Le 16 avril, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes publiait une étude sur le harcèlement sexiste dont sont victimes les femmes dans les transports. Ce 9 novembre, une campagne nationale de sensibilisation, "Stop - ça suffit", est lancée par le gouvernement accompagnée d'un hastag, #HarcèlementAgissons. Pour l'occasion, nous republions la tribune écrite en son temps par La Raileuse, qui nous fait partager son quotidien d'abonnée Navigo sur son blog laraileuse.wordpress.com.
« 100% des femmes ont déjà été importunées, suivies ou agressées dans le bus, le tram, le métro ou le RER ». 100%. Le truc de fou quoi. Oui, oui, Germaine, c’est DINGUE. Il y a des nanas qui se font tripoter tous les jours dans le métro. Et toi tu découvres ça, confortablement assise dans le fin fond de ton canapé. Eh ouais, c’est la vie, pas le paradis (comme dirait Zazie). Faut sortir de chez toi Germaine. Mais bon, t’en fais pas va, t’es pas la première qui découvre ça comme ça. Un peu comme on découvre une tache sur un fauteuil, qu’est là depuis des années, qui s’efface pas. Une tache qu’on voudrait bien faire partir, sans trop savoir comment. Bah tu vois, là, c’est pareil. Une plombe qu’on répète que les femmes se font constamment emmerder dans la rue, dans les transports. Mais que y’a rien qui bouge. Toujours là, la foutue tache.
Mais bref, maintenant tu le sais Germaine. Oui, maintenant tu sais que tes consoeurs s’retrouvent parfois coincées entre la barre métallique du métro et le sexe, en érection, d’un homme qu’elles ne désirent pas du tout. Oui, Germaine, on appelle ça des frotteurs. Ils se collent à toi, se remuent, prennent leur pied et tout ça, sans que personne ne les voit. Parce qu’il y a trop de monde. Et puis, tu sais, Germaine, plus y’a de monde, plus y’a de proximité entre les gens. Et alors, moins le mec est susceptible de se faire gauler. Puis même s’il se faisait choper, le type, malin, ferait genre « désolé, le métro est archi blindé ».
T’en as, aussi, qui se permettent de te suivre dans les couloirs, de te zieuter de la tête aux pieds. T’en as d’autres qui te font des clins d’oeil, qui vont jusqu’à t’arrêter pour te dire que « franchement, t’es bonne, t’as vu ». Voire, t’en as qui se tripotent, sans gêne, face à toi. Comme s’ils étaient posés devant leur ordi, à mater une vidéo Youporn. Ouais, je sais, c’est affreux.
Mais y’a pire, crois moi. Si, si, j’te jure. Franchement Germaine, fallait faire un tour sur Twitter le jour de la révélation des « 100% de filles harcelées dans les transports ». T’aurais vu les commentaires abrutis de certains mecs, t’aurais halluciné. Du style, « elles l’ont bien cherché ces nanas qui se font toucher » : « elles ont mis des jupes trop courtes ou des décolletés ». Eh ouais Germaine, à les entendre, ce serait la faute des filles, tout ça. Avec leurs tenues aguicheuses. Leurs fringues de « pétasses », de « salopes », de « chiennes ». Ben ouais quoi, qu’est-ce qui leur prend aux filles, à s’habiller comme elles veulent ? Faudrait pas qu’elles croient qu’elles ont des droits. Qu’elles peuvent vivre comme elles l’entendent. Ouais on est bien d’accord Germaine, ce genre de commentaires, ça nous aide pas hein…
Tu m’diras, y’a des femmes qui nous aident pas non plus. Du genre, Sophie de Menthon. Comment ça, tu la connais pas Germaine ? Bah écoute, Sophie, c’est une chef d’entreprise, une chroniqueuse. Elle écrit même des bouquins, ‘fin c’est ce que dit sa bio Twitter hein. Bon tu vois ça, tu te dis, la nana a des responsabilités, elle connait des trucs, elle va pas dire de conneries. Bah figure toi que si ! Et des grosses en plus. Du genre, se faire siffler dans la rue, c’est plutôt sympa. Eh ouais Germaine, tu le savais pas ça hein ? Tu savais pas que c’était cool de se faire héler comme un clébard sur le trottoir ? Que c’était agréable, gratifiant ? Et ben moi non plus. A croire que j’avais rien compris au respect.
100% des femmes seraient « harcelées » quotidiennement . Ne pas tout confondre: être sifflée dans la rue est plutôt sympa !
— Sophie de Menthon (@SdeMenthon) 16 Avril 2015
M’enfin, tout ça pour te dire Germaine, sérieusement, si demain l’envie te prend de sauter dans le métro, s’teuplaît, mets une mini-jupe, une brassière, et souris. Ca leur fera les pieds à tous ces débiles qui veulent qu’on se fringue comme des nonnes. Et puis qui sait, ça se trouve, tu te feras même siffler au milieu du wagon ? Et alors là, tu pourras raconter à cette charmante Sophie à quel point c’était chouette. Non pas de te faire alpaguer comme un chien. Mais de répondre à l’enflure qui aura osé te traiter de la sorte. Oui parce que Germaine, faut que j’te dise, on te doit le respect. Qu’importe ta façon de t’habiller.
9 novembre 2015