Depuis le 1er juillet, Wael Sghaier parcourt la Seine-Saint-Denis à la rencontre de ses habitants afin de présenter une autre image du 93.
Il ne les compte plus. Depuis le 1er juillet, Wael Sghaier avale les kilomètres. Sac au dos et caméra au poing, le trentenaire originaire d’Aulnay-sous-Bois arpente les sentiers non battus de la Seine-Saint-Denis, à contre-courant des clichés rebattus sur le département. En partant à la rencontre des habitants et en leur donnant la parole, il souhaite faire écouter la Face B du 9-3, celle que l’on n’entend jamais. « Tout le monde parle de ce qui ne va pas en Seine-Saint-Denis mais on dit rarement ce qu’il y a de positif. Cela donne une image négative du territoire et de sa population. En étant sur le terrain, je veux montrer quelles sont les autres réalités du 93 pour que les gens soient fiers de là où ils vivent. C’est une démarche que certains qualifieront de Bisounours mais je ne vois pas pourquoi la Seine-Saint-Denis n’aurait pas droit à un peu de bienveillance de temps en temps ».
« Réaliser un documentaire d’intérêt général »
L’histoire commence en 2014. Titulaire d’un Master tourisme culturel et territoires décroché à la Sorbonne Nouvelle, Wael se met en quête d’un stage et propose à l’Office du tourisme de Seine-Saint-Denis de voyager durant quatre mois dans les villes du 93. « Mon incroyable 93 » est né. « L’idée m’est venue en lisant « Les passagers du Roissy-Express » de François Maspero, où il raconte sa traversée en RER B de Roissy (95) à Saint-Rémy-les-Chevreuse (78). Au début, je le faisais sans trop savoir comment j’allais pouvoir partager tout ce que je voyais. J’ai commencé par mettre en ligne des podcasts sur Soundcoud. Mais je ne pensais pas que cela prendrait autant d’ampleur. Les médias s’y sont intéressé et un éditeur m’a proposé d’en tirer un livre sur lequel je suis en train de travailler ».
Pour son nouveau périple à travers le 93, Wael s’est inspiré d’Antoine de Maximy, le journaliste sous vidéosurveillance de « J’irai dormir chez vous ». « L’idée cette fois c’est de rapporter des images en se faisant inviter chez les gens ». Avec l’appui financier d’un jeune producteur du cru séduit par le projet, il s’est équipé en matériel afin de réaliser un documentaire qu’il qualifie d’intérêt général. « Nous voudrions le proposer aux chaînes publiques et si ça ne marche pas, nous organiserons des projections privées ».
« La caméra permet d’ouvrir des portes »
En attendant, Wael emmagasine les rencontres. Après 29 jours de marche, il a déjà traversé 38 des 40 villes de la Seine-Saint-Denis. Il ne lui en manque plus que deux à sa collection qu’il explorera ce week-end : Romainville et Aulnay-sous-Bois. « Par rapport à mon premier voyage en 2014, la caméra me permet d’ouvrir plus de portes. Parmi les découvertes qui m’ont le plus marqué, il y a le chapiteau Raj’Ganawak à Saint-Denis. C’est un lieu culturel dans lequel j’ai reçu un accueil incroyable. Quand tu es reçu de cette façon, tu fais le plein d’énergie. J’ai dormi dans l’ex-caravane de Spartacus, un enfant des rues adopté par Camo, l’artiste à qui l’on doit ce chapiteau. L’histoire de Spartacus a même donné lieu à un documentaire, « Spartacus et Cassandra », projeté à Cannes. L’un des autres endroits qui m’a charmé, c’est le restaurant que Mme Lee a ouvert chez elle à Montreuil, où elle pratique ce qu’elle appelle la « sexy food ». Pour y manger, il faut adhérer à l’association qu’elle a créée. Cela coûte 15 euros. Ce qu’elle veut, c’est redonner le goût des bonnes choses à ses hôtes. Elle vous sert pour cela une dizaine de plats d’inspiration coréenne. Pour la trouver, le mieux est d’aller soutirer son téléphone aux Tatas flingueuses, une boutique qui fait aussi office de café à Montreuil ».
Le jour où nous l’avons rencontré, Wael se faisait guider dans les rues de La Courneuve par un natif de l’ex-cité ouvrière, Stéphane Troussel, ravi que quelqu’un prenne la peine de s’intéresser autrement à sa ville et au 9-3. Normal, l’homme est aussi président du conseil général depuis 2012. « Les habitants de la Seine-Saint-Denis souffrent de la perception que l’on a de ce territoire à l’extérieur. C’est un obstacle pour eux notamment pour trouver du travail. Ce déficit d’image est un problème à la fois pour le Grand Paris et le pays tout entier car les capacités de développement sont ici ».
Avec ses images, Wael espère bien contribuer à changer le regard sur son incroyable 93. En attendant, il invite tous ceux qui le souhaitent à le rejoindre pour son dernier week-end de marche. Pour prendre contact avec lui, rendez-vous sur Facebook ou Twitter. Sinon, appelez-le de notre part au 06 51 50 39 08.
28 juillet 2016