Schadenfreude : derrière ce mot-valise allemand difficilement traduisible en français se cache l’idée de se réjouir du malheur des autres. Un sentiment pas très charitable mais qu’on avoue avoir ressenti sur la ligne 7 en ce matin de juillet en voyant un flot de touristes descendre à la station Palais Royal–Musée du Louvre pour aller grossir la file d’attente devant La Joconde. En ce qui nous concerne, nous avons continué notre trajet jusqu’à la porte de Choisy avant de sauter dans le T9, direction le MAC VAL à Vitry (Val-de-Marne), le musée d’Art contemporain du Val-de-Marne.
En ce mardi matin, il est bien calme, et on se réjouit de découvrir dans des conditions royales l’exposition « L’œil vérité » qui retrace une histoire de l’art contemporain en France de 1950 à 1990 avec une idée forte : « l’envie de revoir ou même de découvrir des œuvres qui, pour la plupart, n’ont pas été montrées depuis l’ouverture du musée en 2005 », nous apprend le dépliant donné à l’accueil. Découpée en seize séquences, l’exposition propose une plongée vraiment passionnante dans les arcanes de l’art contemporain. Au cours de la virée, on a particulièrement accroché avec le travail de Jacques Charlier, présenté dans la section « L’œil abusé ». Charlier conçoit un collectionneur imaginaire, Sergio Bonati, à qui appartiennent un certain nombre de toiles tout aussi fictives puisque imaginées par Jacques Charlier lui-même (vous suivez ?).
Plus loin, la quiétude merveilleuse des toiles bleues ou roses de Geneviève Asse et Philippe Lepeut valent bien tous les podcasts de méditation du monde. Tout comme la splendide toile d’Olivier Debré, Brune longue de Loire, sur laquelle l’artiste donne à contempler les reflets cuivrés de ce fleuve qui a tant imprégné son travail.
La photographie est aussi représentée avec des œuvres de Robert Doisneau, Willy Ronis mais aussi Sabine Weiss, à qui le conseil départemental, dans les années 80, avait commandé un travail sur les habitants du Val-de-Marne. À travers ces clichés, on voit aussi s’élaborer la mémoire d’un territoire, qu’il s’agisse des guinguettes des bords de Marne ou de la construction de grands ensembles.
Jacques Monory, Bernard Rancillac, Robert Malaval, Daniel Buren, Jean Dubuffet, Arman, Martial Raysse sont autant de noms prestigieux qui émaillent les salles. Avec, il faut bien le souligner, une part encore minime d’artistes femmes. Sur 86 artistes, 11 femmes : des chiffres qui montrent que, en matière d’acquisition et d’exposition, les institutions ont encore une belle marge de progression pour permettre à l’histoire de l’art de s’écrire aussi au féminin.
Double mise au vert
On décide de poursuivre notre déambulation dans le jardin de 10 000 m2 à l’arrière du musée. Sur les pelouses, Les Grands Fumeurs, sculptures monumentales d’Alain Séchas, accueillent le visiteur. Le site recèle en effet une dizaine d’œuvres installées en plein air. Nous longeons ensuite une allée bordée d’agapanthes et d’hibiscus de Syrie jusqu’au Vert Verre. Le restaurant, avec une nouvelle direction, a ouvert le 7 juillet. Décoré par José Lévy, il propose une formule à 23 ou 29 €. On déjeune donc sous les frondaisons avec vue sur La Rosée, une œuvre de Didier Marcel représentant 300 perles de cristal suspendues à un filin. Le service est aux petits soins, chaleureux et précis. On opte pour un œuf parfait avec mousseline de petits pois, oignons frits et crème à la menthe. Visuellement, on se dit que le restaurant n’a pas volé sa place dans un musée car le camaïeu de verts réjouit l’œil, d’autant plus quand le jaune de l’œuf vient se mêler à la composition. En bouche, hormis une présence du citron un peu trop prononcée, rien à redire.
Place ensuite au maigre à la plancha avec crème de haricots verts, pommes de terre grenaille et aïoli safrané. La cuisson du poisson est parfaite, la pièce demeure fondante, pas une once de sécheresse à déplorer. Quant à la crème de haricots verts, elle est tout sauf quelconque, rendant un bel hommage à un légume vert trop souvent cantonné à une cuisson à l’anglaise et quelques brins de persil. Le clafoutis aux cerises bigarreau avec sa crème fouettée à l’estragon nous faisait de l’œil, mais on a su raison garder. En se disant qu’on reviendrait vite pour tester le reste de la carte. Et reparcourir les salles de ce musée qui vaut vraiment le déplacement.
Infos pratiques : exposition « L’œil vérité » au MAC VAL, place de la Libération, Vitry (94). Ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h. Tarifs : de 2,5 à 5 €, gratuit pour les moins de 26 ans. Accès : tramway T9 arrêt musée du MAC VAL / gare de Vitry (RER C) puis 15 mn de marche. Plus d’infos sur macval.fr / restaurant Le Vert Verre, dans le jardin du musée. Ouvert pour le déjeuner du mardi au vendredi de 12 h à 14 h 30 (23 et 29 €) ; formule brunch les samedis et dimanches de 11 h 30 à 15 h ; salon de thé du mardi au dimanche de 15 h 30 à 17 h. Infos et réservations sur vert-verre.fr
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11 juillet 2023 - Vitry-sur-Seine