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La pétition « Serge Gainsbourg dans le métro : c’est non » prend de l’ampleur

La future station Serge Gainsbourg aux Lilas / DR/Richez Associés
La future station Serge Gainsbourg aux Lilas / DR/Richez Associés

Lancée le 26 novembre 2023, une pétition réclame le changement de nom de la future station "Serge Gainsbourg" qui devrait ouvrir au cours du premier trimestre 2024. L'illustratrice Cécile Cée, membre du collectif à l'origine de la pétition, revient sur cette affaire qui vient d'être portée devant le Conseil de Paris.

Comment cette pétition est-elle née ?

Cécile Cée : Je suis illustratrice et j’ai un compte Instagram dans lequel je parle de violences sexuelles parce qu’elles font partie de mon histoire. Au printemps dernier, je me suis rendu compte que Serge Gainsbourg avait eu une énorme importance dans ma culture familiale. J’ai donc effectué des recherches sur lui et sur son impact sur la société. J’ai ensuite publié deux posts sur Instagram sur le sujet, qui parlent de l’aveuglement général autour des violences qu’il a commises. En novembre, autre illustratrice, Ludine, alias Ludynamite, qui avait lu mes posts, a fait à son tour une publication sur ce même réseau pour s’insurger contre le projet de station Serge Gainsbourg dans le prolongement de la ligne 11. C’est alors que Marie, une militante féministe et riveraine de la future station, a fait appel à nous pour lancer la pétition « Serge Gainsbourg dans le métro : c’est non » le 26 novembre dernier. Nous reprochons à la Mairie des Lilas et à Île-de-France Mobilités de mettre en avant le nom d’un homme violent, misogyne notoire et chantre de l’inceste. Et nous réclamons le changement de nom de la future station.

Où en est-on trois mois après ?

La pétition a déjà recueilli près de 17 000 signatures. Nous avons pu rencontrer le maire de Lilas assez rapidement. Ce qui est assez cocasse, c’est que, sur CNews, Pascal Praud et Élisabeth Levy se sont insurgés face à notre démarche. Cela a provoqué pas mal de réactions. Je remercie donc la fachosphère de nous aider dans notre combat !

La Mairie des Lilas entend-elle votre demande ?

Aujourd’hui, la Mairie des Lilas est bien embêtée car elle porte une politique féministe assez affirmée. L’équipe du maire nous assure être de notre côté mais, en même temps, elle se retrouve prise en étau. Pour comprendre toute l’histoire de ce projet de signalétique, il faut remonter en 2010. Lors de l’inauguration du jardin Serge-Gainsbourg à la porte des Lilas (Paris 20e), Jane Birkin et Daniel Guiraud, alors maire des Lilas, étaient invités par Bertrand Delanoë. Selon l’actuel maire des Lilas, Lionel Benharous, Jane Birkin aurait profité de l’occasion pour demander à Daniel Guiraud de créer une station en l’honneur du défunt artiste. Le cahier des charges d’IDF Mobilités stipulait néanmoins qu’un lieu nommé Serge Gainsbourg devait exister aux Lilas pour pouvoir exécuter le projet. Ils ont donc créé le parvis « Serge-Gainsbourg » ! Aujourd’hui, la Mairie des Lilas se montre donc de notre côté et en même temps nous explique qu’ils sont coincés. Dans les faits, personne ne formule aucune demande à IDF Mobilités.

© Cécile Cée / Instagram

Pourquoi rien n’est entrepris du côté de la Mairie ?

Selon eux, les panneaux sont déjà prêts. Or ils craignent que IDF Mobilités leur demande de financer le coût du changement de signalétique, soit un million d’euros. Mais nous ne savons pas si tout cela est vrai. Ce n’est qu’une supposition de leur part. IDFM n’est pas censée leur demander de payer. Il faudrait juste qu’ils aient le courage politique de demander pour le savoir. Une éclaircie pour nous : l’élue écologiste Raphaëlle Rémy-Leleu a porté la demande du collectif au Conseil de Paris le 6 février dernier. Nous espérons encore une fois être entendues.

Proposez-vous d’autres noms pour remplacer celui de Serge Gainsbourg ?

Oui, nous avons proposé les noms d’Anne Sylvestre et des écrivaines Audre Lorde, Monique Wittig et Charlotte Delbo. Derrière cette proposition, on a aussi lancé le mouvement #DTIYS (Draw This in your Style) afin d’inciter ceux qui le souhaitent à dessiner à leur manière les quatre femmes en question. Une centaine d’artistes ont déjà rejoint le mouvement, dont certaines très connues comme Noémie Fachan, Blanche Sabbah et Maud Bénézit, alias Maedusa Gorgon, Lanuitremueparis et bdzit. Côté rue, les Colleuses ne lâchent pas la station jusqu’à ce qu’elle change de nom. De notre côté, nous souhaitons surtout discuter avec IDF Mobilités et la Mairie des Lilas.

Plus d’infos sur les comptes Instagram de Cécile Cée et Ludynamite

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