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« À vélo », l’expo qui en connaît un rayon sur l’histoire de la Petite Reine dans le Grand Paris

La Convergence vélo se déroulera dimanche 26 mai depuis la banlieue vers Paris avant une balade dans Paris l'après-midi / © Mieux se déplacer à bicyclette
La Convergence vélo place de la Concorde à Paris / © Mieux se déplacer à bicyclette

Depuis le 1er juin se tient l'exposition « À vélo » au Pavillon de l'Arsenal à Paris, une plongée passionnante dans l'histoire de la Petite Reine dans le Grand Paris, depuis l'arrivée de la draisienne en 1818 jusqu'aux perspectives entrevues pour 2030. Enlarge your Paris l'a parcourue en compagnie de celui qui en est à l'initiative, Clément Dusong, auteur d'une thèse sur l’évolution de la pratique du vélo en Île-de-France.

Comment cette exposition est-elle née ?

Clément Dusong : J’ai écrit une thèse sur l’évolution de la pratique du vélo en Île-de-France, une approche plutôt sociologique et géographique du vélo entre 2010 et 2021. Alors que nous vivons une période où le vélo est sous le feu des projecteurs, ce travail m’a amené à m’intéresser à l’évolution du vélo sous un angle plus historique. En réalité, ce qui nous paraît très contemporain est le fruit d’une longue histoire. J’ai donc proposé ce sujet au Pavillon de l’Arsenal.

L’exposition débute en 1818. Pourquoi cette date ?

Le 5 avril 1818, au jardin du Luxembourg, est organisée la toute première présentation mondiale de la draisienne, ce véhicule à deux roues sur lequel on se propulse avec les pieds uniquement. Mise au point en 1817 par Karl Drais, un inventeur allemand, elle est tournée en dérision dès le lendemain car lourde, coûteuse et très compliquée à manier. Elle reste limitée aux centres urbains ou à la pratique de sportive. Tout débute réellement dans les années 1860 quand la famille Michaux a l’idée d’adapter une pédale sur la roue avant, ce qui permet d’aller plus vite et de tenir en équilibre. À partir de ce moment, les inventeurs se pressent pour faire évoluer ce véhicule. L’exposition dévoile l’un de ces premiers vélos, mais aussi une affiche sur laquelle on peut apercevoir un cocher qui ronchonne devant un cycliste présenté comme autonome et libéré des contraintes de se déplacer en fiacre : le vélo coûte moins cher et il n’y a pas besoin d’entretenir les chevaux ou de réserver son voyage en fiacre.

La cohabitation houleuse entre les cyclistes et les autres modes de transport ne date donc pas d’hier dans la capitale…

Dès le XIXe siècle, on voit poindre le conflit entre les voitures – tirées par des chevaux – et les cyclistes ! À l’époque, ces derniers manifestaient déjà pour revendiquer leur place. Puis, dès que les pneus en caoutchouc sont apparus, le côté silencieux des vélos a commencé à déranger les piétons, surpris par leurs irruptions. Cela fait un siècle et demi que nous avons les mêmes problématiques finalement. De 330 000 vélos en France en 1895, on va passer à 7 millions en 1935 avec des véhicules qui s’adaptent aux différents publics et aux différents usages : livraisons, course, voyages… L’arrivée des congés payés va permettre aux Franciliens de partir en mettant leur vélo à bord du train. Les courses sont aussi très populaires dans les vélodromes. Lorsque les voitures motorisées apparaissent, la bourgeoisie abandonne le vélo pour le laisser aux classes populaires. Face au flux automobile, les conditions de circulation à vélo deviennent de plus en plus difficiles. Déjà, on se met à supprimer des terre-pleins et à réorganiser l’espace public pour faire de la place aux voitures. On revient finalement aujourd’hui à ce qu’on avait supprimé !

L’exposition semble montrer que les crises sont souvent à l’origine de l’évolution de la pratique du vélo : la Seconde Guerre mondiale, Mai 68, la crise pétrolière, le covid, la crise écologique…

Il est vrai que le vélo sort toujours gagnant des situations de crise ou tout du moins de contraintes extérieures, comme les JO à Paris cette année par exemple. Mais l’évolution de la place du vélo dans l’espace public ne peut pas se faire sans un engouement citoyen. Tout cela est donc multifactoriel.

Vous remontez également à l’origine de la fameuse « vélorution »…

Durant Mai 1968, la voiture sert de barricade : elle est retournée, brûlée. Beaucoup de Parisiens découvrent alors la figure très excentrique d’Aguigui Mouna, anarchiste libertaire pacifiste et écologiste qui va faire du vélo un symbole de la pensée qu’il souhaite défendre. Beaucoup disent que c’est lui qui aurait inventé le terme de « vélorution » car il était très amateur de jeux de mots. On parle de retour du vélo à peu près tous les dix ans depuis les années trente. Dans les années 1970, on voit l’émergence des associations comme MDB (Mieux se déplacer à bicyclette) qui militent en faveur du vélo dans l’espace public. La réflexion sur la place du vélo dans la ville se structure jusqu’à ce que les associations et les agglomérations travaillent ensemble à partir des années 1980.

L’exposition se projette jusqu’en 2030. Pourquoi ?

Les aménagements en faveur du vélo mettent beaucoup de temps. Par exemple, la Région subventionne les projets mais n’a pas de compétence en matière de voirie. 2030 est une sorte de cap où de nombreux projets devraient aboutir.

Pensez-vous que le vélo pourrait abolir les frontières dans le Grand Paris ?

Il est possible que le vélo soit un outil qui favorise la disparition des limites entre Paris et sa banlieue. Le Grand Paris Express va jouer un rôle, évidemment, mais également la manière dont on va penser le rabattement vers ces gares. La volonté politique va rester prépondérante. Le militantisme autour du vélo se situe aujourd’hui principalement en banlieue parisienne car à Paris le consensus est déjà suffisamment grand. J’imagine qu’au bout d’un moment le vélo va devenir tellement banal qu’on n’en parlera plus, au même titre que la marche dans Paris qui représente 50 % des déplacements, ce qui est loin d’être le cas ailleurs et personne n’en parle !

Infos pratiques : exposition « À vélo » au Pavillon de l’Arsenal, 21, boulevard Morland, Paris (4e). Jusqu’au 29 septembre. Du mardi au dimanche de 11 h à 19 h. Entrée libre. Accès : métro Sully-Morland (ligne 7). Le 25 juin, projection de trois courts métrages sur le thème du vélo au Majestic Bastille. Plus d’infos sur pavillon-arsenal.com

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