Le livre La vie secrète des arbres de l’ingénieur forestier et écrivain allemand Peter Wohlleben (Ed. Les Arènes) s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires en France. Est-ce le signe que les Français – et leurs élus – seraient prêts à reconnaître aux arbres des droits ? C’est en tout cas l’idée et l’espoir de l’association française A.R.B.R.E.S (Arbres Remarquables : Bilan, Recherche, Études et Sauvegarde) qui, le 5 avril dernier, a proclamé lors d’un colloque organisé à l’Assemblée nationale une « Déclaration des droits de l’arbre ».
« Les arbres ne sont pas des objets »
« L’arbre joue un rôle fondamental dans l’équilibre écologique de la planète », signale l’article premier. « L’arbre, être vivant sensible aux modifications de son environnement, ne peut être réduit à un simple objet », poursuit le deuxième des cinq articles. Pourquoi une telle déclaration ? Georges Feterman, le président d’A.R.B.R.E.S, a voulu réagir au fait que le Code civil présente les arbres comme des objets dont les propriétaires peuvent faire ce qu’ils veulent. « Nous voulons que la loi reconnaisse que les arbres ne sont pas des objets mais des êtres vivants. En Belgique et en Suisse, pour couper un arbre, il faut une autorisation. Souhaitons la même chose en France ! Il est clair que la société est en train de changer de regard sur l’arbre. Faisons aussi changer la loi ! », plaide-t-il.
Au-delà de cette Déclaration des droits de l’arbre, l’association poursuit deux buts : « Faire reconnaître comme éléments du patrimoine national, les arbres dits « remarquables » » et « contribuer à une réflexion sur la protection de l’arbre en général » à un moment où nos connaissances scientifiques sur l’arbre et le végétal connaissent depuis dix ans une évolution radicale.
Dans un récent entretien accordé à Enlarge your Paris, George Feterman rappelait que « l’essentiel des grandes forêts franciliennes bordant la capitale sont héritières des domaines de chasse royaux. Les plus grandes d’entre elles, comme Rambouillet, Fontainebleau, Montmorency ou Chantilly, dessinent une large ceinture verte autour de Paris. Face à l’étalement urbain, certaines se retrouvent aux portes de la ville, voire totalement incluses, comme c’est le cas pour les forêts de Meudon, Sénart ou Saint-Germain-en-Laye. » La protection de l’arbre dans l’environnement urbain, qu’il soit en forêt ou en ville, devient donc un enjeu crucial. Une thématique au cœur de la rencontre « Une journée avec l’arbre » co-organisée le 11 mai par Enlarge your Paris et Yes We Camp à la pépinière urbaine Vive les Groues ! à Nanterre (Hauts-de-Seine) au cours de laquelle sera lue la Déclaration des droits de l’arbre dont voici la retranscription :
DECLARATION DES DROITS DE L’ARBRE
Proclamée à l’Assemblée nationale le 5 avril 2019
Article 1
L’arbre est un être vivant fixe qui, dans des proportions comparables, occupe deux milieux distincts, l’atmosphère et le sol. Dans le sol se développent les racines, qui captent l’eau et les minéraux. Dans l’atmosphère croît le houppier, qui capte le dioxyde de carbone et l’énergie solaire. De par cette situation, l’arbre joue un rôle fondamental dans l’équilibre écologique de la planète.
Article 2
L’arbre, être vivant sensible aux modifications de son environnement, doit être respecté en tant que tel, ne pouvant être réduit à un simple objet. Il a droit à l’espace aérien et souterrain qui lui est nécessaire pour réaliser sa croissance complète et atteindre ses dimensions d’adulte. Dans ces conditions l’arbre a droit au respect de son intégrité physique, aérienne (branches, tronc, feuillage) et souterraine (réseau racinaire). L’altération de ces organes l’affaiblit gravement, de même que l’utilisation de pesticides et autres substances toxiques.
Article 3
L’arbre est un organisme vivant dont la longévité moyenne dépasse de loin celle de l’être humain. Il doit être respecté tout au long de sa vie, avec le droit de se développer et se reproduire librement, de sa naissance à sa mort naturelle, qu’il soit arbre des villes ou des campagnes. L’arbre doit être considéré comme sujet de droit, y compris face aux règles qui régissent la propriété humaine.
Article 4
Certains arbres, jugés remarquables par les hommes, pour leur âge, leur aspect ou leur histoire, méritent une attention supplémentaire. En devenant patrimoine bio-culturel commun, ils accèdent à un statut supérieur engageant l’homme à les protéger comme « monuments naturels ». Ils peuvent être inscrits dans une zone de préservation du patrimoine paysager, bénéficiant ainsi d’une protection renforcée et d’une mise en valeur pour des motifs d’ordre esthétique, historique ou culturel.
Article 5
Pour répondre aux besoins des hommes, certains arbres sont plantés puis exploités, échappant forcément aux critères précédemment cités. Les modalités d’exploitation des arbres forestiers ou ruraux doivent cependant tenir compte du cycle de vie des arbres, des capacités de renouvellement naturel, des équilibres écologiques et de la biodiversité. Ce texte a pour vocation de changer le regard et le comportement des hommes, de leur faire prendre conscience du rôle déterminant des arbres au quotidien et pour le futur, en ouvrant la voie à une modification rapide de la législation au niveau national.
Plus d’infos sur la Déclaration des droits de l’arbre sur arbres.org
9 mai 2019