Organisée pour le week-end Esprit Jardin au Potager du Roi et l’ouverture de la Biennale d’architecture et de paysage d’Île-de-France, la « Balade des trois forêts, de Paris à Versailles » le 4 mai traversera le bois de Boulogne, le domaine de Saint-Cloud et la forêt de Fausses-Reposes. Pouvez-vous nous dire quelle est l’histoire des forêts franciliennes ?
Pierre-Marie Tricaud : A l’origine, probablement depuis la fin de l’époque glaciaire, l’Île-de-France était recouverte de forêts. Les Gaulois, les moines et les paysans du Moyen Âge ont ensuite défriché partout où la terre était la plus fertile, c’est-à-dire au coeur des plateaux, laissant la forêt là où les sols étaient les plus pauvres. Avec le temps, la plupart des forêts franciliennes sont devenues des chasses royales puis des forêts domaniales, propriétés de l’Etat sous la gestion de l’Office national des forêts.
C’est le cas des trois forêts que nous allons traverser… ?
Le bois de Boulogne, le domaine de Saint-Cloud et la forêt de Fausses-Reposes sont en effet d’anciennes chasses royales, et c’est d’ailleurs ce qui les a protégées de la déforestation. A contrario, le bois de Bondy, qui recouvrait à un moment toute l’actuelle Seine-Saint-Denis, était une forêt non protégée, et elle a quasiment disparu au XIXe siècle, tout le monde allant y couper du bois pour se chauffer ou construire sa maison. Peu à peu, les forêts de chasse sont devenues des lieux de plaisance d’abord pour les rois et leurs courtisans, comme par exemple à Saint-Cloud, puis pour tout le monde, à l’instar du bois de Boulogne, ancien domaine de chasse offert par Napoléon III aux Parisiens et qui a été complètement remanié pour y créer des paysages à l’anglaise. C’est clairement sous Napoléon III que la forêt devient un lieu de loisirs, et que la nature est vue comme un atout dans le réaménagement de Paris. On le voit avec les Buttes Chaumont, dont la création devait permettre de valoriser les projets immobiliers du nord-est parisien.
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Comment reconnaître une ancienne forêt de chasse ?
Les forêts de chasse ont une structure particulière. Il fallait pouvoir voir le gibier de loin, et se déplacer très vite à cheval d’un endroit à un autre. Donc on a ouvert des lignes droites et créé des tracés en étoile. Ce qui est amusant c’est qu’avec le temps, les allées de chasse ont changé de fonction et ont inspiré la manière de tracer des rues en ville. La place de l’Etoile à Paris en est l’illustration. A Versailles, les routes forment des perspectives bordées d’arbres qui convergent en étoile vers le château. Avec Versailles, on peut dire que l’arbre sort de la forêt pour devenir ornement urbain.
N’est-il pas étonnant de voir une autoroute comme l’A13 traverser un domaine forestier comme le domaine de Saint-Cloud ?
Ceux qui ont décidé la construction de l’A13 ont choisi ce tracé notamment parce qu’il offre un panorama sublime lorsqu’on arrive à Paris. Il faut se replacer dans le contexte de l’époque [la construction de l’A13 est lancée en 1935 et achevée en 1946, NDLR], la voiture est alors un transport plutôt élitiste et les autoroutes sont considérées comme un signe de progrès et de prestige. Par ailleurs, avec la voiture, le paysage fait désormais partie du voyage grâce aux larges pare-brises qui ouvrent le champ de vision, ce qui n’était pas le cas du train ou de la voiture à cheval qui n’offraient qu’une vision latérale. L’autoroute est donc un spectacle. Et l’A13 a longtemps eu droit, dans le Guide vert Michelin des environs de Paris, à une étoile pour la beauté de son décor.
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30 avril 2019