Saint-Denis, le squat du Landy sauvage est un lieu d'habitation, de création et de travail, mais aussi de solidarité. Depuis le début du confinement, sa cuisine solidaire tourne à plein régime. Nous nous sommes entretenus avec Léa Vasa, l'une des habitantes

Comment ça se passe, le confinement dans un squat ?

Léa Vasa, habitante du Landy Sauvage : C’est assez particulier : nous sommes confinés à cinquante ! Il y a même quelques enfants à qui nous donnons des cours de maternelle, activités périscolaires comprises. On ne voit pas le temps passer, on s’entraide, et comme nous avons de nombreuses compétences en interne, on fait le plus de choses possibles en autonomie. On se sent privilégiés, par rapport à tous ceux qui vivent confinés seuls, isolés, retranchés. Sans parler de ceux qui manquent de tout. Du coup, nous cherchons à être encore plus utiles que d’habitude. Avant le confinement, plusieurs associations du Landy sauvage, comme Utopia56 et Entraides citoyennes, distribuaient des repas chauds cuisinés dans la cuisine collective, des vêtements et du matériel humanitaire à environ mille personnes par semaine. Les bénévoles ont dû doubler la fréquence des distributions et les besoins ne cessent d’augmenter. Travailleurs et familles précaires de Paris et de Seine-Saint-Denis, habitants des camps, personnes à la rue, sont davantage atteints par le confinement. La situation sociale se dégrade très vite. 

Comment faites-vous pour continuer d’assurer les distributions de repas dans le contexte actuel ? 

Un couturier du squat a fabriqué des masques, les collectifs ont pu acheter des gants et du gel hydroalcoolique, et la coopérative Pointcarré, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), a fourni des visières de protection fabriquées à partir d’une imprimante 3D. Tout ceci a permis de reprendre très vite l’aide alimentaire, malgré la perte de filières classiques de récupération : les restaurants et la collecte en bout de caisse dans les supermarchés. Du coup, on récupère plus d’invendus de supermarchés, notamment avec l’aide de l’association Amelior. Par ailleurs, on profite de nos commandes alimentaires auprès d’une coopérative de grossistes, où l’on achète de la nourriture bio, française et de qualité, pour proposer aux acheteurs de donner 5% de leur commande pour les distributions alimentaires. C’est important que les gens puissent aussi avoir accès à des produits sains. Peut-être qu’après le confinement cette pratique d’achat coopératif prendra de l’ampleur dans le quartier.

Comment peut-on vous aider dans cette démarche solidaire ?

Nous n’avons pas besoin d’argent, pour le moment en tout cas, notamment grâce à l’entraide qui existe déjà entre nous et avec tous nos partenaires et amis.  Nous arrivons à récupérer tout ce dont nous avons besoin pour nous nourrir. Par contre, les dons à la cuisine solidaire sont toujours les bienvenus. De manière plus générale, il est toujours pertinent de se mobiliser en faveur des initiatives locales, notamment en interpellant les élus.

Vous ne serez pas délogés après le confinement ?

Nous ne pensons pas être délogés tout de suite. Les travaux de démolition ne doivent pas commencer avant trois ou quatre ans, et les relations avec la mairie de Saint-Denis et la communauté d’agglomération Plaine commune sont bonnes. Nous avons même fait une première visite technique avec la foncière propriétaire du terrain pour améliorer les conditions d’accueil du public, notamment en termes de sécurité et de protection incendie. Notre bâtiment se trouve dans l’enceinte de la ZAC de Saint-Denis-Pleyel, face au futur « La Défense du 93 », à 200 mètres de la plus grande gare du réseau du Grand Paris Express [où passeront les lignes 14, 15 et 16, Ndlr] et à moins d’un kilomètre du village olympique. Si j’étais une élue locale, je jouerais clairement la carte d’un lieu alternatif de qualité.

Vous souhaitez jouer le rôle d’équipement culturel local ?

Nous le sommes déjà ! Outre le lieu de vie pour les dizaines d’habitants et habitantes du squat’, la cuisine associative et les locaux de stockage de matériel humanitaire, nous avons aménagé une salle de sport couverte, deux salles de spectacle bien équipées, un atelier d’arts plastiques qui accueille une dizaine d’artistes et des espaces de répétition. On a même plusieurs demandes d’artistes extérieurs qui veulent venir tourner des spectacles qui seront diffusés en ligne.Le squat abrite également une ressourcerie où il est possible de s’habiller gratuitement, un atelier pour travailler le bois et le métal, une boulangerie d’insertion, un potager, un atelier de réparation de vélos – très utile pour le déconfinement -,  des salles de réunion et un café. Tous ces espaces fonctionnent sur la base du « prix libre ». On contribue comme on peut ou comme on veut.

C’est quoi l’esprit d’un squat ?

C’est vivre de manière solidaire et autonome, avec des règles collectives qu’on détermine par consensus – même si ce n’est pas toujours facile – et en se passant le plus possible d’argent. Avec le confinement et la crise sociale, économique et écologique qui se profile, ce modèle de vie devient de plus en plus compréhensible et il y aura des batailles à mener, sur les expulsions, la situation des personnes sans-papiers, ou le droit du travail par exemple. La preuve, nous sommes souvent contactés par des gens qui veulent créer des lieux collectifs, en ville ou à la campagne.

Infos pratiques : Plus d’infos sur la page Facebook du Landy sauvage

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