Olivier Razemon est journaliste et écrivain. Cette chronique est tirée de son blog « L’interconnexion n’est plus assurée » sur lemonde.fr
Cette piste cyclable qui disparaît juste avant un carrefour anxiogène, cette camionnette qui dépasse dangereusement dans une rue étroite pour s’arrêter au feu 70 mètres plus loin, des travaux qui bloquent une passerelle depuis six mois, sans itinéraire de remplacement, et puis l’absence d’arceaux à proximité du cinéma. C’est énervant, non ? Et puis, il y a les réussites. Les pistes inaugurées le long d’axes que l’on osait pas prendre, la continuité ménagée des deux côtés d’un carrefour, un service de location installé à la gare, le maire qui évoque spontanément le vélo dans un discours.
Sanctionner l’absence d’aménagement, encourager les réalisations, voilà ce que propose la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) aux personnes qui, en France, se déplacent à vélo. La troisième édition du baromètre des villes cyclables est en ligne jusqu’au 30 novembre. Le questionnaire comporte une cinquantaine d’items que l’on remplit en 10 ou 15 minutes. Le succès est déjà au rendez-vous. Le 18 novembre, le nombre de réponses (évolution à suivre en direct ici) avait dépassé les 193 000, au-delà du record de 2019 (185 000). Chaque jour, la participation au Baromètre des villes cyclables progresse de quelques milliers.
« L’usage du vélo n’est pas l’apanage des grandes villes, des « bobos déconnectés », comme voudraient le faire croire, sous couvert de compassion pour les classes populaires, les partisans du statu quo »
Les résultats, qui seront dévoilés début 2022, fourniront à la fois un instantané de la pratique du vélo en France et un classement détaillé des communes où, selon les usagers, l’usage est le plus facile. Dans les communes où le nombre de réponses dépasse 50, les résultats seront analysés. La FUB espère une large participation, à la fois pour peser dans les débats des élections présidentielle et législatives, et pour inciter les élus locaux à aménager l’espace public. Alors que les rares incursions des candidats à la présidentielle (ici ou là) dans le secteur de la mobilité consistent à célébrer l’usage de la voiture pour tous les trajets, le baromètre devrait contribuer à montrer une réalité bien plus nuancée.
Car l’usage du vélo n’est pas l’apanage des grandes villes, des « bobos déconnectés », comme voudraient le faire croire, sous couvert de compassion pour les classes populaires, les partisans du statu quo. La répartition géographique des réponses montre une généralisation de la pratique bien au-delà des cœurs des métropoles. « La nouveauté de 2021, c’est que la pratique ne recule plus dans les régions périurbaines et rurales », assure Olivier Schneider, président de la FUB.
« Parmi les villes qui, à la mi-novembre, avaient enregistré une forte hausse de la participation, figurent de nombreuses localités de banlieue parisienne »
Ainsi, parmi les villes qui, à la mi-novembre, avaient enregistré une forte hausse de la participation, figurent de nombreuses localités de banlieue parisienne, précise la FUB. A Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), le nombre de réponses avait déjà progressé de 55% par rapport à l’édition de 2019. En Seine-Saint-Denis, la déferlante gagnait Noisy-le-Grand (+62%), Aubervilliers (+82%) et Saint-Denis (+129%), tandis que, dans les Hauts-de-Seine, Montrouge gagnait 95% de réponses en plus, et Boulogne-Billancourt, 181%.
Dans sa thèse consacrée à l’usage du vélo en région parisienne, l’urbaniste Clément Dusong avait comparé le nombre de réponses recueillies lors des éditions de 2017 et 2019. A Paris intra-muros, la participation au baromètre « n’a pratiquement pas crû entre les deux enquêtes, alors qu’il a augmenté de 111% dans les Hauts-de-Seine, de 220% en Seine-Saint-Denis et même de 686% dans le Val d’Oise », écrivait-il.
La participation à l’édition 2021 montre aussi que la mobilisation atteint les villes considérées comme peu propices à l’usage du vélo. Ainsi, Marseille enregistre, à la mi-novembre, par rapport à 2019, une participation de +554%. A la Réunion, l’engouement pour le vélo atteint Saint-Denis (+107%), Saint-Paul (+97%) et Saint-Pierre (+198%).
« En banlieue, à la campagne, dans les régions touristiques ou post-industrielles, les usagers du vélo se mobilisent »
En banlieue, à la campagne, dans les régions touristiques ou post-industrielles, les usagers du vélo se mobilisent. Les villes moyennes sont solidement installées dans le classement, grâce au travail des associations locales, au relai des médias et à l’engagement de quelques élus. Parmi les préfectures de métropole, seule Bar-le-Duc (Meuse) semble demeurer à l’écart du baromètre à ce stade.
Les répondants sont également nombreux dans les villes secondaires des grandes agglomérations: 195 réponses à Oullins prés de Lyon, 250 à Tournefeuille près de Toulouse, 321 à Marcq-en-Barœul, dans la banlieue de Lille, etc. Les communes jouxtant les villes moyennes leur emboîtent le pas : Hérouville-Saint-Clair (Caen), Saint-Cyr-sur-Loire (Tours), Guilherand-Granges (Valence), Lons (Pau)… Autour du Mans, plusieurs villes ont atteint le seuil des 50 réponses et seront donc classées pour la première fois, rapporte Ouest-France.
Enfin, Grenoble est, parmi les grandes villes, celle où les habitants se mobilisent le plus. 1,3% de la population a répondu, contre 0,8% à Nantes, 0,7% à Lyon, Toulouse ou Montpellier, 0,6% à Lille ou à Strasbourg et seulement 0,3% à Paris.
Infos pratiques : Le questionnaire 2021 du Baromètre des villes cyclables est ouvert à tous jusqu’au 30 novembre sur barometre.parlons-velo.fr
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18 novembre 2021