Interview publiée le 31 mars 2016
Comment les relations entre Paris et la banlieue ont-elles évolué ces dernières années ?
@mansat : Pendant longtemps, il n’y a pas vraiment eu de discussion entre Paris et la banlieue. A l’époque de Jean Tiberi, il existait un adjoint chargé des relations avec les villes limitrophes dont la mission était de régler les problèmes de mitoyenneté. Tout cela restait modeste et s’inscrivait dans une vision impérialiste du rapport de Paris avec la banlieue. Lorsqu’en 2001 je prends mes fonctions d’adjoint au maire de Paris chargé de Paris métropole, il s’agit d’établir un dialogue politique d’égal à égal et de faire émerger des projets concrets de coopération. Une administration dédiée est créée au sein de la mairie et on commence à mener des projets symboliques comme la couverture du périphérique à la porte des Lilas. Le but est de construire un quartier qui fasse le lien entre le 19e, le 20e, Les Lilas, Le Pré-Saint-Gervais et Bagnolet. Dès lors, on va s’efforcer de penser la ville de manière différente, notamment en faisant appel à des urbanistes ou des sociologues.
Est-ce suffisant pour que les citoyens se sentent impliqués ?
Depuis 2001 et la réalisation d’un sondage Ifop sur le sujet des relations entre Paris et la banlieue, nous savons que l’attente est forte. Le sentiment de partager un destin commun est de plus en plus diffus. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder les pratiques du quotidien. Les flux domicile-travail se sont beaucoup modifiés. Aujourd’hui, le tiers de la population active parisienne travaille en banlieue. Il s’agit d’une nouveauté. Dans les années 1970, l’essentiel des Parisiens travaillaient dans Paris. Le déménagement dans les années 1990 de nombreux sièges sociaux a changé la donne. Le projet de super métro a quant à lui permis de faire rentrer le Grand Paris dans les esprits, de même que l’exposition organisée en 2009 à la Cité de l’architecture où 230.000 visiteurs sont venus voir les propositions formulées par les architectes à l’issue d’une consultation internationale. Néanmoins, les citoyens ont été tenus à l’écart de la construction de la métropole jusqu’à présent. Pourtant, outre le métro, le Grand Paris va se traduire par des centaines de projets, à l’image du port qui va être construit à la confluence de la Seine et de l’Oise ou encore des portes de Paris qui vont être réaménagées en grandes places. Il est donc temps que les citoyens puissent dire comment ils ont envie de vivre. Il y a urgence à populariser les débats autour de la métropole et à faire émerger une citoyenneté métropolitaine.
Quels en sont les enjeux ?
La métropolisation est un phénomène profondément contradictoire. C’est à la fois une promesse, compte tenu de l’intensité exceptionnelle des échanges qu’elle génère, mais c’est aussi une source de ségrégation et de ghettoïsation. Pour répondre à ces enjeux, il est nécessaire que les projets du Grand Paris s’inscrivent dans un récit commun. Il faut dire au citoyen vers quoi nous désirons aller ; quel est le sens de la « république urbaine » que nous voulons mettre en place ; quel est l’espoir que nous voulons lever. Ce récit doit à mon sens pouvoir s’appuyer sur la culture, qui est un ferment essentiel. Il n’y aura pas de Grand Paris sans culture et la culture doit profiter du Grand Paris. Il faudra que la métropole institutionnelle prenne des initiatives dans ce domaine et pas seulement en s’occupant de la gestion de quelques grands équipements.
Comment passe-t-on de la théorie à la pratique en matière de participation citoyenne ?
La recherche du citoyen métropolitain est un défi qui va prendre beaucoup de temps et qui doit mobiliser des ressources de toute nature. Je crois en outre beaucoup aux initiatives citoyennes. On assiste d’ailleurs à un frémissement avec l’essor de projets artistiques et culturels porteurs d’une autre façon de penser le territoire. Une autre représentation du Grand Paris est en train progressivement de se mettre en place. D’une ville-centre rayonnante et qui domine une banlieue un peu informelle on passe à une vision plus égalitaire qui fait de la place à la dynamique et à la créativité de la banlieue.
Le Grand Paris ne pêche-t-il pas par son manque de glamour ?
Aujourd’hui, la façon de raconter le Grand Paris est trop techno. Ça ne fait pas rêver. Les médias ne jouent pas assez leur rôle dans la construction d’un récit métropolitain qui soit mobilisateur. Pour que ça bouge, il est impératif que les citoyens s’en mêlent. Mais pour ça, il faut leur donner envie.
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