En choisissant de s'installer avec sa meute en forêt de Fontainebleau, Christian espère montrer que le chien de traîneau n'est pas réservé qu'aux Savoyards ou aux Lapons. Bien au contraire...
On peut être à l’Est de Paris et avoir l’illusion d’être dans le Grand Nord. Ce déboussolage surréaliste, on le doit à Christian Perlwitz, seul et unique musher d’Île-de-France mais aussi personnage atypique. Depuis deux ans, il fait de la forêt de Fontainebleau son terrain de jeu et propose aux amoureux des grands espaces des balades en chiens de traîneau à bord d’un kart sur roues. « Aujourd’hui, il s’agit d’une activité que l’on associe toujours à l’hiver. C’est une image avec laquelle j’ai souhaité rompre, notamment pour des raisons liées au contexte climatique. Nous sommes dans une période de réchauffement et la neige tend à disparaître l’hiver. En plus de cela, c’est une manière de démocratiser la discipline en la rendant plus accessible ».
Une passion devenue profession
Avant d’être son gagne-pain, le chien de traîneau est avant tout une passion pour ce natif d’Angers. Champion national en 2006 à l’âge 28 ans, il choisit de se consacrer pleinement à sa meute à la mort de son père il y a 8 ans. A l’époque, il officie en tant que manager dans une entreprise d’emballage industriel. « Mon père souhaitait que ses enfants fassent un métier qui leur plaise. Quand il est parti, j’ai commencé à y réfléchir. J’ai toujours été bosseur. Je tiens ça de mes parents, tous deux réfugiés politiques chilien et argentin. Ils ont toujours eu le souci de s’intégrer et acceptaient le moindre travail pour gagner leur vie. Ces valeurs sont profondément ancrées en moi. J’ai préféré qu’elles me profitent plutôt qu’elles profitent au monde de l’entreprise où la reconnaissance n’est pas toujours de rigueur. »
La première étape de cette nouvelle vie passe par la Savoie. Christian y finalise son diplôme d’éducateur sportif spécialisé dans l’attelage canin. « Quand j’ai dit à mes collègues mushers que je voulais développer mon projet en partie à Fontainebleau, ils m’ont pris pour un fou. C’est un choix complètement assumé car je veux pouvoir vivre de mon activité toute l’année, pas seulement les trois mois d’hiver. J’ai débuté en 2014. La première année, mon objectif était de rentrer 800 euros par mois pour nourrir les chiens. Et j’y suis parvenu. La deuxième année, ça a continué d’évoluer. Cette dynamique se poursuit mais je sais qu’il me faudra au moins 5 ans pour savoir si l’activité est viable car il faut le temps de la faire connaître ».
« Les chiens ne tirent que par plaisir »
Pour réussir, Christian peut compter sur des soutiens spontanés. « Je suis hébergé dans un haras appartenant à des gens qui ont cru en mon projet et qui mettent à ma disposition une clairière où je peux lâcher mes chiens en liberté autant de fois que je veux. L’an dernier, j’ai aussi reçu l’aide inattendue d’un couple de retraités sur une compétition. Je voulais participer aux championnats d’Europe mais je n’avais pas les moyens. Ils m’ont proposé de me sponsoriser en louant un camping-car pour m’héberger, me nourrir et m’aider tout au long de cette course où j’ai fini quatrième. Ce sont deux exemples parmi tant d’autres. Je n’aurais jamais imaginé qu’une telle gentillesse puisse exister ».
Rien d’étonnant toutefois. Christian récolte ce qu’il sème. « Je ne suis pas dans une quête effrénée au profit. Les baptêmes que j’organise en chiens de traîneau comprennent 4 km de balade mais aussi un temps de partage avec les chiens et moi. On n’est pas dans quelque chose de minuté. Ce n’est pas l’usine. Je dois être vigilant au fait que les chiens ne tirent que par plaisir. Si je suis stressé, les chiens vont le ressentir. C’est une question d’alchimie. »
Immanquablement, avant de rencontrer Christian et sa meute, on se demande si le husky apprécie vraiment de traîner une charrette sur un sentier vierge de neige. Des doutes dissipés à la minute même où l’on voit les chiens, une bande de joyeux lurons bondissants. « Ce sont des chiens qui ont besoin d’activité régulière pour éviter d’utiliser leur surplus d’énergie à mauvais escient. Là, ils peuvent se dépenser sur une distance adaptée, le tout en veillant à respecter certaines conditions de température ».
Une discipline ouverte à tous
Christian est bien conscient que qui veut aller loin ménage sa monture. « En moyenne, Les chiens vont travailler jusqu’à 10 ans, l’équivalent de 70 ans chez l’homme, sauf si l’envie d’y aller n’est plus ou si des problèmes de santé les handicapent. Si je veux qu’ils profitent de leur retraite, je dois faire attention à eux. » Car être musher revient aussi à faire des ressources humaines, ou plutôt devrait-on dire des ressources canines. « J’ai une vingtaine de chiens actifs. Tous les deux ans, j’en fais rentrer deux nouveaux. Les anciens, eux, restent dans la meute et finissent leurs jours à mes côtés. »
Leur salaire à tous ? « Recevoir des caresses de la part de ceux qu’ils transportent » dixit Christian. Ceux qu’ils transportent, ce sont par exemple des personnes autistes dans le cadre de séances de zoothérapie. Ce sont aussi des personnes à mobilité réduite qui, grâce à un matériel adapté, peuvent s’initier à la conduite d’un kart en autonomie. « J’aimerais bien un jour former une personne handicapée afin qu’elle puisse participer à des compétitions. Je voudrais être précurseur dans ce domaine. » En attendant, le musher seine-et-marnais transmet sa passion à sept élèves, âgés de 9 à 50 ans. « Je partage, je donne et j’ai la chance de recevoir en retour. Mais il n’y a pas de calcul de ma part ». Une philosophie de vie musher.
Initiation au chien de traîneau en forêt de Fontainebleau avec Christian Perlwitz. Séance d’environ 1h30. 40€ pour les adultes, 30€ pour les moins de 10 ans. Jusqu’à 4 personnes. Infos et réservations sur www.evasion-canine.fr ou au 06 32 68 82 26.
31 août 2016 - Fontainebleau