Chose inédite pour un chantier de cette ampleur, l'ambition culturelle et artistique du métro du Grand Paris a été présentée cette semaine.
On ne présente plus le Grand Paris Express, projet de métro qui collectionne les superlatifs : 200 km de voies nouvelles, 4 lignes, 68 gares, qui doivent sortir de terre d’ici à 2030. Ce que l’on sait moins, c’est que derrière les chantiers se cache un projet culturel d’envergure dévoilé cette semaine par la Société du Grand Paris (SGP), chargée de mener à bien le super métro.
Ancien patron du Centre Pompidou et des Rencontres photographiques d’Arles, François Barré en a été l’un des concepteurs. Et il n’en revient pas lui-même : « Curieusement, une société chargée de développer un énorme projet urbain et technique, le Grand Paris Express, a décidé de mettre dès le départ au cœur de son projet la culture et les arts. Je n’avais jamais vu une prise de décision de ce type. Et on peut même dire que jamais dans ma vie je n’ai vu un projet de cette ampleur. »
L’art pour faire émerger l’identité du Grand Paris
Quelques minutes plus tôt Philippe Yvin, président de la SGP, avait annoncé la création d’un 1‰ culturel. Le budget du chantier pesant plusieurs dizaines de milliards d’euros, l’investissement est tout sauf anecdotique. Un parti pris qui, selon Philippe Yvin, se justifie pour la simple et bonne raison que ce futur métro porte « la troisième révolution urbaine de Paris », celle de l’abolition de la frontière physique et symbolique du périphérique. Rémi Babinet, directeur de l’agence de communication BETC et à la tête du fonds de dotation culturel du Grand Paris Express pense pour sa part que « le futur métro pourra participer à faire émerger une culture « post-périph » et à construire le récit du Grand Paris. » Quant à José-Manuel Gonçalvès, patron du Centquatre à Paris et directeur artistique du Grand Paris Express, il estime « fondamental de résoudre la question des transports en banlieue mais il ne faut pas s’en tenir à l’usage. Penser que c’est essentiel mais pas suffisant est une posture politique que nous assumons. Les habitants de banlieue ont aussi le droit à la culture. Ce projet culturel est un signe d’attention et de reconnaissance envers les territoires traversés ».
Un chantier chaudron artistique
D’où le lancement d’une programmation foisonnante rythmée par des fêtes qui animeront temporairement les chantiers. Des appels à projets permettront d’associer la jeune création contemporaine à cette émulation, notamment en ce qui concerne le design des horloges des gares ainsi que des enseignes qui guideront les voyageurs. Mais l’idée la plus marquante, qui laissera des traces durables et sans doute spectaculaires, est celle des tandem : les 37 équipes d’architectes chargées de construire les 68 nouvelles gares ont été «mariées» à des artistes qui doivent y loger des créations originales. Une démarche inédite à une telle échelle. « Trop souvent, la programmation artistique, pensée après le temps de la construction, est réduite à un alibi, à une simple décoration, constate José-Manuel Gonçalvès. Pas ici, où l’on a délibérément choisi de confondre le geste architectural et la programmation artistique, qu’elle soit éphémère comme pérenne. »
Au-delà du temps des chantiers, s’annonce ainsi la construction d’un patrimoine artistique à l’échelle d’une métropole. L’artiste Laurent Grasso et l’architecte David Trottin s’attelleront par exemple à la Gare de Châtillon – Montrouge. De Laurent Grasso, on peut admirer « Solar Wind », installation poétique qui illumine la nuit les silos d’Italcementi, au bord du périph’ quai d’Ivry. En tout, dix tandem sont déjà à pied d’œuvre, dont on découvrira le travail d’ici à cinq ans, l’ambition étant de faire du Grand Paris une destination touristique phare. José-Manuel Gonçalvès veut même croire que « les gares deviendront des musées, comparables à la cour carrée du Louvre. Les voyageurs seront toujours à 5 minutes d’une œuvre d’art. »
6 avril 2017