Organisé par Enlarge your Paris en partenariat avec la Société du Grand Paris, le Tour piéton du Grand Paris va parcourir 190 km à travers la métropole jusqu’au 28 août.
Quel est votre rapport aux arbres et à la nature en tant qu’artiste ?
Thierry Boutonnier : Enfant, j’ai grandi dans l’exploitation agricole familiale et je me réfugiais dans les cabanes que je fabriquais dans les arbres. Cela m’a permis de développer une relation spéciale avec le végétal et de constater qu’on coupait et qu’on brûlait beaucoup pour s’habiller, se nourrir… J’ai ensuite financé mes études aux Beaux-Arts de Lyon en étant ouvrier agricole et j’ai continué de ressentir le fossé entre la représentation de la nature dans notre société et l’expérience que j’en faisais. J’aurais pu devenir paysagiste mais j’ai trouvé dans l’art une liberté de m’exprimer sur ce sujet. C’est ce qui m’a conduit au développement de la pépinière urbaine du quartier Mermoz à Lyon (pour laquelle il a obtenu le prix COAL en 2010, ndlr).
Pourquoi la présence de la nature en ville est-elle si importante ?
Les arbres sont nos principaux alliés. Il y a bien sûr le rôle joué par la photosynthèse, qui permet de diminuer la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Les arbres nous rappellent aussi l’adaptabilité infinie de la nature, dont nous devrions nous inspirer, mais aussi l’absurdité de ce que nous mettons en œuvre depuis 150 ans. La découverte du charbon et des énergies fossiles a énormément favorisé l’industrie du béton, qui imperméabilise les sols. Malgré cela, dans les interstices des villes, la nature déborde de vie. Lorsqu’on daigne tisser une relation avec elle, on est frappé par sa puissance. C’est une invitation à réfléchir à notre volonté de tout contrôler et de tout dominer.
Quelle relation les urbains entretiennent-ils avec la nature ?
Être urbain, c’est être coupé du monde végétal aujourd’hui. Une grande partie de l’humanité ignore le rôle crucial de la photosynthèse. J’observe que le rapport à la nature est une question d’âge et de genre : les hommes blancs de plus de 50 ans ont globalement une relation compliquée avec le vivant. Je travaille aujourd’hui essentiellement avec des femmes. De par leur implication dans les métiers du soin, elles ont une bienveillance plus forte à l’égard de la nature.
La crise sanitaire a-t-elle changé notre rapport à la nature en ville ?
Ce qu’a révélé la crise sanitaire, c’est-à-dire le besoin de nature, les études de santé publique le montrent depuis longtemps. Cela n’empêche pas pour autant certains abrutis de vouloir continuer à rentabiliser le foncier en faisant couler du béton. C’est une violence qu’on subit tous, notamment les plus fragiles.
En quoi consiste l’œuvre participative Appel d’Air que vous menez au sein de la friche Vive les Groues à Nanterre ?
La friche Vive les Groues ! à Nanterre (Hauts-de-Seine) est née de la volonté de proposer des ateliers arboricoles aux pieds des tours de La Défense, quartier qui doit et va beaucoup évoluer dans les prochaines années. Avec le projet Appel d’Air, on y cultive, avec les habitants du Grand Paris, les arbres qui seront plantés sur les parvis des gares du Grand Paris Express. Ces Grand-Parisiens n’ont pas forcément de connaissances arboricoles ; c’est donc notre job de leur transmettre. Ces arbres sont des témoins : depuis qu’ils ont été plantés en 2017, ils ont traversé la crise sanitaire, deux épisodes caniculaires ainsi qu’une pluviométrie anormale… Ils porteront aussi en eux le souffle, au sens premier du terme, de leurs parrains et marraines, que nous allons collecter avec l’aide d’un maître-verrier. Ces souffles et ces arbres nous survivront !
Infos pratiques : Vive les Groues !, 290, rue de la Garenne, Nanterre (92). Accès : gare de Nanterre-Préfecture (RER A). Plus d’infos sur vivelesgroues.org
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19 août 2022 - Nanterre