Interview publiée le 30/04/2015
Qu’est-ce qui vous a conduit en 2009 à lancer la pétition « Paris : quand la nuit meurt en silence » ?
@ericlabbeperso : A l’époque j’étais disquaire à Paris. J’étais en contact avec beaucoup d’organisateurs de soirées électro et il apparaissait clairement que les contraintes devenaient de plus en plus fortes. Les problèmes de voisinage se multipliaient en même temps que les fermetures administratives. La loi sur l’interdiction du tabac dans les lieux publics a été un amplificateur du fait qu’elle a amené les gens à sortir fumer sur le trottoir. Mais les tensions, elles, existaient depuis longtemps. Pourtant, il s’agissait d’un sujet dont les médias ne s’étaient pas emparé. C’est pourquoi nous avons eu l’idée d’écrire une lettre ouverte accompagnée d’une pétition en ligne. Très vite, nous avons recueilli 16.000 signatures, à tel point que nos serveurs nous ont lâché. Ceci nous a permis de nous rendre compte que notre constat était partagé. La presse s’est saisie de la question qui est soudain entrée dans le débat politique. La mairie de Paris a notamment organisé des Etats généraux de la nuit, reprenant une idée que nous avions émise. Je me souviens également que l’une de nos demandes reposait sur le développement des transports afin de pouvoir se rendre plus facilement de l’autre côté du périphérique. A ce moment-là, cela tenait du voeu pieu…
Quel rapport les organisateurs de soirées électro entretiennent-ils avec la banlieue ?
En 2009, les soirées n’avaient pas encore franchi le périph’. Tout se concentrait dans le centre de Paris. C’est d’ailleurs la source du problème car on se situe dans des quartiers à l’habitat extrêmement dense où les teufeurs sont vus comme une nuisance. Il y a tout de même un précédent en banlieue ; ce sont les raves parties des années 1990. La quête de la marge a toujours été inscrite dans l’ADN de la musique électro. On cherche des lieux à l’écart où l’on ne fera chier personne. Le patrimoine industriel, très présent en banlieue, entre également fortement en résonnance avec cette musique. Enfin, la périphérie est un endroit où l’on trouve des friches. Pourquoi pas d’ailleurs profiter de celles qui vont être générées par le chantier du métro du Grand Paris pour y organiser des événements festifs éphémères !? Nous avons besoin pour cela de facilitateurs afin de disposer d’agréments provisoires. Avec la fête, on redonne à Paris sa vraie dimension en repoussant les frontières.
Comment les teufeurs regardent-ils la banlieue ?
Il y a encore 3 ans, lorsqu’on parlait de Saint-Denis à un djeuns, il pensait tout de suite guerre civile. Aujourd’hui, un lieu comme le 6 B a transformé l’imaginaire qu’on peut avoir de la ville. Ça lui a donné une image plus sexy. A présent, de grands rassemblements ont lieu en banlieue à l’image du Border festival (voir vidéo ci-dessus) qui s’est tenu à Villepinte (93) en décembre dernier et qui a rassemblé 15.000 personnes sur deux jours. Un tel événement serait impossible dans Paris. Le Weather festival montre également la voie de même que les collectifs La Mamie’s, Die Nacht ou Lakomune (ce dernier est à l’origine du club éphémère Le Tunnel à Issy, Ndlr). Toutefois, il faut veiller à ce que cela ne soit pas qu’une histoire de bobos parisiens qui font de la banlieue leur terrain de jeu. Cela signifie bosser avec les acteurs locaux, comme la Ferme du Bonheur à Nanterre, et faire émerger des lieux pérennes.
« Quelle place pour la fête en banlieue ? » Rencontre-débât le mardi 13 février à la 33 Tour, 33 boulevard du Port, Cergy (95). Entrée libre à partir de 19h30. Intervenants : Christophe Vix-Gras, spécialiste des musiques électroniques et membre du collectif Action Nuit, Yohann-Till Dimet (collectif Soukmachines), Emilie Kasby (Le 2 Pièces Cuisine au Blanc-Mesnil), Natacha Lepine (association Les Roulottes Russes à Cergy). Une rencontre organisée par le Combo 95 en partenariat avec le RIF et animé par Enlarge your Paris. Plus d’infos sur www.combo95.org
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