Cet article a été réalisé par Enlarge your Paris et publié dans la revue en ligne Arpenter dont le 1er numéro est sorti en septembre sous la houlette d’In Seine-Saint-Denis
Tout commence le 29 Floréal an X. Comprendre le 19 mai 1802. Ce jour-là, le corps législatif vote par décret « l’ouverture d’un canal de dérivation de la rivière d’Ourcq. » Poussée par Napoléon, l’idée est bien sûr d’améliorer l’approvisionnement de Paris en eau potable, mais pas seulement. La capitale doit devenir une ville de prestige. Il serait donc de bon ton que la Seine ne soit pas encombrée par les bateaux de commerce. Ourcq, mais aussi Saint-Martin et Saint-Denis : « ces canaux vont constituer un réseau dont le point de jonction est le bassin de La Villette », éclaire Antoine Furio, chargé d’inventaire du patrimoine culturel au conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Dès 1802, l’ambition est claire : ces axes fluviaux doivent devenir portuaires et industrialo-portuaires. Mais le projet prend son temps. Ce n’est qu’en 1822 que la navigation est ouverte de Mareuil-sur-Ourcq (Oise) à Paris.
Le développement du canal va aller de pair avec celle du chemin de fer, vers 1850. Et, sur ses berges, l’industrie se développe aux alentours de 1870. Les forêts de Villers-Cotterêts (Aisne) alimentent la capitale en bois de charpente et des scieries s’installent le long de l’Ourcq. Gypse, charbon ou sable sont également transportés sur l’eau. Un peu plus tard, la métallurgie viendra également se greffer. Mais l’ensemble décline à partir des années 1970 : la crise pétrolière et la décentralisation viennent asséner un coup de massue aux berges. Au point que, dans les années 80, « on envisage de transformer le canal de l’Ourcq en voie routière », raconte Antoine Furio.
Une infrastructure industrielle devenue paysage
La fin de la décennie va néanmoins apporter un nouveau souffle au canal. L’ouverture du parc de La Villette (19e), inauguré en 1987 par François Mitterrand, va venir modifier son image. Jusqu’ici résumé à sa fonction, « il devient paysage », explique Antoine Furio. Ainsi, à Bobigny, le parc de la Bergère devient une sorte de pendant des Buttes-Chaumont pour les habitants de ce coin de Seine-Saint-Denis. A l’instar des docks de Saint Katharine à Londres, les anciens espaces industriels se voient requalifiés. A Bobigny, la Prairie du canal, la ferme urbaine de l’association la Sauge (Société d’agriculture urbaine généreuse et engagée), s’est installée en lieu et place des anciennes usines MBK. A Pantin, l’agence BETC a implanté son siège dans d’anciens entrepôts. Pantin justement : le canal y fait partie intégrante de l’identité de la ville. La mairie est située juste à côté et, en 1965, le maire, Jean Lolive, y implante sa cité administrative dans un étonnant bâtiment brutaliste qui héberge aujourd’hui le Centre national de la danse.
Contrairement à l’industrie, s’il est bien une dimension qui n’a pas connu la crise, c’est la pression foncière sur les berges de l’Ourcq. Depuis plusieurs années, les rives du canal sont convoitées par les promoteurs immobiliers. Quartier Newport à Pantin, quartier Engelhard (du nom d’une ancienne usine de métaux) à Noisy-le-Sec, les programmes se multiplient. « Un appartement avec vue sur l’eau est attractif, analyse Antoine Furio. D’autant que ces sites sont un peu les derniers espaces à urbaniser. » D’où de nouveaux usages à apprivoiser : sur les chemins de halage, plus de chevaux, mais des piétons et des cyclistes qui doivent apprendre à cohabiter.
Un héritage à maintenir
Le tourisme aussi se développe. Le festival l’Eté du canal est devenu un rendez-vous immanquable du calendrier grand-parisien. Aux beaux jours, les péniches se trouvent désormais nez-à-nez avec de petits bateaux de plaisance électriques tandis que sur les berges des trentenaires, canne à pêche à la main, essaient d’attraper des silures pour ensuite s’offrir un selfie de circonstance . « L’ambiance industrialo-portuaire à la Simenon a cédé la place à autre chose. Pour autant, il est essentiel que le canal conserve un rôle en matière de transport. Cela peut être intéressant pour développer l’agriculture urbaine par exemple », estime Antoine Furio qui insiste sur l’importance de préserver le bâti. « Il faut entretenir les écluses, les maisons d’éclusiers, les écuries… » Alors qu’il s’apprête à célébrer son 200e anniversaire en 2022, il s’agit, pour le canal, de regarder vers l’avenir. Sans que, pour autant, le passé prenne l’eau.
Cet article a été réalisé par Enlarge your Paris et publié dans la revue en ligne Arpenter dont le 1er numéro est sorti en septembre sous la houlette d’In Seine-Saint-Denis
Lire aussi : Cent adresses pour flâner le long des canaux grand-parisiens
Lire aussi : Croisière piétonne le long du canal entre Paris et Pantin
Lire aussi : Nos bonnes adresses pour sortir le long du canal à Pantin
25 octobre 2021