Vous avez un projet d’Usine mobile pour recycler les déblais des chantiers du Grand Paris. En quoi cela consiste ?
Antoine Aubinais : Le chantier du Grand Paris va générer 43 millions de tonnes de terre par an. Début 2017, la Société du Grand Paris (SGP), qui pilote les travaux du Grand Paris Express, a donc lancé un concours d’innovations autour de la gestion des déchets de chantier : “Le Grand Paris des déblais”. Nous nous sommes rapprochés de CRAterre, le laboratoire français spécialiste de la construction en terre, affilié à l’école d’architecture de Grenoble. Avec eux, nous avons élaboré le projet de l’Usine mobile. Ce dispositif permet la transformation immédiate des déblais de chantiers en blocs de terre réutilisables. Le concept permet, sans logistique de transport, de transformer la terre excavée en matériau de construction. Le lieu d’extraction devient aussi le lieu de production. Nous n’avons malheureusement pas été retenus pour le concours mais nous sommes quand même allés chercher des partenaires afin que le projet voit le jour. Avec CRAterre, nous répondons à présent à de nombreux appels à projets, en espérant se positionner comme des acteurs majeurs du réemploi des déblais de chantiers. Grâce à l’envergure considérable du projet du Grand Paris, nous avons une belle carte à jouer. Maintenant qu’elle a visité l’Usine mobile, la SGP considère l’outil comme une solution innovante de valorisation de ses déblais. Affaire à suivre…
Quelles sont les propriétés de la terre ?
C’est une matière pauvre dont on a tendance à oublier les grandes qualités et qui est souvent associée aux pays sous-développés. Son utilisation permet de réguler le taux d’humidité des pièces, offre une grande qualité acoustique et une esthétique naturelle de plus en plus recherchée. Sa place dans les projets de construction actuels est minime car on est dans la course permanente. Bien sûr que couler du béton c’est plus rapide mais en termes de durabilité et de bilan carbone, ce n’est pas comparable avec l’utilisation de la terre. Autre argument majeur : la terre retourne à la terre, elle est entièrement recyclable.
Comment un déchet jusque-là considéré sans valeur peut permettre de créer de la richesse ?
Notre volonté commune avec CRAterre est de créer une économie locale. Pour fabriquer les 20 000 blocs de terre comprimée nécessaires au montage de notre ville éphémère mi-juillet sur l’Île-Saint-Denis (93), ce sont quatre personnes en réinsertion de l’association Halage qui ont géré l’Usine mobile. Ces employés, anciens travailleurs pour les espaces verts, ont été accompagnés par les experts de CRAterre dans leur apprentissage de la technique. L’objectif est de faire monter en compétences les membres d’Halage qui pourront faire valoir leur maîtrise de cette nouvelle méthode par la suite.
A voir : notre reportage au festival Bellastock 2017, « La ville des terres »
28 juillet 2017 - L'Île-Saint-Denis