Société
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La culture n’est pas toujours là où l’on croit

Le chapiteau Raj'ganawak à Saint-Denis / © Dominique Secher
Le chapiteau Raj’ganawak à Saint-Denis / © Dominique Secher

Le sociologue Michaël Silly, fin connaisseur du Grand Paris qu'il passe son temps à explorer pour le compte de son agence Ville Hybride, nous invite à élargir notre conception des lieux culturels en banlieue.

 

Mes poils se sont hérissés récemment quand j’ai vu un site web auto-estampillé « guide culturel » publier une énième sélection de lieux culturels et artistiques du Grand Paris. Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’il s’agit des mêmes adresses qui sont régulièrement mis sur le devant de la scène (dont la qualité intrinsèque est indéniable, ce n’est pas le débat ici). On peut légitimement se demander s’il s’agit d’une véritable démarche de recherche de lieux ou si ce « guide culturel » s’est contenté de faire une compilation d’acteurs artistiques et culturels qui font régulièrement la Une des sites spécialisés.

Ensuite, parce que cette sélection est en décalage avec le foisonnement des lieux culturels dans le Grand Paris, qui est protéiforme car issu de populations qui embrassent un éventail de pratiques à la fois ultra-locales et ultra-cosmopolites. Entre le supermarché Leclerc de Gonesse (Val-d’Oise), qui fait office de centre-ville où se développe des expressions artistiques ultra-populaires (hip-hop, graff, cosplays, mangas…), le festival Bollywood coloré, dansant et chantant de la communauté tamoule de Stains (Seine-Saint-Denis), le Deux Pièces Cuisine au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) spécialisé dans les musiques du monde, la ferme de la Butte Pinson à Montmagny (Val-d’Oise), sorte d’oasis rural faussement petzouille à 20 minutes de la porte de la Chapelle, la friche de l’ancienne usine Kodak à Sevran (Seine-Saint-Denis), destinée à rester une friche écologique, la Chaufferie à l’université de Villetaneuse (Seine-Saint-Denis), studio de répétition auto-géré par les étudiants, le chapiteau d’André Valverde à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), saltimbanque à la sauce Vitalis d’Hector Malot… les lieux de culture ne manquent pas dans le Grand Paris. Ce qui frappe c’est leur diversité, leur capacité à embrasser et à restituer l’hyper-local et le monde.

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« Le coeur du Grand Paris bat dans tous ces lieux interstitiels »

De l’homogénéité de l’offre des guides dits culturels découle bien sûr l’homogénéité des publics. Les mêmes gens finissent par se retrouver dans les mêmes lieux. Hors, l’expérience des arts et des cultures c’est comme une aventure. C’est en se risquant dans ses méandres inconnus que l’on accède aux populations  du Grand Paris. En ne référençant que des lieux « arty » et des friches culturelles, on ne dévoile qu’une facette du Grand Paris. L’art, la culture, c’est un décentrement par rapport à ce que l’on est, une bousculade dans nos habitudes prises et nos repères. Pas une pratique consumériste autour de formes homogènes qui entretiennent l’entre-soi. Ça c’est la mort alors que le Grand Paris, c’est la vie ! Aujourd’hui, on est encore loin d’avoir exploré toutes ses facettes. Si « le cœur de Rome bat dans le Colisée » dixit le sénateur Gracchus dans Gladiator, le cœur du Grand Paris bat dans tous ces lieux interstitiels et parfois craspouilles, mais ultra-attachants et vrais. 

 

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